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Groupe de travail pour la refondation   

CHARTE DE BONNE GESTION

Beni Renzetti | Publié le mer 3 Jan - 18:21 | 947 Vues

Charte de bonne gestion des biens des associations

 

Le 6 avril 2017, les évêques de Belgique  proposent une charte de de bonne gestion à tous ceux qui assument une responsabilité de gestion matérielle et financière dans l’Eglise. Elle est rédigée dans un esprit de service et de responsabilité collégiale. Les principes décrits ci-dessous s’appliquent à toute gestion de biens, quel qu’en soit le détenteur.

 

  1. Une approche évangélique et éthique

     Les Evangiles citent à plusieurs reprises le Christ en réponse aux questions de gestion patrimoniale. :

     

    -      Eh bien ! Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu  (Lc 20, 25)

    -      Qui de vous en effet, s’il veut bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ?  (Lc 14, 28)

    -      Nul serviteur ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l’un et aimera l’autre ; Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent  (Lc 16,13)

     

    Voici quelques phrases tirées de l’exhortation apostolique post-synodale du Pape François Evangelii gaudium  :

     

    -      L’éthique – une éthique non idéologisée – permet de créer un équilibre et un ordre social plus humain. En ce sens, j’exhorte les experts financiers et les gouvernants des différents pays à considérer les paroles d’un sage de l’antiquité : Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs. (57).

    -      L’argent doit servir et non pas gouverner ! Le Pape aime tout le monde, riches et pauvres, mais il a le devoir, au nom du Christ, de rappeler que les riches doivent aider les pauvres, les respecter et les promouvoir. (58).

     

     

     

     

  1. Les biens des associations et leurs gestionnaires

     

    Par ‘bien des associations ’,  il faut entendre tout bien mobilier ou immobilier qui a été donné, confié ou vendu à l’association et dont la gestion est confiée à des personnes mandatées en son sein. Il s’agit souvent d’un patrimoine stable constitué au fil du temps par un travail acharné et souvent par la générosité. Il ne peut donc pas être aliéné sans discernement collégial. Ces biens matériels sont nécessaires à la réalisation de la mission de l’association. Ils sont dès lors administrés dans un esprit de charité, de continuité, d’efficacité et de transparence.

     

    Il est recommandé que les biens des associations n’appartiennent ni à une, ni à plusieurs personnes physiques, mais à des personnes morales au service du but de l’association

    Les gestionnaires de ces biens ont reçu un mandat de l’association  qui leur en confie la gestion. Ils sont tenus d’exercer soigneusement leur fonction en bon père de famille sans jamais considérer qu’ils sont propriétaires de ces biens. La séparation entre le patrimoine de l’association qu’ils gèrent et leur patrimoine privé doit être totale. Il ne peut y avoir de confusion d’intérêt ou de patrimoine. S’il y a risque de confusion, celle-ci doit être clarifiée avant que la personne puisse se voir confier un mandat pour gérer des biens de l’association.

     

  2. Un cadre juridique et des principes de bonne gestion

     

    La gestion des biens de l’association s’inscrit dans un cadre juridique très large, constitué  de dispositions obligatoires de la législation civile (droit commercial et des sociétés, droit civil, droit du travail, droit fiscal, droit social, droit pénal). L’ensemble des dispositions du droit  national  sont d’application pour la gestion des biens des associations

     

    Quelques principes généraux doivent prévaloir afin de garantir que les décisions soient prises au nom du bien commun. Nous en citons quelques-unes :

     

    Responsabilité collégiale :  Les décisions sont prises dans la collégialité après consultation, dans la transparence et le respect mutuel. Il y a toujours quelqu’un qui porte la responsabilité finale, mais celle-ci ne sera exercée qu’après avoir franchi toutes les étapes d’information, de concertation et de décision. En agissant ainsi, on évite les initiatives trop personnelles qui se prennent au détriment du bien commun.

     

    Compétences : tout organe de gestion doit pouvoir s’appuyer sur un éventail de talents et de compétences. La direction et l’animation de cet organe de gestion doivent être confiées à une personne capable de fédérer et de déployer cette variété de talents.

