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Encre Nocturne   

Assassin [-13] [Chapitre 5]

Pako | Publié le ven 6 Oct 2017 - 17:25 | 1203 Vues

Chapitre 5 : Thibault Nightwish

 Je croise Thibault dans les escaliers. Nous descendons ensemble au sous-sol, dans la grande salle de cérémonie. Nous retrouvons Matthieu et allons-nous asseoir au bout du rang qui nous est attribué, en compagnie des autres de notre groupe, Damien, Raphaël, Eléonore et les autres. Sébastien vient s'accroupir quelques secondes à mes côtés, son manteau bleu trainant par terre.

-Les enfants, sachez que même si vous n'obtenez pas votre rang 15 ce soir, je suis fier de vous et de votre travail. Tachez de vous amuser, les cérémonies ne sont pas légion ces temps-ci.

Il me lance un sourire et passe sa main dans mes cheveux avant de rejoindre l'endroit où les maîtres sont installés. La salle continue de se remplir de maîtres en uniforme bleu et d'élèves en rouge. Le silence se fait quand le directeur Jones monte sur l'estrade. Il est le seul à porter un manteau et des bottes noirs.

-Bienvenue à cette cérémonie. Nous célébrerons ce soir plusieurs changements de rang, des niveaux suivants : 4, 6, 7, 9, 11 et 14. Nous introniserons ensuite deux nouveaux élèves, puis je désignerai les maîtres qui prendront en charge des élèves.

Une clameur s'élève et se calme rapidement.

-Bien, commençons par le rang 4. 3 enfants ont réussi les épreuves et peuvent passer au rang supérieur. Lucille Ferrer, Antoine Thiry et Jérémy Davy.

Les trois enfants montent sur la scène. Ils sont tous tremblants quand le directeur épingle une cinquième lame sur leur manteau. Lucille essuie même une larme qui perle au coin de son œil. Je me rappelle ma propre cérémonie, avec Matthieu et Thibault à mes côtés comme toujours. Matthieu s'était pris les pieds dans le manteau de Thibault et ils m'étaient tous les deux tombés dessus et nous avions dévalé les trois marches de l'estrade.

J'esquisse un sourire et regarde mes amis, aussi émus que moi. Je croise le regard de Thibault et il prend ma main dans la sienne pendant que j'attrape celle de Matthieu.

-Vous en faites pas, on a toujours réussi tous les trois, ça sera pareil ce soir, chuchote Matthieu en souriant.

Le directeur s'occupe ensuite des rangs suivants. Quand il finit le onzième, mon cœur bat la chamade.

-Passons au rang 14. Toujours les mêmes, soupire-t-il. Matthieu Danzey, Thibault Nightwish et Charlie Countryman, vous passez tous les trois au rang 15. Une mention spéciale pour ces trois-là, qui ont obtenu 22 sur 20 en histoire-géographie, Mathématiques et physique. Venez chercher vos lames.

Nous nous levons tous les trois, sans nous lâcher les mains. Nous montons sur l'estrade et le directeur épingle notre quinzième lame sur les revers de nos manteaux.

-Il va falloir travailler les langues, plaisante-t-il.

Nous retournons à nos places et je croise le regard empli de fierté de mon maître. Je lui fais un grand sourire et il lève le pouce dans ma direction.

-Nous accueillons parmi nous deux enfants, que j'invite à monter sur scène. Je vous présente Tango Shiro et Emma Stoe. Emma, ton maître sera Emilie Giorgiu. Elle t'accompagnera dans ton apprentissage jusqu'à ce que tu acquières l'expérience nécessaire à ce que tu agisses seule.

Emilie monte sur l'estrade et pose la main sur l'épaule de l'enfant, qui lève les yeux vers elle en rougissant. Elles échangent un sourire et saluent la foule qui applaudit.

-Tango, ton maître sera Sébastien Silverlight. Il est déjà en charge d'une élève, mais ton apprentissage n'en sera qu'accéléré. Il t'accompagnera dans ton apprentissage jusqu'à ce que tu acquières l'expérience nécessaire à ce que tu agisses seul.

Je suis plus que surprise. Un maître ne peut pas avoir deux élèves en même temps. Sébastien se lève et va jusqu'à l'estrade, pose sa main sur l'épaule de Tango et s'incline.

-Thibault Nightwish, monte sur scène s'il te plait.

Mon ami se lève et rejoint le directeur.

-Tu n'as plus de maître depuis la traitrise de Reykja. Ton enseignement a été assuré par Sébastien pendant quelques jours, mais je dois te donner un nouveau maître. Frédéric Fyji, ton premier élève sera Thibault Nightwish.

Thibault a l'air déçu. Il passe d'une des meilleures de l'Organisation a un maître sans expérience et à peine rang 20.

Frédéric monte sur l'estrade et pose sa main sur l'épaule de son nouvel élève, qui se dégage.

