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Heartfall Arises

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Titre Original : Gaing Sum Por
Pays : Hong Kong
Date de sortie : 20 octobre 2016
Réalisateur : Ng Ban Yu
Acteurs : Nicholas Tse, Sean Lau, Tong Liya
Genres : Action, Drame
Durée : 106 minutes

Synopsis

John Ma, un inspecteur de police abat un tueur en série, surnommé "Le Général" mais est mortellement blessé au cours de son arrestation. Atteint au cœur, il sera sauvé par la transplantation du cœur du tueur. Mais, quelques mois plus tard, apparaît une copie du Général, cependant que John Ma semble se rappeler des souvenirs du tueur. Aidé du psychologue criminaliste Calvin She, il va tenter de mettre fin aux jours de ce tueur.

Informations supplémentaires

1- La mémoire cellulaire

Le livre de Charlotte Valandrey, "De cœur inconnu", connaît un succès public malgré un silence relatif des médias. Pour une fois, le témoignage d’une célébrité laisse perplexe en suscitant une intense curiosité mais aussi en lançant une esquisse de débat plus scientifique sur une éventuelle théorie de la mémoire cellulaire. Charlotte a subi une greffe du cœur il y a plusieurs années et depuis, se trouve face à d’étranges sentiments liés à la mémoire de situations qu’elle n’a pas vécues mais qui seraient en fait liée à la biographie de la donneuse. Parmi ces sentiments, il y a une sorte de conte de fée avec une relation de foudre avec le mari de la donneuse décédée ainsi que d’autres réminiscence étrange comme lors d’un voyage en Inde avec des images précises d’un lieu décrit par l’actrice alors qu’elle ne l’a jamais visité.

Face à ces phénomènes assez singuliers, la curiosité scientifique se doit de proposer une explication. L’hypothèse qui vient en premier à l’esprit, c’est la possibilité d’une mémoire cellulaire ou plutôt, d’une mémoire organique qui serait encodée par les cellules cardiaques du cœur greffé. Si ce n’est pas le cas, alors il faut supposer quelques coïncidences existentielles accompagnée d’une imagination débordante dont ferait preuve l’intéressée. Pour l’instant, la communauté médicale rejette en bloc cette théorie sans pour autant l’avoir examinée. Visiblement, la greffe d’une nouvelle théorie fait l’objet d’un puissant rejet par les défenses rationnelles d’une médecine qui sans doute pèche par un excès de scientisme et réductionnisme et qui ne connaît pas forcément le vivant, son domaine étant l’observation des pathologies et leur traitement par des thérapies mécanistes ayant fait leurs preuves. A ce contexte épistémologique, on peut ajouter un volet de nature morale. Le suivi des greffes fait l’objet de multiples attentions car il semble occasionner des troubles psychiques nécessitant un suivi médical. On comprend alors que l’éventualité d’une mémoire cellulaire jetterait un peu plus de trouble parmi les greffés et donc, le corps médical préférerait ne pas entendre parler de cette hypothèse. Pourtant, s’il y a bien un phénomène de mémoire corporelle, alors c’est toute la conception du vivant qui risque de basculer.



Premier point, la nouvelle conception de la vie, où il est notamment question d’une substance vivante possédant deux facultés universelles, la technique et la cognition. On peut alors comprendre le fait qu’il existe plus de mémoire qu’on ne le pense, et qu’elle se situe là où on ne l’attend pas. Encore faut-il saisir les processus et la nature des dispositifs du vivant.

Second point, le modèle ondulatoire et les centres organisateurs. Les processus de la vie sont décrits comme des propagations d’éléments matériels et de signaux divers. Potentiel d’action, neuromédiateurs, transductions cellulaires par exemple. Deux types d’ondes sont impliqués, actualisation, depuis le centre vers l’interface et la potentialisation, vers les centres organisateurs. Les ondes de potentialisation sont notamment impliquées dans la mémoire.

Troisième point, la conception surdistribuée de l’information et la mémoire. Cette hypothèse est une variante du paradigme holographique. L’information est surdistribuée et la partie du système contient des informations spécifiques à son comportement mais aussi des données plus globales sur le système dans son ensemble. C’est de cette manière que chaque partie peut concourir à servir dynamiquement le tout. Et elle le fait en emmagasinant une masse considérable de données acquises par son expérience dans le tout et l’ensemble des processus de propagation des signaux. Chaque partie est donc un système perceptif qui perçoit, avec une certaine acuité, le fonctionnement de l’ensemble.