     

    Complémentarité : les talents doivent se compléter mutuellement. Personne n'a toutes les compétences et les connaissances et ne détient un pouvoir supérieur. Nous sommes tous au service de l’Evangile et de la communauté. C’est la complémentarité entre acteurs, qu’ils soient clercs ou laïcs, hommes ou femmes, salariés ou volontaires, qui mène aux bonnes décisions.

     

    Subsidiarité : toutes les décisions doivent être prises au niveau qui en a reçu la compétence. Chaque niveau doit prendre la responsabilité d’une gestion prudente, veiller à ce que les dépenses soient couvertes par les recettes et que l’on utilise les fonds disponibles pour un objectif correspondant.

     

    Renouvellement : l’ancrage des personnes dans une responsabilité n’est jamais bénéfique. Il est sain de prévoir un renouvellement régulier des membres des organes de gestion et de prévoir des mandats limités dans le temps et éventuellement des limites d’âge (par exemple 65, 70 ou 75 ans selon la responsabilité). Personne n’est propriétaire d’une fonction ou d’un mandat lorsqu’il s’agit d’administrer des biens de l’association.

     

    Le principe des quatre yeux : afin de toujours privilégier le bien commun par rapport à l’intérêt particulier, il est recommandé que tout acte engageant une institution soit validé par la signature de deux personnes au moins. Cela vaut pour les bons de commandes, l’approbation des factures, les paiements, les engagements de personnel, les placements financiers, entre autres. Des seuils fixant les montants d’engagement autorisés par divers niveaux de responsabilité sont à prévoir par les organes de gestion des associations concernées.

     

    Ponctualité : le respect des délais et des engagements favorise une gestion harmonieuse. Les retards et les négligences sont source de tensions, et peuvent conduire à des ennuis juridiques.

     

    Supervision: il est important que tous ceux qui sont chargés par les statuts d'une mission de surveillance sur la gestion financière et matérielle des biens de l’association veillent à remplir leur mission consciencieusement: qu’ils demandent les informations nécessaires et les vérifient, qu’ils ne donnent pas négligemment les autorisations, et que s’il le faut, ils effectuent les ajustements ou les corrections et demandent pour tout cela les conseils ou l'assistance nécessaires.

     

  3. Des recommandations concrètes

     

    Comme indiqué ci-dessus, chaque collaborateur dans l’Eglise en Belgique est lié par les règles et les prescriptions du droit canonique, par les dispositions des statuts de la personne morale (par exemple une asbl ou une Fondation privée) s’appliquant à son activité et ce, dans le respect de la législation en vigueur en Belgique. A cet égard, la Conférence épiscopale donne un certain nombre de directives.

     

    a. Les personnes morales

     

    la propriété des biens revient à des personnes morales Ces personnes morales doivent être constituées de façon à avoir aussi effet en droit civil. Les propriétés, les ressources financières ou les actes de gestion en lien avec la communauté ou l’association , doivent dès lors être enregistrés sans exception dans la comptabilité d’une personne morale de droit privé. Pour le droit civil, ces personnes morales ont dans la plupart des cas, en Belgique, la forme d'une asbl ou d'une Fondation privée.

     

    Les associations de fait ne conviennent pas à la gestion des bien. Même si elles font partie des possibilités juridiques et sont correctement gérées, elles ne forment  pas un lien adéquat entre ces ressources et la communauté ou association concernée. Là où elles existent encore, elles doivent être remplacées au plus vite par une personne morale de droit privé, comme une asbl ou une Fondation privée. De plus, l’argent d’une association ou d’une communauté ne peut jamais se retrouver sur le compte bancaire d'une personne physique ou être détenu par celle-ci.

     

    b. Les opérations financières

     

    Les opérations financières d'une associationou d’une communauté doivent être directement effectuées sur le compte bancaire de la personne morale . Les administrateurs des biens de l’association ne peuvent pas percevoir personnellement ou dépenser des sommes, en dehors de la comptabilité de la personne morale concernée. Les ayants-droit reçoivent le montant qui leur est dû, par l’intermédiaire de la comptabilité de la personne morale, et non via le gestionnaire.

