Northern Limit Line
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Titre Original : N.L.L : Yeonpyeong Haejeon
Pays : Corée Du Sud
Date de sortie : 25 juin 2015
Réalisateur : Kim Hak-Soon
Acteurs : Jin Goo, Lee Hyun Woo, Ku Jin
Genres : Historique, Drame
Durée : 130 minutes
Synopsis
En juin 2002, lors de la Coupe du Monde de Footbal, en Corée du Sud, un patrouilleur Sud-Corén, le Chamsuri 357, se prépare pour ses manoeuvres habituelles, consistant à surveiller la ligne de démarcation septentrionale (Northern Limite Line, N.L.L.). La Marine Nord-Coréenne, notant que la Corée du Sud est surtout préoccupée par cette Coupe du Monde, décide de violer cette ligne de démarcation, entraînant un tragique conflit entre les deux pays.
Informations supplémentaires
L’armistice de 1953 qui a établi la ligne de démarcation militaire dite MDL (Military Demarcation Line : ligne de démarcation militaire) entre les deux Corées, reste muet sur la frontière maritime. Il a simplement reconnu comme territoire de la Corée du Sud les cinq îles côtières de la province nord-coréenne de Hwanghaenamdo, occupées alors par les forces armées sud-coréennes. En désaccord sur le cessez-le-feu avant la réunification nationale, celles-ci ont continué à organiser des expéditions ponctuelles sur le littoral nord-coréen même après l’armistice. En effet, le président sud-coréen, Syngman Rhee, refusant de signer celui-ci, a préconisé la continuation de l’offensive au nord jusqu’à ce que la péninsule coréenne soit réunifiée. Un mois après la conclusion de l’armistice, en vue de prévenir des conflits militaires inattendus sur la mer, le commandant en chef des forces armées de l’ONU a tracé la NLL (Northern Limit Line, NLL) et donné l’ordre à la marine nationale sud-coréenne de la respecter. La NLL de la mer Jaune a été établie à peu près le long de la ligne médiane entre le littoral nord-coréen et les cinq îles sud-coréennes, prenant en compte les trois milles marins de la côte qui étaient la norme internationale concernant la limite des territoires maritimes à l’époque (douze milles marins depuis 1994).
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Même ce n’était ni une ligne reconnue ni une ligne incluse dans l’armistice, la NLL avait été respectée par les forces navales des deux Corées qui interdisaient réciproquement la violation de cette ligne de démarcation en mer Jaune jusqu’au milieu des années 1990. Cependant, la NLL, la ligne tracée sur une zone de pêche intense, restait en réalité bien poreuse, même durant la période de haute tension de la guerre froide. Très souvent, des bateaux de pêche de part et d’autre traversaient la NLL en suivant les bancs de poissons et les patrouilleurs des deux côtés les suivaient pour les protéger. Et tout cela sans faire l’objet d’alerte ou d’affrontement militaire ; avec la NLL, la mer Jaune restait tranquille.
C’est durant la série de rencontres des Premiers ministres Nord-Sud du début des années 1990 que les deux Corées ont mis officiellement en cause la NLL. L’effondrement du camp communiste et la réunification de l’Allemagne les avaient conduits à se réunir à la table de négociation et à envisager ensemble une nouvelle modalité de rapports intercoréens adaptés à la nouvelle situation géopolitique post-guerre froide en gestation en Asie du Nord-Est. Ce rapprochement des deux Corées, malheureusement sans suite, a produit tout de même deux résultats de taille : l’entrée conjointe de celles-ci à l’ONU et l’adoption de l’Accord de base Nord-Sud qui reste jusqu’à aujourd’hui en vigueur, au moins officiellement. L’annexe de cet accord a stipulé dans son article 10 que « les deux parties continuent à déterminer ensemble la ligne de démarcation maritime de non-agression entre le Nord et le Sud » et que « les zones maritimes de non-agression actuelles restent les mêmes jusqu’à l’établissement de la ligne de démarcation maritime ». La Corée du Nord doit donc respecter la NLL jusqu’à l’adoption d’une « nouvelle » frontière maritime et les deux Corées doivent continuer leurs pourparlers requis.
