Main photo NAPOLÉON & LA GUERRE D'ESPAGNE (1808-1809)

NAPOLÉON & LA GUERRE D'ESPAGNE (1808-1809)

  • Par Gimdolf_Fleurdelune
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L'invasion du Portugal par la France.

Après la paix de Tilsitt (1807), le Portugal refusait d'adhérer au blocus continental imposé par Napoléon, alors maître de l'Europe. Le Portugal étant un allié de l'Angleterre depuis le traité de Méthuen en 1703.

Napoléon proposa alors à la cour de Madrid de conquérir en commun, puis de partager le Portugal : le traité de Fontainebleau, signé le 27 octobre 1807, prononça la déchéance de la maison de Bragance et réserva, pour la France, la ville de Lisbonne avec les embouchures du Tage.

Un corps expéditionnaire français, composé de jeunes recrues et commandé par le maréchal Junot, franchit la sierra de Estrella et entra sans coup férir à Lisbonne, tandis que le roi Jean IV et toute sa famille s'embarquaient pour le Brésil (24 novembre 1807).

Déchéance des Bourbons d'Espagne. Avènement de Joseph Bonaparte.

Les Bourbons d'Espagne avaient donné à Napoléon des témoignages non équivoques de leur dévouement, associé leur flotte à la marine française lors de la journée de Trafalgar, fourni de l'argent et des hommes, permis à l'empereur d'utiliser en Allemagne les forces qu'une Espagne hostile ou simplement neutre l'aurait obligé à maintenir sur la frontière des Pyrénées.

Le véritable maître de l'Espagne était Manuel Godoy, prince de la Paix et de Bassano, ministre d'intelligence médiocre mais intrigant et favori de la reine. Le roi Charles IV et son fils Ferdinand, prince des Asturies, vivaient désunis. Le prince de la Paix travaillait secrètement à éloigner l'héritier du trône et à faire proclamer la régence de la reine pour conserver le pouvoir. De son côté, le prince des Asturies, chef d'un parti d'opposition, cherchait à miner Godoy dans l'esprit de son père.Chacune des deux factions prétendait à l'appui de Napoléon, qui trouva plus simple de renverser une dynastie qu'il jugeait trop dégénérée pour servir ses desseins et, comme jadis Louis XIV, d'assurer la sécurité de la frontière méridionale en établissant à Madrid un prince de sa famille.

Alors, sous prétexte d'opérer d'accord avec les Espagnols contre le Portugal, la division d'observation des Pyrénées, commandée par le général Duhesme, entra en Catalogne, et Murât, soi-disant pour couvrir les troupes d'occupation au Portugal, fut envoyé à Madrid avec une armée. A l'approche du plus fidèle lieutenant de l'empereur, Godoy ne songea qu'à sauver sa personne et ses trésors : le prince Ferdinand fit connaître sa résolution de rester à Madrid, et la peuple, soulevé à Aranjuez, maltraita le ministre et pilla sa maison (20 mars 1808). Charles IV, affolé, abdiqua en faveur de son fils, autour duquel se serra la foule enthousiaste au cri de : "Vive le roi !"

A cette nouvelle Savary s'empressa de rejoindre Murât et tous deux démontrèrent à Ferdinand VII que, s'il voulait être reconnu de l'empereur, lequel était en route pour Madrid, il ferait mieux d'aller sagement au-devant de lui. Celui-ci lui manda de venir à Bayonne, jurant de le reconnaître séance tenante comme roi d'Espagne et des Indes. Naïvement, Ferdinand passa la frontière : son père, sa mère, Godoy le suivirent, sur l'ordre de Napoléon. Charles IV et la reine, qui ne pouvaient pardonner à leur fils son entrée triomphale à Madrid, le chargèrent d'invectives, le rendirent responsable de la collision sanglante qui, le 2 mai, avait mis aux prises le peuple madrilène et les soldats de Murât. Napoléon enjoignit à Ferdinand, qui s'exécuta aussitôt, d'avouer son frère pour roi légitime, et comme Charles IV lui avait cédé ses droits, voilà Joseph Bonaparte, sur le papier du moins, maître de la couronne d'Espagne.

Ferdinand est envoyé au château de Valençay, domaine de Talleyrand, et Charles IV au château de Compiègne, pendant que Joseph, remplacé sur le trône de Naples par Murât, est appelé à régner à Madrid. Mais les Espagnols se refusèrent à reconnaître un souverain imposé par l'étranger. Une insurrection éclata en Catalogne, vite réprimée par le général Duhesme, et c'est par les armes que les Français durent vaincre la résistance du pays, qui ne se satisfaisait pas de la Constitution mort-née donnée le 7 juillet 1808 par Napoléon à l'Espagne.