Et maintenant, comment comprendre qu’un cœur greffé puisse avoir emmagasiné une mémoire « biographique » ? Le cœur, comme d’autres organes, se place comme un élément réceptif du corps, sensible aux émotions, aux compositions hormonales qui sont des vecteurs physiologiques mais aussi d’humeur. Un sentiment amoureux, une émotion esthétique, la perception d’un paysage, tout cela constitue des éléments perceptifs que seul, le cerveau sait traiter, interpréter, métaboliser. Enfin, cerveau ou esprit, peu importe, mais il est question de conscience, de subjectivité, d’existence au sens psychanalytique et philosophique. Il faut alors comprendre comment des données cognitives de type existentiel peuvent se propager et s’emmagasiner dans des organes. Et là, il faut de l’audace conceptuelle autant qu’une bonne connaissance des mécanismes cellulaires. Une expérience riche en émotions s’inscrit dans la mémoire cérébrale, c’est une évidence. Ensuite, il faut envisager un processus informationnel permettant à cette expérience d’être transmise et encodée dans un organe du corps distinct du cerveau. Je vais oser une métaphore. Un enregistrement sonore peut être codé sur un morceau de vinyle, sur une bande magnétique ou bien sur un disque numérique. La mémoire est la même, mais le support est différent. On pourrait imaginer les cellules cardiaques comme un réseau cellulaire pouvant emmagasiner des données existentielles mais sous une forme réduite. Ou alors une double mémoire. D’un côté la biographie et de l’autre, des informations émotionnelles qui seraient indexées ensembles sous une forme spéciale.

On le comprend aisément, cette histoire de mémoire organique (plutôt que cellulaire) s’explique dans un cadre scientifique considérablement élargi. Avec comme principe la mémoire holographique. Alors avec quels mécanismes, on l'ignore. Disons que la question est ouverte et d’ailleurs, la science ne sait pas comment la mémoire existe et se trouve encodée par des mécanismes « biophysiques ». S’agissant de la mémoire humaine ou animale, la science sait quels sont les mécanismes permettant à la mémoire de se remémorer. Ces mécanismes sont cérébraux. Pour le reste, tout est ouvert. L’anthropologie est loin d’avoir élucidé les fondamentaux et les subtilités ontophysiques, génétiques, biologiques, du vivant et de l’expérience. Mais cette mémoire organique (cellulaire) est un phénomène méritant d’être pris avec sérieux, même si la surdité du corps médical voudrait éteindre toute investigation. Sachez une chose, c’est que ces médecins sont des techniciens de la thérapie doués, autant que des ignorants de la vie.

La vérité est au bout du tunnel. Encore faut-il parcourir de tunnel menant à la connaissance universelle. L’esprit est au bout du chemin. L’esprit doit cependant ouvrir le chemin. Et trouver sur ce chemin toutes les éventualités, y compris que le récit de Charlotte soit sorti de son imagination fertile car porté par une existence en détresse. Mais n'ayons aucun préjugé, si ce phénomène est avéré, il s'est produit chez d'autres greffés.

2- Et si tu regardes longtemps un abîme, l’abîme regarde aussi en toi.

Cette citation est l’une des plus fameuses de Nietzsche, et sûrement l’une des plus rencontrées dans la culture populaire (juste derrière le cultissime "Dieu est mort" et à égalité avec le célèbre "ce qui ne me tue pas me rend plus fort"). Le site TV Tropes va jusqu’à la considérer comme un "trope" (lieu commun) de la culture ordinaire, et répertorie son utilisation dans un certain nombre de séries télés (comme Esprits Criminels), de jeux vidéo (comme Diablo) et de films (comme, bien évidemment, Abyss). La phrase constitue en fait la seconde moitié de l’aphorisme 146 d’un ouvrage de Nietzsche intitulé Par-delà Bien et Mal. Le mieux pour en saisir la signification est donc de reprendre l’aphorisme en son intégralité. Le voici, dans la traduction de Cornélius Heim (Gallimard, 1971) : "Celui qui combat des monstres doit prendre garde à ne pas devenir monstre lui-même. Et si tu regardes longtemps un abîme, l’abîme regarde aussi en toi."