Mais c’est un débat au Parlement sud-coréen sur la politique nord-coréenne du gouvernement qui a déclenché en 1996 une controverse soudaine sur la « nature » de la NLL dans l’opinion publique. Celle-ci est pour certains une frontière maritime effective puisqu’elle a été respectée par les deux Corées depuis plus de cinquante ans. Il est donc essentiel de la défendre à tout prix, parce qu’il s’agit de la souveraineté nationale sud-coréenne. Pour les autres, y compris le ministre de la Défense de l’époque, la NLL n’est pas une frontière puisqu’elle a été imposée unilatéralement par le quartier général des forces armées de l’ONU. Donc pour les Nord-Coréens, franchir la NLL ne constitue pas une violation, ni du droit maritime international, ni de l’armistice de 1953. Présentée ainsi au public comme ambiguë dans sa nature et défaillante dans sa légalité, la NLL a provoqué dans l’opinion publique un sentiment d’insécurité particulier, car il implique directement la sécurité de la ville d’Incheon. Deuxième port d’une grande puissance commerciale et pôle industriel de la zone métropolitaine de Séoul qui abrite la moitié de la population sud-coréenne (48 millions) et qui possède près des deux tiers de la richesse nationale, la ville d’Incheon avait le projet de construire sous peu un nouvel aéroport international pour la capitale sur une de ces îles. Perçu comme un énorme enjeu géostratégique national, la sécurité de la ville d’Incheon et de sa mer, de même que celle de la zone métropolitaine, semblait aux yeux des Sud-Coréens dépendre largement de la NLL, une ligne de démarcation dont le bien-fondé est défaillant et la sécurité douteuse. D’où a surgi dans l’opinion publique sud-coréenne le dogme que « la NLL est une frontière maritime que le gouvernement a le devoir de défendre à tout prix ». Et, avec le dogme, la mer Jaune allait devenir une mer bien agitée.
Deux batailles navales près de l’île de Yeonpyeong
En juin 1999, une flottille nord-coréenne de bateaux de pêche au crabe a pénétré au sud de la NLL près de l’île de Yeonpyeong pendant huit jours consécutifs et des patrouilleurs nord-coréens l’ont accompagnée pour la protéger. Décidés à les repousser au nord de la NLL, les navires sud-coréens sont intervenus. Les patrouilleurs nord-coréens ayant refusé de se retirer, des navires de renfort des deux côtés sont arrivés sur les lieux et il y a eu un échange de tirs d’environ cinq minutes. Provoqué par le tir de mitrailleuses nord-coréennes, cet accrochage a laissé six navires coulés ou gravement touchés et plus d’une vingtaine de morts et blessés du côté nord-coréen et des dégâts sans gravité sur plusieurs navires et neuf blessés du côté Sud. Le nouveau dogme de la NLL est en quelque sorte passé à l’épreuve de la réalité par ce combat appelé la « 1re bataille navale de Yeonpyeong ». Cette première bataille navale entre les deux Corées depuis l’armistice n’a cependant pas eu de retombées directes sur leurs rapports. Au moment même du combat en mer Jaune, une navette sud-coréenne, pleine de touristes à destination du Mont Kumgang a pu continuer tranquillement sa croisière au nord de la NLL dans la mer de l’Est, de l’autre côté de la péninsule coréenne.
En effet, conformément à la politique du « rayon de soleil », le gouvernement Kim Dae-jung, en fonction depuis 1998, a appliqué dans la gestion de cette crise militaire le principe de séparation entre le domaine militaire et les autres. C’est-à-dire, en vue d’éviter tout obstacle à ses efforts pour améliorer les rapports avec la Corée du Nord, le président Kim Dae-jung a laissé aux militaires le soin de gérer seuls la 1re bataille de Yeonpyeong. Et ils ont mené le combat selon les règles d’engagement établies sur le principe de « proportionnalité », des règles de la marine sud-coréenne destinées à éviter l’escalade. Ainsi le gouvernement sud-coréen pouvait faire preuve de sa fermeté en matière de défense de la NLL sans pour autant provoquer un conflit militaire majeur. Et, poursuivant malgré cet incident militaire les échanges et les coopérations avec la Corée du Nord en cours dans le cadre de la politique de « rayon de soleil », le président Kim Dae-jung a pu se rendre un an après à Pyongyang pour le premier sommet intercoréen.
Accusant la Corée Du Sud d’avoir provoqué intentionnellement le combat et demandant des excuses et des dédommagements pour les pertes humaines et les dégâts matériels, la Corée du Nord a proclamé en septembre 1999 une ligne de démarcation maritime tracée très au sud de la NLL en appliquant la norme des douze milles maritimes. Avec la nouvelle ligne, la mer Jaune est devenue une mer à deux frontières en litige.
Si la marine nord-coréenne avait subi des pertes humaines et des dégâts matériels considérables dans la première bataille de Yeonpyeong, ce fut l’inverse dans la seconde bataille, 6 morts, 19 blessés et une vedette rapide coulée pour la marine sud-coréenne. En juin 2002, malgré les avertissements répétés au haut-parleur, deux patrouilleurs nord-coréens ont continué à pénétrer au sud de la NLL où il n’y avait pas de bateaux de pêche nord-coréens à protéger. Et à l’approche des navires d’intervention sud-coréens à environ 400 mètres, un patrouilleur nord-coréen a tiré au canon de gros calibre sur la timonerie d’une vedette rapide sud-coréenne, avant même d’échanger des coups de semonce. Cette attaque surprise, avec un canon de char installé – ce qui est inhabituel – sur le patrouilleur nord-coréen en question, a laissé supposer qu’elle était préméditée. La marine nord-coréenne aurait attendu l’occasion favorable pour se venger de sa défaite au cours de la première bataille de Yeonpyeong en 1999. Néanmoins, Pyongyang a présenté ses excuses pour les victimes, peu de temps après la bataille.
