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L'Indochine, le Tonkin, Jules Ferry et la France

  • Par Gimdolf_Fleurdelune
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Les premières relations de la France et de l'Annam remontent à la fin du XVIIIe siècle. En vertu d'un traité signé à la veille de la Révolution (1787), Louis XVI avait mis à la disposition de l'empereur annamite des officiers et des ingénieurs. Ce furent eux qui enveloppèrent Hué et les principales places du Tonkin de fortifications à la Vauban. Depuis lors, la France n'a jamais plus cessé de s'intéresser à l'Annam, parce qu'elle espérait y trouver une station navale pour ses escadres, une voie d'accès vers la Chine pour son commerce.

Des persécutions contre les chrétiens indigènes, un massacre de missionnaires français, ordonnés par l'empereur Tu Duc en 1858, fournirent à Napoléon III une occasion d'intervenir militairement dans la péninsule. Des opérations lentement conduites et dont les plus importantes se déroulèrent autour de Saïgon (1859-1861) aboutirent à l'acquisition d'abord de trois provinces (1863), puis de la totalité de la Cochinchine en 1864. Dans l'intervalle des deux conquêtes, le roi du Cambodge, inquiet des visées du Siam, s'était placé sous le protectorat de la France.

  • La conquête du Tonkin

La conquête du Tonkin fut la conséquence des explorations du lieutenant de vaisseau Francis Garnier.

Il avait pensé que le Mékong serait une magnifique voie d'accès aux riches provinces de la Chine méridionale, en particulier au Yunnan. Mais, remontant le fleuve, il le trouva occupé de rapides et se convainquit à la fin de son exploration que la vraie route commerciale du Yunnan était le fleuve du Tonkin. Aussi, sur ses indications, un commerçant audacieux, Jean Dupuis, tenta un premier voyage, qui réussit brillamment. Mais lorsque Dupuis voulut entreprendre un second, les mandarins lui barrèrent la route et Garnier fut alors envoyé en mission pour lui apporter de l'aide. N'ayant pu déterminer les Annamites à livrer le passage, il attaqua et enleva avec 175 hommes d'escadre la citadelle de Hanoï, capitale du Tonkin, où les Annamites tenaient leur garnison. Puis il fit occuper toutes les autres places du delta (novembre 1873), mais il périt peu après dans une embuscade (21 décembre 1873).

La France sortait à peine de la guerre contre la Prusse (1870) et les dernières troupes allemandes venaient d'évacuer le territoire national. Aussi, à Paris, on ne voulait pas courir le risque d'une nouvelle guerre en Indochine et par un traité signé à Saïgon (1874), on rendit le delta à l'empereur d'Annam. Celui-ci s'engagea toutefois en échange à ouvrir le fleuve au commerce et à conformer sa politique extérieure avec celle de la France.

Mais cet engagement ne fut pas tenu. En 1881, un petit corps de 600 hommes fut envoyé de Cochinchine, sous la direction du commandant Henri Rivière, et pour la seconde fois la France dut livrer bataille au Tonkin.

  • Guerre avec la Chine

Aussitôt l'empereur d'Annam se rappela les anciens liens vassaliques qui l'unissaient à l'empereur de Chine et il lui envoya le tribut exigé en lui demandant assistance. En même temps, il fit appel à des mercenaires chinois connus sous le nom de Pavillons Noirs. Troupes chinoises et Pavillons Noirs arrivèrent au Tonkin. Le commandant Rivière fut bloqué dans Hanoï et tué lors d'une sortie le 19 mai 1883. Ce fut l'élément déclencheur d'une guerre entre la France et la Chine.

Le 30 août 1883, l'amiral Amédée Courbet forçait l'entrée de la rivière de Hué et vint dicter la paix à l'empereur d'Annam dans sa propre capitale. Ainsi le Tonkin était cédé et passait sous le protectorat de la France.

Mais la poursuite de la guerre contre la Chine dura encore près de deux années. Elle se fit à la fois sur terre et sur mer. Elle eut pour théâtre le Tonkin, d'où il s'agissait de chasser les forces chinoises, et les côtes méridionales de la Chine où sévissaient les terribles Pavillons Noirs qui commettaient d'infâmes actes de piraterie. Elle fut en outre très rude. Déjà parce que le pays était difficile d'accès, quasiment sans routes, montagneux et couvert de rizières et de forêt impénétrable.

Elle fut surtout très rude parce que les Français, qui ne furent jamais plus de 16 000n se heurtèrent à des troupes très nombreuses, aguerries, braves, disciplinées, armées de fusils à tir rapide et de canons Krupp, habiles à se couvrir de retranchements, ne tirant qu'à coup sûr, tenant sous le feu et ne cédant que devant l'arme blanche.

En trois de jours de combat (du 14 au 16 décembre 1883), les Français enlevèrent la place de Son-Tay et contraignirent les Chinois à signer un traité de paix à Tien-Tsin. Les Chinois s'engagèrent à évacuer le Tonkin. Mais lorsque, en vertu des termes du traité, une colonne française voulut entrer dans la citadelle de Lang-Son, celle-ci fut traitreusement assaillie par des troupes chinoises à Bac-Le (23 juin).

La guerre recommença. Les épisodes les plus importants furent : la destruction, par la flotte française, de l'arsenal de Fou-Tchéou le 23 août 1884 et sur terre, la défense héroïque de la citadelle de Tuyan-Quan où, pendant trois mois, le commandant Dominé, avec seulement 600 hommes, soutint un siège en règle en repoussant victorieusement les assauts de plus de 15 000 Chinois entre décembre 1884 et mars 1886.

Le général François de Négrier, avec une brigade de moins de 4 000 hommes, fut attaqué le 9 juin 1885 en avant de Lang-Son par 20 000 Chinois ; il parvint à les repousser mais une balle lui traversa la poitrine. Son officier en second, manquant de sang-froid, ordonna une retraite trop précipitée et dans la panique envoya des dépêches affolées à Paris qui laissaient croire à un désastre, alors que les Chinois se retiraient en hâte.

Cette "déroute de Lang-Son" qui entraîna le renversement du cabinet Jules Ferry, n'empêcha pas la Chine de poursuivre les négociations de paix engagées auparavant. Elles aboutirent à la signature d'un second traité à Tien-Tsin, par lequel la Chine abandonnait définitivement le Tonkin à la France, reconnaissant de fait le protectorat que cette puissance exerçait sur ce territoire.

La conquête du Tonkin qui fut pourtant l'une des plus belles victoires militaires de la France au XIXe siècle rencontra peu de succès parmi la population. Elle déclencha même des oppositions féroces à la Chambre. C'était, disait un député de la droite, "la plus folle et la plus criminelle des entreprises".

Jules Ferry, injurié déjà pour avoir donné la Tunisie à la France, fut trainé dans la boue pour lui avoir donné le Tonkin. Au lendemain de la paix, comme le ministère demandait à la Chambre une rallonge de crédits nécessaires à l'organisation de la nouvelle province conquise, une coalition de la droite et de l'extrême-gauche faillit aboutir à l'évacuation du Tonkin et l'abandon de l'Annam. Les crédits furent tout de même votés à quatre voix de majorité par 274 voix contre 270 ; à deux voix près, ce que la France avait rudement gagné sur le terrain n'aurait servi à rien.


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