-On fait ça seulement quand on commence l’apprentissage ! chuchote Thibault, furibard.

Il descend de l'estrade rapidement et viens nous rejoindre.

-Sérieusement, Frédéric ! Je ne pouvais pas rêver pire !

Je passe ma main dans son dos et rencontre celle de Matthieu, de l'autre côté. Nous réconfortons notre ami pendant que Jones clôture la cérémonie.

Sébastien nous rejoint pendant que la salle se vide.

-Alors les enfants ? Heureux ?

-Non. Je ne veux pas que mon apprentissage soit poursuivi par un maître nul sans expérience qui ne connaît même pas les protocoles des cérémonies, lance Thibault en s'éloignant d'un pas rageur.

Sébastien me lance un regard désolé.

-Tu lui diras que Jones doit prendre certaines décisions, et que nous sommes en déficit de maîtres.

-Pourquoi est-ce que Thibault n'est pas resté sous ton enseignement et Tango avec Frédéric ? Ça aurait été plus logique, demande Matthieu.

-Je ne sais pas. J'avais demandé au docteur Jones d'avoir la charge de Thibault mais il a refusé. Je pense qu'il en a déduit que je voulais avoir deux élèves et m'a collé Tango dans les pattes, répond mon maître en haussant les épaules.

-Ça ne va pas, Tango va ralentir nos entrainements !

-On verra... Rendez-vous huit heures demain.

Mon maître s'éloigne en nous faisant un signe de la main, rejoignant les autres maîtres dans la grande salle attenante à la salle de cérémonie. Un buffet est dressé contre le mur et une ambiance festive règne, comme après chaque cérémonie.

-Allons retrouver Thibault, dis-je à Matthieu en l'attrapant par la manche pour l'empêcher d'aller au buffet.

Il me lance un regard suppliant mais me suit dans les escaliers jusqu'à la cour. Thibault est assis par terre, appuyé contre un arbre. Nous le rejoignons et je m'assois à sa droite, et Matthieu à sa gauche. Nous ne disons pas un mot, il sait pourquoi nous sommes là, et nous comprenons pourquoi il n'est pas content. Matthieu se couche et pose sa tête sur la cuisse de Thibault pendant que je m'appuie contre son épaule. Les mains de mon ami viennent automatiquement se poser sur la tête de Matthieu et sur ma jambe.

Nous restons comme ça tous les trois pendant un long moment, comme éternels. 

***

Tango est déjà là quand je rentre dans le gymnase où je m'entraine avec Sébastien. Il esquisse ce que je reconnais comme des étirements, mais brouillons et inachevés.

-Charlie ! crie-t-il quand il remarque ma présence. Tu sais à quelle heure arrive Sébastien ?

-Très prochainement, il nous a donné rendez-vous à huit heures, réponds-je en retirant ma veste et en commençant à sauter sur place pour me chauffer les muscles.

-J'ai le droit de faire comme toi pour m'échauffer ?

Je hoche la tête, concentrée sur ma respiration. Je passe ensuite aux squats, me baissant rapidement et faisant une pause à chaque dizaine.

-J'étais tellement excité que je n'ai pas dormi de la nuit ! Je suis arrivé à sept heures et demie et j'ai fait dix tours du gymnase en courant ! Ensuite j'ai commencé à faire des pompes, mais comme je ne sais pas faire les pompes, j'ai arrêté, et je suis passé aux abdos et aux traction, mais je suis pas très fort à ça non plus, alors j'ai fait des étirements, mais j'en connais pas beaucoup.

-Tango, tais-toi bon sang ! crie-je soudain, coupant court au flot de paroles de l'enfant.

Il s'excuse, l'air contrit. Je reprends mes exercices, faisant quelques séries de pompes pendant que Tango, que j'imagine vexé, va s'asseoir dans un coin du gymnase en bougonnant.

Je suis au milieu d'une série d'abdos quand Sébastien pousse enfin la porte. Il est plus de huit heures et demie.

-Bonjour les enfants, lance-t-il avec un signe de la main.

Je ne réponds pas et lui lance un regard noir. Il sait que je n'aime pas ses sempiternels retards. Il a les cheveux en bataille et une tasse de café à la main, il vient à peine de se lever.

-Hé bien Charlie, ne t'arrête pas, continue ce que tu étais en train de faire, voyons ! Tango, pourquoi est-ce que tu ne fais rien ?

-Charlie m'a crié dessus, répond l'enfant en croisant les bras et en faisant la moue.

-Je rêve, tu boudes ? demande notre maître, narquois, en s'accroupissant devant Tango.

-Non, je ne boude pas !

Je sens que Sébastien est parti pour insister, et que ça va durer des heures.

-Bon, Sébastien, est-ce qu'on pourrait commencer s'il te plaît ? lancé-je d'un ton autoritaire.