Alors commença une guerre de six ans qui minera profondément le pouvoir impérial. La configuration du pays rendant impossible l'unité de commandement et d'action, les hostilités se poursuivirent isolées, dans chaque province, chaque bourg, chaque ville, appuyées par des actions de guérilla et la résistance acharnée des populations. L'intervention anglaise, plus efficace par sa persistance que par les talents du général Wellington, donna aux armées régulières de la junte l'appui qui leur permit de se maintenir.

Quand, au mois de janvier 1809, après une campagne de deux mois et demi, Napoléon quitta l'Espagne pour préparer la guerre contre l'Autriche, il n'avait obtenu aucun résultat décisif. Eût-il même matériellement vaincu, la situation fût restée la même : le triomphe militaire, la domination matérielle ne font pas une conquête. L'Espagne était indéfectiblement attachée à sa monarchie traditionnelle, à sa religion, à son passé : elle n'était pas prête à assimiler les principes politiques et sociaux que Napoléon prétendait lui imposer. 

L'empereur regretta d'avoir engagé cette guerre et reprocha durement à Talleyrand de la lui avoir conseillée. Il la justifia, plus tard, par le désir de régénérer l'Espagne, mais il ne semblait pas que ce désir ait jamais été chez lui bien profond. Ses considérations réelles étaient surtout matérielles : il voulait surtout réorganiser la marine et les finances de la Péninsule pour avoir une alliée utile contre l'Angleterre en Méditerranée, et l'initiative de la Constitution de Bayonne, octroyée dans un but d'intérêt politique, revient à Murât, non à Napoléon.

Les victoires de Logroño et de Medina de Rio Seco (14 juillet 1808) ouvrirent (20 juillet) les portes de Madrid à Joseph, auprès de qui Napoléon plaça le comte de La Forest, pour le renseigner sur les faits et gestes de son frère.

Capitulation de Baylen (22 juillet 1808).

Le général Pierre Dupont de l'Etang, envoyé de Madrid vers Cordoue avec 13 000 hommes, s'empara de cette place et rétrograda vers le nord, comptant traverser la sierra Morena au col de Baylen, quand il se heurta aux troupes du général espagnol Reding ; son lieutenant Vedel s'était laissé tromper par une ruse de l'ennemi et avait occupé un autre passage. Comme, d'autre part, il se sentait pris en queue par l'armée de Castanos, et que ses troupes, épuisées de fatigue, étaient réduites à 12 000 hommes, Dupont crut devoir demander une suspension d'armes, et négocia une capitulation en y comprenant Vedel, qui, s'étant aperçu de son erreur, accourut à marches forcées pour le rejoindre.

La capitulation garantissait la vie sauve à tous les soldats français, mais elle fut violée par la junte de Séville, qui envoya ses prisonniers sur les pontons de Cadix ou sur l'âpre rocher de Cabrera, aux Baléares : en proie à la misère et à la faim, ils y souffrirent une lente agonie, alors que le gouvernement espagnol s'était engagé à les rapatrier à leurs frais.

L'échec de Dupont eut un retentissement immense en Europe, où il fut salué par les ennemis de la France comme le premier échec de Napoléon. Dupont et ses lieutenants, séparés de leurs soldats, furent ramenés en France. Ils devaient être jugés par la Haute Cour ; mais Napoléon, prévoyant un acquittement, fit suspendre la procédure, et ce fut seulement en 1812 qu'une commission extraordinaire, présidée par Cambacérès, prononça contre les accusés une condamnation résolue à l'avance. Ils furent condamnés à la dégradation et leurs décorations leur furent confisquées. L'empereur, aggravant la peine, ordonna que le général Dupont fût interné au fort de Joux, puis à la citadelle de Doullens, car il ne pouvait admettre que sa Grande Armée, vainqueur de l'Autriche et de la Puisse, pût être humiliée face à de simples guérilleros.

Après la Restauration, toutefois, le procès du général Dupont fut révisé dans un sens favorable par ordre du roi Louis XVIII.

La responsabilité du désastre de Baylen n'incombait pas entièrement au général Dupont.

Si le général de chef de l'armée d'Andalousie, dont la bravoure et l'honnêteté furent sans tâche, ne sut pas prendre les mesures tactiques commandées par sa position et fut à Baylen inférieur à lui-même, il faut pas perdre de vue que l'empereur l'avait imprudemment lancé sur l'Andalousie sans s'être rendu compte de la situation militaire et sans croire à la force de la résistance nationale du peuple espagnol.

La libération du Portugal par les Anglais.

Le 1er août 1808, un corps expéditionnaire anglais débarqua en Portugal sous la conduite de sir Arthur Wellesley.