     

    c. Salaires et allocations

     

    La législation sociale doit être appliquée dans son intégralité pour tout engagement contractuel rémunéré. les

    Les remboursements de frais se font exclusivement sur présentation de factures (originales) ou de note de frais signées. Le règlement d’ordre intérieur doit préciser les règles nécessaires à cette procédure (par exemple : les règles applicables et à partir de quels montants).

     

    Pour les volontaires, la personne morale et le volontaire doivent signer un contrat de bénévolat comprenant entre autres, une assurance obligatoire légale. L’indemnité de volontaire n’est pas une rémunération mais seulement une compensation des frais effectués. Si l’on opte pour un système forfaitaire sans pièces justificatives nécessaires, il faut respecter les plafonds légaux d’indemnisation. Si on décide le remboursement des frais réels, ces plafonds peuvent être dépassés mais il faut pouvoir prouver les frais remboursés.

     

    Les personnes morales doivent veiller à ce que toutes leurs opérations financières et leurs comptes soient transparents pour vérification fiscale, conformément à la législation applicable et aux demandes de l’administration fiscale. Elles sont également responsables des fiches de salaires et des fiches fiscales émises en conformité avec la loi. Chaque citoyen est censé indiquer correctement ses revenus à l’administration fiscale.

     

d. Les placements financiers

 

En matière de placements financiers, un double objectif s’impose. D’une part les placements financiers doivent garantir la conservation du capital investi. D’autre part, ils doivent produire un rendement adéquat sur ce capital. La richesse financière et son accroissement ne constituent pas un but en soi pour l’association mais un moyen nécessaire pour l’accomplissement de ses objectifs.

 

Chacun doit être conscient que tout investissement comporte un risque. Par conséquent, les gestionnaires doivent s'assurer qu’ils ont les connaissances nécessaires des produits dans lesquels ils souhaitent investir. Ils doivent poursuivre une politique de placement prudente avec répartition de l'actif investi principalement dans des produits à faible risque tels que des liquidités et des obligations de haute qualité qui génèrent un bon rendement par rapport au risque encouru, et ce à un prix compétitif.

 

Toute forme de placement dans des paradis fiscaux et /ou des produits spéculatifs tels que des options, des bons de souscription, des contrats à terme et des swaps doivent être évités. Il convient de travailler avec des produits provenant d'institutions financières solides agréées par les autorités civile qui elles-mêmes exercent une supervision stricte sur leur bonne gouvernance. Concernant les investissements, on tiendra également compte des critères éthiques et de la conformité de ces investissements à la doctrine sociale de l'Eglise, tant dans le sens positif (en faveur, par exemple, de l'écologie durable, de l’énergie renouvelable, les droits de l’homme, des investissements sociaux, du micro-crédit) que négatif (par exemple contre le travail des enfants, contre la course aux armements, la pornographie et l'exploitation sexuelle, la drogue et l'alcool). Les institutions financières peuvent insérer ces critères dans la politique d'investissement de leur client. Certains instruments tels que l'analyse SRI (Socially Responsible Investment) peuvent être utiles.

 

Il est toujours conseillé de demander l'avis d'experts qui, en plus des résultats financiers, ne perdent pas de vue l'importance de l'association . dans leurs relations avec les institutions financières.

 

 

e. le patrimoine immobilier

 

Concernant le patrimoine immobilier, il faut veiller à ce que tous les biens ou le produit de ceux-ci soient utilisés pour la mission de l’association  Si un bien ne peut plus répondre à l’une de ces missions ou devient trop lourd à gérer, il vaut mieux le transférer à une autre association. Le bail emphytéotique reste une formule à privilégier pour sauvegarder le patrimoine de l’association . Si toutefois il faut envisager une vente à des tiers, elle se fera à un prix conforme au prix du marché.   

 

 

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