-Du calme, Charlie, détends-toi !

Je ne prends pas la peine de répondre et me campe face à mon maître. Je suis de mauvais poil. Tango ne sait rien faire, et Sébastien se permet d'arriver en retard et de trouver le moyen d'encore perdre du temps.

-Bien, ce matin on va continuer ce qu'on faisait hier ! C'est à dire, armes de jet ! Charlie, tu me mets ton carquois au centre de la cible pendant que j'apprends à Tango à tirer !

J'attrape un arc et me place face aux cible situés sur la mue opposée. Je suis énervée. Je ne prends pas la peine de me concentrer, je tire les flèches les unes après les autres, rapidement, et les met dans le mile à chaque fois. J'ai fait ça hier soir, je l'ai assimilé, je n'ai pas besoin de recommencer !

Je m'arrête quand je n'ai plus de flèches et me tourne vers Sébastien. Il ne s'occupe absolument pas de moi, il est penché près de Tango, ses mains sur celles de l'enfant sur le bois de l'arc.

-Sébastien, j'ai fini, dis-je.

-Deux secondes, Charlie, je suis occupé.

Il continue ce qu'il était en train de faire, laisse l'arc à Tango, qui lâche la corde. La flèche vient se planter à au moins quatre mètres de la cible.

-Bien, maintenant que tu sais encocher et tirer, je vais t'enseigner comment on vise, dit Sébastien.

Mon maître continue son cours comme si je n'étais pas là. Je m'impatiente. 

-Sébastien, qu'est-ce que je...

-Charlie, je t'ai dit que j'étais occupé, me coupe-t-il.

C'en est trop. Je vais récupérer une flèche dans la cible, encoche et vise. Je lâche la corde et mon trait vient frôler la joue gauche de mon maître, l'égratignant au passage.

-Merci pour ton attention, lancé-je en posant l'arc et en quittant le gymnase d'un pas rageur.

Je monte les escaliers et débouche dans la cour, déserte à cette heure-ci. Je repère seulement Frédéric debout en bas du grand orme, la tête levée vers la cime de l'arbre. Je m'approche discrètement.

-Thibault, descends de là ! lance-t-il vers les hauteurs.

-Non, pas avant que vous m'ayez trouvé un maître compétent ! répond la voix de mon ami, assis confortablement entre deux branches.

-Je te préviens, je vais monter te chercher !

-Vous n'en êtes pas capable !

Frédéric commence alors l'escalade de l'arbre. Thibault prend encore un peu de hauteur et saute sur la façade de l'immeuble, s'accrochant à un appui de fenêtre du deuxième étage. Son maître, pris au dépourvu, désescalade l'arbre et viens se poster sous la façade.

Mon ami marche sur les corniches, en s'accrochant aux balcons, jusqu'au grand portail, fermé. Il tourne à l'angle du bâtiment et saute sur les pavés.

-Thibault, où est-ce que tu vas ? crie Frédéric.

-Ailleurs ! réponds Thibault en riant.

Mon ami m’aperçoit et je lui fais signe de m'attendre. Frédéric passe devant moi sans me voir, courant presque jusqu'au bureau de Jones pour récupérer la clé du portail. Pendant ce temps, j'escalade la façade et me retrouve dans la rue avec Thibault.

-Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? demandé-je, souriante.

-J'aurai bien proposé d'aller chercher Matthieu, mais il serait incapable de passer le portail. Dans un premier temps, on va s'éloigner du foyer, répond-t-il en me prenant par la main et en m'entrainant dans les ruelles.

Nous nous enfonçons dans les méandres de la ville basse, puis Thibault me lâche la main et se met soudainement à courir. Je le poursuis entre les étals, bousculant les passants, renversant des marchandises. Nous traversons tout le marché et nous rejoignons de l'autre côté.

-J'ai faim, lancé-je soudainement. Mais je n'ai pas d'argent sur moi.

-Depuis quand ce que nous faisons est légal ? dit Thibault avant de repartir en sens inverse.

Il rabat sa capuche noire sur sa tête et se glisse entre les stands. Il attrape deux pommes, et une miche de pain, avant de revenir vers moi.

-Au voleur ! crie alors un commerçant en se mettant à la poursuite de mon ami.

Thibault me lance les deux pommes et nous partons en courant, suivis par le boulanger.

-Revenez ici, garnements !

Il s'essouffle vite et nous le distançons sans problème. Nous nous asseyons sur le rebord d'un puits au milieu d'une petite placette, et partageons le butin. Je croque dans ma pomme à pleines dents, elle a un goût de liberté. C'est la première fois que je ressens ça. Je suis libre. Libre d'aller où je veux, de faire ce que je veux.

Je me tourne vers Thibault. Il a des étoiles dans les yeux et paraît savourer ce moment autant que moi. Je finis de manger rapidement et puise un peu d'eau pour me désaltérer.