Une interprétation  répandue de l’aphorisme – celle qui a assuré sa popularité dans les médias cités plus haut – se focalise sur la première phrase et la comprend comme un avertissement sur le fait que combattre un mal peut conduire, si nous n’y prenons pas garde, à devenir et incarner le mal même que nous combattons. Ainsi, nous pouvons être tellement obnubilés par l’idée d’éradiquer une certaine menace que nous ne réalisons pas que les moyens que nous mettons en œuvre pour y parvenir nous rendent tout aussi mauvais. Cette idée se retrouve dans de nombreuses œuvres littéraires et cinématographiques. Un exemple « classique » peut être trouvé dans la pièce de Marivaux,  La Colonie dans laquelle un groupe d’hommes et de femmes exilés sur une île doivent former une nouvelle société. Les femmes en profitent pour s’émanciper de l’oppression des hommes, qui revendiquent pour eux tout le pouvoir. Mais, peu à peu, ce mouvement de libération des femmes se radicalise et certaines de ses dirigeantes commencent à vouloir confisquer tous les pouvoirs et toutes les fonctions au seul profit des femmes, mettant ainsi en place un système de pouvoir oppressif qui ressemble en tout point à celui qu’elles condamnaient au départ. Un autre exemple, plus "moderne" peut être trouvé dans la série de films La Guerre des Étoiles, où l’une des thématiques principales est que lutter contre le mal (le "côté obscur") comporte le risque de soi-même plonger de ce "côté obscur". Ainsi, la première partie de l’aphorisme de Nietzsche pointerait du doigt le fait que l’ennemi peut être tout aussi intérieur qu’extérieur, et que lutter contre le second peut faire le jeu du premier si l’on ne s’impose pas des limites.

Qu’en est-il maintenant de la seconde phrase ? Toujours selon cette interprétation répandue, elle est  considérée comme une simple extension de la première, et interprétée comme signifiant qu’être obsédée par l’idée du mal peut corrompre. En effet, si "à force de regarder l’abîme, l’abîme regarde en vous", cela signifie qu’à force de regarder l’abîme, vous êtes vous-mêmes devenu l’abîme: si A regarde B, mais que A est identique à B, alors on peut aussi dire que B regarde A. L’idée est donc que la contemplation continue d’un certain mal peut vous convertir en ce mal lui-même. La seconde phrase poursuivrait donc l’idée de la première en la transposant du domaine  de l’action (le combat) à celui de la connaissance (la contemplation) en développant l’idée selon laquelle un intérêt continu porté au mal peut être source de corruption.

Le problème de cette interprétation, c’est qu’elle est bien trop moralisatrice, au sens où elle présuppose et accepte sans critique les concepts de "bien" et de "mal", alors même qu’elle se situe dans un ouvrage dans lequel Nietzsche entend se situer Par-delà Bien et Mal, et rejeter les morales traditionnelles. Pour cette raison, le "monstre" de la première phrase ne doit pas être interprété dans un sens moral (qui serait hors de propos) mais dans un sens pathologique (qui colle mieux à l’œuvre de Nietzsche en général, dans laquelle l’intérêt pour le "développement" humain prend le pas sur l’intérêt pour la "morale"): le "monstre" ne serait alors pas une personne moralement monstrueuse (le mal absolu) mais une forme de vie qui aurait échoué à atteindre sa forme pleine et parfaite (un homme qui ne serait pas pleinement homme).

Pour mieux comprendre cette première phrase, il s’agit donc de comprendre quel est le "monstre" dont il s’agit, et il n’existe aucun consensus sur cette question. Ce qui suit sera donc purement spéculatif, et donc à prendre avec des pincettes. Souvent, il est utile pour comprendre un aphorisme de Nietzsche de se reporter au contexte dans lequel il apparaît (c’est-à-dire les aphorismes qui viennent juste avant et juste après). Cependant, dans le cas présent, les aphorismes qui précèdent et celui qui suit nous parlent… des femmes. A moins de lire cet aphorisme comme une pique misogyne, mieux vaut chercher ailleurs la clé nous permettant de l’interpréter.