Joseph sortit de Madrid (2 août 1808), passa l'Ebre et établit son quartier général à Vittoria. Junot, concentrant ses troupes entre Lisbonne et Abrantès, marcha à la rencontre du général anglais pour l'arrêter dans sa marche sur la capitale. il est vainqueur une première fois le 18 août et se mesura de nouveau avec lui à Vimeira (21 août 1808). Malgré la supériorité numérique des forces anglaises, l'excellence de leur artillerie, la solidité des positions occupées, Junot ne désespère pas avec 9 000 ou 10 000 hommes de s'emparer des hauteurs, dont le revers domine à pic l'océan Atlantique, et de jeter les Anglais à la mer. Mais Wellesley, fin stratège, sut profiter des mouvements  des troupes françaises pour modifier ses positions et rectifier son ordre de bataille. Les Français ne parvinrent pas à se maintenir sur le plateau de Vimeira, où la lutte fut particulièrement vive. Après avoir perdu sans obtenir le moindre résultat 1800 hommes, soit le cinquième de son effectif, Junot, qui avait devant lui 18 000 Anglais, se décida à battre en retraite et, cerné sur les hauteurs de Cintra, engagea des négociations qui aboutirent à l'évacuation du Portugal, le 30 août 1808.

A ce moment, les Français en Espagne n'occupaient plus que les provinces au nord de l'Ebre.

Napoléon prit alors personnellement le commandement de l'armée d'Espagne, qu'il éleva à 250 000 hommes. Avant de partir, toutefois, il jugea prudent de régler avec la Russie toutes les questions pendantes. Il signa donc avec le tsar Alexandre le traité d'Erfurt, le 27 septembre 1808.

Campagne de Napoléon en Espagne.

Napoléon dirigea personnellement les opérations dans la Péninsule, de novembre 1808 à janvier 1809.

Les débuts furent marqués par les victoires de Durango, de Burgos, d'Espinosa, où Victor eut raison de Blake (10-11 novembre 1808), et de Tudela, où Lannes défit Palafox et Castanos (23 novembre). Un vigoureux engagement, au cours duquel les chevau légers polonais exécutèrent une charge héroïque, rendit les Français maîtres du défilé de Somo Sierra (30 novembre) et, le 4 décembre 1808, Napoléon entrait à Madrid.

Il supprima les Cortès, coupable d'avoir tenté de défendre la capitale, mettant fin à l'antique institution qui avait été comme le coeur de la monarchie espagnole depuis des siècles.

C'est contre les Anglais de sir John Moore, débarqués en Portugal et en marche sur Valladolid, qu'allait manœuvrer Napoléon, précédé par le corps du maréchal Ney, flanqué sur sa droite par Soult, tandis que sur sa gauche la cavalerie de Lasalle et de Milhaud, suivie des marchaux Lefebvre et Victor, remontait la vallée du Tage, se dirigeant sur Lisbonne. Le 26 décembre, Soult atteignit à Lugo le général Moore, qui fut mortellement blessé, et obligea les Anglais à se réembarquer à La Corogne.

Malgré ces victoires, la Péninsule refusait de se soumettre. Au contraire même, cela ne fit que renforcer l'acharnement des guérillas qui s'organisaient en différents points du territoire, bien déterminées à épuiser les troupes françaises et les disperser.

La ville de Saragosse, l'un des principaux foyers de la résistance, fut assiégée. Le peuple renversa son gouverneur, jugé trop timoré et hésitant, et le remplaça par Joseph Palafox, jeune homme de 28 ans, qui organisa merveilleusement la résistance. 

Au commencement d'août 1808, un assaut rendit les Français maîtres d'une partie de la ville ; mais les soldats, impatients de piller, compromirent le succès final en exaspérant la résistance des habitants.

A la nouvelle de la capitulation de Baylen, les assiégeants se replièrent sur Tudela. Deux mois après, de nouvelles victoires ramenèrent les Français devant Saragosse, et le siège recommença. Les Français entrèrent enfin dans le faubourg de la rive gauche, mais il leur fallut alors poursuivre le siège de rue en rue, conquérir Saragosse maison par maison. Ils n'avaient pas à combattre seulement les habitants, mais aussi des paysans et des contrebandiers d'une rare adresse. Des incendies dévoraient les monuments, une épidémie décimait les Espagnols, encouragés jusqu'au bout par les moines et les femmes.

Les Français n'avançaient que lentement, laissant les meilleurs d'entre eux sur le pavé, passant au fil de l'épée des ennemis que la mort seule pouvait abattre. "Sire, écrivait Lannes à Napoléon, c'est une guerre qui fait horreur."

Quand le faubourg fut entièrement aux mains des Français, la junte de défense se résigna à capituler. Plus de la moitié des habitants de la ville, soit environ 50 000 personnes, avaient succombé.

Les Anglais ne possédaient plus que Lisbonne, et les Espagnols ne tenaient plus qu'à Cadix lorsque Napoléon revint en France pour se préparer à la guerre de la cinquième coalition.


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