Quatre adolescents qui doivent avoir notre âge surgissent alors.

-C'est nous qui avons le contrôle de ce puits ! Pour boire, il faut payer, lance celui qui a l'air d'être le chef.

Je souris à Thibault.

-Et comment tu comptes nous y obliger ? réponds-je en me levant.

Ils s'approchent, formant un cercle autour de nous.

-Tu vas être une gentille fille, tu ne vas pas m'obliger à te faire du mal, chuchote-t-il en m'agitant un couteau sous le nez.

J'attrape son poignet et le tort sans ménagement, lançant les hostilités. Je récupère le couteau et m'écarte de la mêlée. Mes deux adversaires se placent face à moi et j'attaque.

Je vise celui de droite avec le couteau, le forçant à s'écarter et à se déséquilibrer. Je profite de cet avantage pour simplement le pousser d'un coup de pied et l'envoyer bouler contre un mur, avant de me concentrer sur l'autre, le chef.

-Sale…, commence-t-il.

Je ne le laisse pas finir et l'attaque de front. Il esquive mon coup de poing mais vient directement s'assommer sur mon genou, que j'avais déjà préparé. Il tombe, et se redresse sur un coude, me lançant un regard assassin. Il saigne du nez.

-Tu veux que je te fasse une deuxième leçon de politesse ou une seule te suffit ? lancé-je, narquoise.

Thibault s'approche dans mon dos et je viens frapper ma main dans sa paume ouverte. Lui aussi a étalé ses adversaires.

-On y va ? demande-t-il, innocemment.

-Attendez ! Vous êtes qui ? lance le chef en se relevant.

-Ça vaut mieux pour toi de ne pas le savoir, réponds-je en m'éloignant aux côtés de mon ami.

-On ne vous a jamais vu ici ! s'entête-t-il. Vous êtes de quel clan ?

-Viens faire un tour à l'arène, un de ces quatre, on se recroisera peut-être, réponds Thibault.

-Je m'appelle Cyril !

Je lui fais un signe de la main et Thibault et moi disparaissons dans les ruelles. Nous nous enfonçons encore plus dans les quartiers pauvres, marchant vers la périphérie de la ville. Nous arrivons au mur d'enceinte.

D'un commun accord, nous escaladons l'une des tours de guet de nous postons sur le toit, tournés vers la plaine qui entoure la cité. Le soleil est déjà en train de décliner.

-Ils doivent nous chercher partout, dit Thibault doucement.

-Et si on partait ? Si on quittait la ville pour ne plus y revenir ?

-On deviendrait des traîtres. Ils nous pourchasseraient jusqu'à la fin de nos jours. Parce qu'on en sait trop.

-Il ne nous ont jamais laissé le choix. Thibault, c'est comme si on était en prison là-bas. Ici, nous sommes libres. Même s'ils nous pourchassent, nous serons libres.

Je me lève et ouvre les bras, sentant le vent contre ma peau, le soleil sur mon visage. Je suis libre. Je veux être libre.

-Ils sont là-haut ! lance une voix venant du chemin de ronde, dix mètres en dessous de nous.

-Ils nous ont retrouvés, chuchote Thibault. Rentrons, Charlie.

J'acquiesce en silence. Nous désescaladons la tour rapidement, et nous retrouvons sur le chemin de ronde, face à un Frédéric épuisé et un Sébastien en pétard.

-Allons-y, lance mon maître d'une voix glaciale. Jones décidera de votre sort.

Nous suivons nos maîtres jusqu'au foyer. Le docteur Bill Jones nous attend de pied ferme devant les grilles. Il a l'air de mauvais poil. Je serre les dents et m'incline devant le directeur.

-Couchés, dit-t-il simplement.

Thibault et moi obéissons, nous mettant à plat ventre contre les pavés froids et sales.

-Assis.

Une fois encore nous obtempérons.

-Debout.

Nous nous redressons tous les deux. Il nous prend pour des chiens et il nous fait bien comprendre que c'est ce que nous sommes. Son manège continue encore un bon moment.

-Gainage, lance-t-il alors, brisant le cercle.

Nous bandons nos muscles, l'un à côté de l'autre.

-Le premier qui flanche a perdu. Qu'est-ce que vous avez fait aujourd'hui ?

-Nous avons fugué, réponds Thibault en serrant les dents.

Jones vient appuyer son pied sur la cambrure de mon dos, me faisant forcer encore plus.

-Qu'est-ce que vous avez fait aujourd'hui, répète-t-il à mon intention.

-Nous avons fugué, docteur Jones.

Il retire son pied de mon dos et je me détends.

-Pourquoi ?

-Parce que nos maîtres ne se sont pas correctement occupés de nous, réponds Thibault.