Cette clé nous est fournie par le fait que Par-delà Bien et Mal est, de l’aveu même de Nietzsche, une paraphrase de son œuvre majeur, Ainsi parlait Zarathoustra. Il peut donc être fructueux de rapprocher cet aphorisme d’un chapitre de Ainsi parlait Zarathoustra intitulé "Des tarentules" dans lequel Zarathoustra (un personnage imaginaire servant de porte-parole à Nietzsche) s’oppose à des monstres (les tarentules) avant de se faire mordre par l’une d’elle et de déclarer que cette morsure risque de le transformer en tarentule à son tour. On voit que l’idée générale du chapitre est la même que celle de la première phrase de notre aphorisme: celui qui s’oppose aux monstres court le risque d’en devenir un lui-même.

Mais que sont donc ces "tarentules"? Selon Zarathoustra, ce sont ceux qui sont habités par la "volonté de vengeance", une volonté qui s’oppose à la "doctrine de vie" de Zarathoustra. De façon moins imagée, les tarentules représentent tous les moralistes et les religieux qui, selon Nietzsche, ont créé leurs doctrines morales et religieuses par jalousie et ressentiment envers les grands hommes créatifs, ce qui fait de ces doctrines des instruments de vengeance destinés à limiter la "vie" (entendue comme puissance et créativité). Le combat que livre Nietzsche à travers ces ouvrages consiste à révéler ces motifs pathologiques et destructeurs (ou, plus techniquement, "nihilistes") qui se cachent sous les bons sentiments et les bonnes intentions, et ainsi à jeter le doute sur les morales et les religions dominantes. Nietzsche combat ainsi l’esprit de vengeance qui se dissimule sous ces constructions morales et philosophiques en se livrant à une "psychologie des profondeurs", visant à mettre à jour les motifs qui se cachent sous les apparences de la morale.

Le problème de cet exercice visant à ébranler et jeter à bas les opinions morales dominantes, c’est qu’il peut devenir à son tour une façon d’exercer sa vengeance. Découvrant que toutes les valeurs morales auxquelles il avait cru jusqu’alors ne sont que des illusions (parce que fondées sur des motifs psychologiques pathologiques), le "psychologue" nietzschéen court le risque de désespérer du monde et de la vie et se venger en détruisant frénétiquement toutes les morales et tous les jugements de valeur (adoptant ainsi une attitude nihiliste selon laquelle rien ne vaut la peine de vivre et tout n’est que façade). Autrement dit, il peut finir par se consacrer à détruire et jeter à bas les valeurs dominantes uniquement par haine de la vie et par esprit de vengeance, alors que Nietzsche ne voit dans l’étape de critique des valeurs qu’un exercice préliminaire devant permettre la création de nouveaux systèmes de valeur et une célébration de la vie..

Revenons maintenant à notre deuxième phrase. Le terme d’ "abîme" peut être relié à l’idée d’une psychologie des "profondeurs": l’abîme désigne ainsi l’ensemble des motifs insondables qui se cachent non seulement derrière nos actions mais aussi derrière nos codes moraux et nos visions du monde (qui sont, pour Nietzsche, fondamentalement "morales"). En plongeant son regard dans cet abîme, et en prenant connaissance de ces motifs, le psychologue nietzschéen en vient à douter de tous les jugements de valeurs humains. Seulement, il est lui-même humain (et même "trop humain"): les leçons qu’il tire de sa contemplation de l’abîme valent donc aussi pour ses propres jugements, et le conduisent à mettre en doute ses propres jugements de valeurs. Il est ainsi impossible de regarder l’abîme sans être scruté en retour, car en tant qu’humains, nous sommes des parties de cet abîme. La seconde phrase développe donc un thème cher à Nietzsche : le fait que certaines vérités sont trop difficiles pour pouvoir être supportées par tous (et que la connaissance des vérités fondamentales doit être réservée à une certaine élite). Scruter l’abîme des motifs humains, c’est s’exposer soi-même en tant qu’être humain, et courir le risque de découvrir que nous ne sommes pas aussi "moraux" que nous l’espérions.


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