-Parce que j'ai pensé par moi-même, rétorqué-je.

-Thibault, debout.

Mon ami obéit et se relève en se massant les bras.

-Débarrasse-moi le plancher avec ton maître. Tu auras ta punition demain matin.

Thibault hésite un instant, mais Jones lui lance un regard noir et il part rapidement vers le bâtiment de pierre, avec son maître qui le sermonne.

J'ai mal aux bras, et je commence à trembler. Il faut que je tienne.

-Charlie, tu as donc voulu penser par toi-même. Et qu'est-ce que ça a donné ?

-J'ai été libre.

Jones parait interloqué par ma réponse.

-Est-ce que l'on t'a éduquée pour penser par toi-même ? dit-il d'une voix glaciale.

-Non, monsieur Jones.

-Est-ce que l'on t'a éduquée pour que tu transgresse les ordres ?

-Non, monsieur Jones.

Je ne tiens plus. Je tremble de plus en plus, et chaque parole me déséquilibre un peu plus. Mais si je flanche, la punition suivante sera encore pire.

-Est-ce que l'on t'a éduquée pour que tu attaques ton propre maître ?

-Non... Monsieur Jones, soufflé-je.

-Que retiens-tu de cette journée ?

-Je... ne serai jamais... Libre. Je.... J’écouterai les ordres... quoi qu'il arrive.

-Bien, on avance ! Si tu avais répondu comme cela dès le début, tu serais déjà dans ton lit, Charlie.

-Monsieur le directeur, ça suffit, intervient Sébastien. Ça fait plus de quinze minutes qu'elle est en gainage.

-Depuis quand conteste-tu l'autorité, Sébastien ? Gainage, grince Jones.

Mon maître, plus que surpris, s'exécute.

-Qui donne les ordres ici, Sébastien ?

-Vous, Monsieur Jones.

-Qui décide des punitions ?

-Vous, monsieur Jones.

Je m'effondre. Je ne peux plus tenir. Mon front vient heurter violemment les pavés et je sens ma peau se déchirer. Sébastien cesse immédiatement le gainage et m'attrape par l'épaule pour me retourner, dos au sol. Ma vision se trouble.

-Charlie ! Monsieur Jones, allez chercher l'infirmière !

-Sébastien, gainage, assène le directeur.

-Non, pas de gainage quand mon élève vient de probablement se faire une commotion cérébrale.

Sébastien me soulève comme si je ne pesais rien et me porte jusqu'à l'infirmerie.

-Tu le paieras, Sébastien ! Et ton élève aussi ! lance Jones.

-Je m'en fous ! réponds mon maître, hors de lui.

Il pousse la porte vitrée avec son dos et me dépose sur un des lits. L'infirmière est là rapidement et s'assoit près de moi. Elle désinfecte ma plaie et l'observe quelques secondes.

-Il va falloir recoudre. Je n'ai rien pour anesthésier, et il faut le faire tout de suite.

-Faites-le, dit Sébastien. Charlie, mord là-dedans, ajoute-t-il en me tendant un morceau de bois recouvert de cuir.

-Il n'y a pas de commotion, mais elle a l'arcade salement fendue, dit l'infirmière. Je commence, ajoute-t-elle après une hésitation.

Elle plante l'aiguille dans ma peau et je crie. Je mords de toutes mes forces dans le morceau de bois entre mes dents. Sébastien vient me prendre la main et je la serre dans la mienne. J'ai mal. Je n'ai jamais eu aussi mal. Mes dents s'enfoncent un peu plus dans le bois dès que l'aiguille pénètre ma chair.

-J'ai bientôt fini, il ne reste plus que deux points.

Les plus douloureux. La douleur pulse dans mes veines. Elle vient par vagues. J'ai mal.

L'infirmière colle de fines bandes de sparadrap sur la coupure après l'avoir désinfectée une nouvelle fois.

-Voilà, c'est terminé, souffle-t-elle.

Elle s'écarte et Sébastien m'aide à me redresser. Des larmes coulent le long de mes joues, venant se perdre dans mes cheveux. Mon maître me tend un mouchoir et je les essuie rageusement avant de me moucher. Je prends le morceau de bois qui porte de profondes marques de dents et le pose sur la table près de moi.

-Ça va ? demande mon maître doucement.

Je secoue la tête de droite à gauche.

-Ne t'inquiète pas, tu vas rester ici pour la nuit, je gèrerai Jones.

J'acquiesce et me recouche. L'infirmière me tend un cachet et un verre d'eau.

-Antidouleur. Ça va te faire dormir.

Je prends le médicament et ne tarde pas à plonger dans le sommeil. 

***

 J'ouvre les yeux le lendemain matin. Je papillonne des paupières quelques instants avant de me réveiller tout à fait. Je regarde autour de moi. Matthieu est en train de manger un gâteau sur une chaise près du lit. Il me lance un sourire quand il voit que je suis réveillée, puis me fait signe de ne pas faire de bruit en me montrant Thibault endormi, appuyé sur sa cuisse. Je souris à mon tour et m'appuie aux oreillers derrière moi. Je tâte doucement mon arcade sourcilière, qui me lance un peu. Je grimace et retire ma main.  Ça fait mal.

Jones est allé trop loin cette fois. Sébastien m'a défendue, qui sait ce que le directeur est capable de lui faire ?

Un homme que je ne connais pas entre alors dans l'infirmerie, accompagné de Tango.

-Charliiiie ! beugle-t-il dès qu'il me voit.

Je lui lance un regard noir en désignant Thibault, qui vient de se réveiller en sursaut.

-Charlie, j'ai eu tellement peur ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? crie-t-il juste à côté de mon oreille.

L'homme qui est arrivé avec lui attrape l'enfant par le bras.

-Tango, moins fort. Elle vient de se réveiller et tu lui crie dans les oreilles. Est-ce que tu penses que c'est agréable ? demande-t-il d'une voix grave un peu rauque.

Il est assez grand, a des épaules carrées. Sa peau a une jolie couleur café au lait et il a les yeux Verts. Je me perds dans ses pupilles émeraude quelques secondes avant de reprendre mes esprits.

-Vous êtes qui ? me devance Thibault.

Matthieu lève les yeux au ciel.

-Les gars, on ne dit pas « vous êtes qui », on demande poliment. Monsieur, Que nous vaut le plaisir de votre présence ? maugrée Matthieu en se levant pour aller jeter l'emballage de son gâteau qu'il vient de finir.

-Je m'appelle Salim Deathwhisper, je viens de la part de Sébastien.

Salim Deathwhisper. Celui qui a appris les bases du combat à Tango. Sébastien ne m'a jamais vraiment parlé de lui, mais il paraît qu'il faisait partie de l'Organisation et qu'ils se connaissent depuis longtemps.

-Il vous transmet le message suivant : "Jones s'occupe de moi, je vais prendre cher. Ne t’en fais pas Charlie, c'est pas la première fois, on se retrouve dans une semaine !". Voilà.

-Où est-ce que Jones l'a emmené ?

-Au palais royal. Dans la salle de torture, plus exactement. Et il va y passer une semaine.

J'écarquille les yeux. Tout ça pour une simple rebuffade ? Frédéric n'est pas en salle de torture, lui !

Je repousse le drap et m'assois au bord du lit. Je suis toujours vêtue de mon survêtement et débardeur. Mes chaussures sont au pied du lit.

Salim m'attrape par le bras et me force à me recoucher.

-Tu ne vas pas là-bas.

-Tu n'as pas à me donner d'ordres, grogné-je, agressive. Je n'obéis qu'à Sébastien.

-C'est lui qui m'a demandé de t'empêcher d'y aller. Tu ne supporterais pas le quart des tortures qu'ils vont infliger à Sébastien, assène-t-il.

Je décèle une étincelle d'inquiétude dans son regard, mais elle est tellement fugace que je ne suis pas sûre de l'avoir vue.

-Pourquoi est-ce que la punition est si sévère ? Je n'ai fait que passer une journée à l'extérieur du foyer ! Et Frédéric ne se fait pas torturer, à ce que je sache.

-Oui, tu n'as fait que passer une journée dehors. Mais tu as compris ce qu'était la liberté. Et ils n'aiment pas ça. Tu as été franche envers Jones, tu lui as dit qu'il vous gardait enfermés ici. Maintenant que tu en as pris conscience, tu es hors de contrôle, Charlie. Et c'est ce qu'ils voulaient absolument éviter. Ils ne veulent pas que vous pensiez par vous-mêmes, ils veulent seulement fabriquer des machines à tuer qui obéissent sans se poser de questions.

-Alors pourquoi est-ce Sébastien qu'on torture, et pas moi ? crié-je presque.

-Calme-toi, murmure Salim de sa voix grave. Ils s’en prennent à Sébastien parce qu'ils savent qu'il t’est précieux. Et à moi aussi. Et parfois, c'est plus douloureux de voir quelqu'un qu'on aime souffrir plutôt que de souffrir soi-même.

-Qui ça "ils" ? demandé-je d'un souffle.

-Le Roi, Jones, les conseillers. Le Pouvoir de ce pays. Ceux qui nous contrôlent.

Je hoche la tête. J'ai placé Sébastien dans une très mauvaise position. Je nous ai mis Jones à dos, ainsi que le Roi et ceux qui nous contrôlent.

-J'ai fait une erreur, je suis désolée.

-Charlie, cette fois ils s'en prennent à Sébastien, mais si jamais tu dis ne serait-ce qu'une phrase qui pourrait sonner comme une rébellion, ils s'en prendront à tes amis. Vous ne pouvez plus être juste des gamins insouciants maintenant. Vous devez surveiller tout ce que vous dites ou faites. Votre amitié ne leur plait pas. Ils vous ont dressé pour être insensibles, mais quand il s'agit de vos amis, vous ne l'êtes plus. Ça ne leur convient pas du tout. Charlie, tu renfermes tout ce qu'ils n'aiment pas.

Je suis une idiote. Mes soudains idéaux de liberté m'ont mené droit dans le mur. Et j'ai entrainé Sébastien, Matthieu et Thibault dans ma chute. Et probablement Tango aussi. Je baisse la tête. Je me sens honteuse.

-ça veut dire que si Charlie rechigne à obéir, ou conteste un tant soit peu un ordre, Thibault, Tango, Charlie et moi on peut potentiellement se faire torturer à mort ? demande Matthieu innocemment en levant les yeux du biscuit qu'il vient de sortir de sa poche.

Salim hoche la tête.

-Cool, ça m'a toujours plu de vivre dangereusement ! lance Thibault joyeusement.

Je le regarde quelques secondes. Il est tout sourire, sûr de lui.

-Thibault, c'est une menace de mort qui plane sur vos épaules, tu en as conscience ?

-Oui, j'en ai conscience. Et depuis qu'on est tout petits une menace de mort plane sur nous si on ose se rebeller. Ce n'est pas nouveau, et rien n'a changé. Ce n'est pas parce que tu as dit à Jones que tu voulais être libre que nous allons nous faire tuer du jour au lendemain. Tu n'as pas à t'en vouloir, Charlie !

J'esquisse un sourire. Thibault a toujours su me remonter le moral.

-Salim, tu as dit tout à l'heure que Sébastien se fasse torturer te faisait du mal à toi aussi, pourquoi ? Tu contraries le pouvoir toi aussi ? demande Matthieu l'air de rien.

-Bien sûr que je les contrarie. Vous ne m'avez jamais vu, et pourtant je fais partie de l'Organisation. Je suis chargé de trouver des assassins potentiels à l'autre bout du pays. Ils m'ont éloigné de Sébastien et de mes amis.

-Pourquoi est-tu ici aujourd'hui alors ?

-Le Roi m'a fait appeler pour une affaire urgente. J'ai rendez-vous avec lui tout à l'heure. J'ai croisé Sébastien qui m'a confié le message pour Charlie. Il était déjà dans un sale état. Et je dois aussi voir Jones.

J'acquiesce. Nous sommes seuls contre tous. Mais comme l'a dit Thibault, rien n'a changé. Nous avons toujours vécu avec une menace invisible au-dessus de nous.

-Est-ce que je vais être punie aussi ? demandé-je en relevant la tête.

-Probablement. Il faut bien qu'ils te trouvent une occupation pendant que Sébastien n'est pas là. Tu vas sûrement être de corvée nettoyage ou quelque chose du genre, répond Matthieu.

Salim se lève.

-Je dois y aller. Faites attention à vous, et surtout, ne faites rien de stupide. Vous ne pouvez pas gagner contre ce pays.

Il sort de l'infirmerie avec un signe de la main. Tango le suit en courant.

-On lui fait confiance ? Alors qu'on ne l'a jamais vu ? demande Thibault, agressif.

-C'est un ami de Sébastien, et l'ancien maître de Tango. Il ne peut être qu'une personne de confiance.

Mon ami soupire. Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ? Continuer nos vies comme s'il ne s'était rien passé ? Attendre le retour de Sébastien, s'il revient un jour ?

Et que faire avec ce désir insatiable qui me tenaille ? Comment être libre ?

***

Je suis convoquée dans le bureau du Docteur Jones. Il va sûrement me donner ma punition, et je vais prendre cher.

-Tu veux que je t’accompagne ? me demande Thibault quand il me voit chanceler en me levant de mon lit.

Je retrouve mon équilibre et refuse sa proposition. Il vaut mieux que j'aille voir Jones seule.

Je ressens son inquiétude quand je traverse le hall en lui faisant un signe de la main. Je monte les escaliers doucement, arrive à l'étage du bureau du docteur Jones. Je souffle pour me calmer et toque à la porte, trois petits coups, puis pousse le battant de bois quand le directeur m'autorise à entrer. Je referme derrière moi et avance jusqu'au bureau de bois noir qui trône au milieu de la pièce.

-Charlie... Qu'est-ce que je vais bien pouvoir inventer pour te punir ? Corvée de nettoyage ? Cuisine ? torture ?

Je ne réponds pas et baisse les yeux. J'espère qu'il va me punir sévèrement, pour me faire passer le goût de liberté qui me hante depuis quelques jours.

-Alors, que proposes-tu ? Que préfères-tu ? A moins que tu ne penses pas mériter de punition, et que les tortures infligées à ton maître suffisent ? ajoute-t-il en se levant de son siège et en haussant le ton.

Je regarde mes pieds, n'osant pas relever la tête.

-Tu as commis une faute grave, passible de peine de mort. Pour l'instant tu t'en tires très bien, Charlie. Trop bien peut-être. Tu es mise à pied pendant deux mois, avec interdiction de quitter l'enceinte du foyer. Tu reprendras tes entrainements quand Sébastien reviendra. En attendant, tu devras gérer Tango, et t'occuper du nettoyage de la cour tous les matins. Je m'occuperai de te faire baver avec un entrainement spécial que j'aurai conçu pour toi. Si pendant cette période tu refuses un exercice, ou si tu échoue à tenir bon, je ferai exécuter tes amis sous tes yeux, un par un. En commençant par ce gentil Matthieu que tu aimes tant.

J'acquiesce, sans relever la tête.

-Je n'ai pas entendu. Charlie Countryman, acceptes-tu cette punition ?

-Oui, monsieur Jones, j'accepte ma punition.

-Très bien. Elle commence dès maintenant. Fais attention, Charlie, je ne te quitterai pas du regard. Je serai toujours derrière toi.

Je m'incline et je sors du bureau rapidement. J'ai des sueurs froides. Jones est un homme sans pitié. Je dois absolument obéir à chacun de ses ordres, sinon il tuera mes amis.

Je redescends à l'infirmerie en tremblant. Je pose ma main contre la porte de verre froid et entends des voix à l'intérieur.

-Thibault, il ne faut pas que vous restiez proches d'elle ! Elle va vous faire tuer ! crie une voix d'enfant que j'identifie comme celle de Tango.

-Sale gamin, tu penses qu'on ne sait pas ce qu'on fait ? Hier encore tu vivais dans la rue et tu te permets de nous donner des leçons ? répond Thibault, visiblement énervé.

-Je me permets de te dire qu'elle représente un danger ! Tu ne la connais pas Thibault, tu ne sais pas de quoi elle est capable pour atteindre son but.

-Vous la connaissez beaucoup moins bien que moi ! Nous sommes comme les deux doigts d'une main, elle ne serait pas capable de nous faire du mal.

Je reste figée, la main sur la porte, écoutant attentivement. Ils parlent de moi, c'est certain.

-Je la connais beaucoup plus que tu ne le penses. Et elle n'est pas celle que tu crois. Cette Charlie-là n'est pas la vraie Charlie, reprend une voix d'homme, celle de Salim.

-Comment ça ? Il ne peut pas y avoir deux Charlie !

-Justement si. Il y en a deux. Charlie et Eilrahc, son double. Elles cohabitent dans le même corps. Eilrahc est son côté maléfique, celui qui représente normalement sa vraie nature. Pourtant, à la fin de l'expérience de codage génétique qui l'a créée, Eilrahc s'est effacée pour laisser la place à Charlie. On ne sait toujours pas pourquoi et comment c'est arrivé, mais celle qui était programmée génétiquement pour devenir le plus parfait des assassins, fort comme un démon, insensible, inatteignable, est enfoui quelque part en Charlie. Thibault, on ne peut pas lui faire confiance. Tôt ou tard, son double va ressurgir et elle vous tuera.

-Non ! Non, je ne peux pas croire une chose pareille ! crie mon ami en poussant brutalement la porte, me propulsant à quelques mètres.

Je suis choquée par ce que je viens d'entendre.

Je ne suis pas moi. Tout ce que je pensais savoir sur mes parents, ma naissance, mon caractère, mes goûts... Alors tout cela est faux ?

-Charlie, tu étais là ? demande Thibault en s'accroupissant à mes côtés.

-Tu as tout entendu, n'est-ce pas ? assène Salim en sortant à son tour.

Je hoche la tête, les yeux dans le vague. Si je ne suis pas moi, qu'est-ce qui me définit ? Si mes goûts, ma personnalité, ma force, et tout ce qui fait que je suis moi ont été façonnés par quelqu'un d'autre, comment savoir si mes choix ne sont pas faits par cette fameuse Eilrahc ?

Enfin tu te rends compte de ma présence, humaine. Je suis forte.

La voix résonne sous mon crâne, au plus profond de moi. C'est une voix gutturale, inhumaine. Je me prends la tête dans les mains et crie.

Inutile, je n'ai pas peur de tes cris. Je suis plus forte que toi. Allez, laisse-moi la place bien gentiment.

Elle tente de prendre possession de mon corps. Je résiste, mon âme se cogne contre la sienne dans un fracas immense, qui résonne dans mon cerveau comme un glas. Je n'arrive plus à tenir. Elle est trop forte pour moi.

Voilà, comme ça. Laisse-moi la place, humaine.

Je crie une dernière fois, et le noir m'emporte.

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