Contrairement à la première bataille qui avait rencontré une opinion publique plutôt sereine, la nouvelle de cette attaque surprise perpétrée en mer Jaune par les forces armées nord-coréennes en pleine période de la Coupe du monde Corée/ Japon de 2002 a soulevé chez les Sud-Coréens une indignation et une hostilité renouvelées contre le régime nord-coréen. Du coup, la politique de « rayon de soleil » du président sortant Kim Dae-jung a été remise en cause ; une partie importante de l’opinion publique la trouvait trop molle et indulgente à l’égard du régime nord-coréen toujours agressif et provocateur, et lui reprochait d’avoir fourni à celui-ci les moyens matériels de renforcer ses dispositifs militaires et de développer son programme nucléaire. Cet incident militaire en mer Jaune, survenu au milieu de l’année de l’élection présidentielle, a provoqué une grande polémique entre les faucons-conservateurs et les colombes-libéraux sur la bonne politique nord-coréenne à adopter. Amplifiée et exacerbée durant une campagne présidentielle à l’issue exceptionnellement incertaine, la controverse a laissé se former dans l’opinion publique sud-coréenne ce que l’on a appelé le clivage Sud/Sud. Toutefois, le verdict populaire de la fin de l’année ayant choisi, contre toute prévision des sondages, le candidat libéral Roh Moo-hyun comme président, la politique d’engagement des libéraux a obtenu un sursis de cinq ans. Quant à la marine sud-coréenne, désignée du doigt de part et d’autre de l’opinion publique comme le maillon faible de la défense nationale durant cette controverse hyper-politisée, elle s’est résolue à prendre dorénavant une éclatante revanche sur toute attaque en provenance du Nord. Un cercle de représailles se dessinait en mer Jaune entre les deux marines coréennes.
Heureusement, la marine sud-coréenne n’a pas eu l’occasion de prendre sa revanche sur son homologue nord-coréenne, car en mer Jaune, malgré la ligne de démarcation proclamée par la Corée du Nord pour remplacer la NLL, celle-ci est restée tranquille pendant le quinquennat du président Roh Moo-hyun (2003- 2008). Par contre, la NLL est redevenue un des dossiers de la quatrième rencontre des généraux Nord-Sud en mai 2006. Pour la première fois, la délégation nord-coréenne a reconnu officiellement la souveraineté sud-coréenne sur les cinq îles de la mer Jaune et a proposé une nouvelle ligne de démarcation tracée un ou deux kilomètres, selon l’endroit, au sud de la NLL. Lors de la cinquième rencontre de mai 2007, la délégation nord-coréenne a mis sur la table le dossier de la mise en place des zones de pêche conjointes et le problème de l’accès direct des bateaux nord-coréens au port de Haejou, la capitale de la province de Hwanghaenamdo, presque bloqué par la NLL depuis l’armistice de 1953. Mais deux positions sur ces dossiers proposés par le Nord se sont opposées au sein du gouvernement sud-coréen, à l’instar du clivage Sud/Sud évoqué plus haut. Pour le ministère de l’Unification nationale, une concession sur la NLL conduirait à l’adoption éventuelle d’une ligne de démarcation maritime consentie en mer Jaune. Pour le ministère de la Défense nationale, la NLL restait toujours en vigueur et il n’était pas question de la réviser. Et en ce qui concerne la mise en place des zones de pêche conjointes, il fallait réunir les mêmes superficies au nord et au sud de la NLL. La sixième rencontre de juillet de la même année 2007 a été bloquée par l’intransigeance de la délégation sud-coréenne et rompue sans avoir pris de prochain rendez-vous au grand regret du ministère de l’Unification nationale. Le ministère de la Défense craignait la portée des canons des navires militaires nord-coréens qui accompagneraient les bateaux de pêche dans les nouvelles zones de pêche conjointes qu’on envisageait d’installer plus proches du port d’Incheon. La sécurité de celui-ci aurait été compromise.
C’est le deuxième sommet intercoréen d’octobre 2007 à Pyongyang qui a ouvert une nouvelle perspective sur le problème de la NLL en mer Jaune. Le président Roh Moo-hyun et son homologue nord-coréen Kim Jong-il ont signé, au sommet, un document dans lequel ils s’engageaient à promouvoir la paix et la prospérité économique sur la péninsule. Selon la déclaration dite du 4 octobre, le Sud et le Nord, ne se trouvant plus en état de guerre, s’engageaient à organiser des pourparlers avec les États-Unis et la Chine, signataires avec la Corée du Nord de l’armistice de 1953, afin de transformer celui-ci en un régime de paix permanent dans la péninsule coréenne. Et la déclaration a adopté notamment le projet de création d’une zone spéciale de paix et de coopération en mer Jaune avec des programmes concrets : le rétablissement du transport ferroviaire de fret, interrompu depuis la guerre, la construction d’un complexe industriel du type de Kaesong à Haejou et la mise en place d’une zone de coopération autour de la NLL. De même, des réunions entre ministres et responsables de la Défense des deux pays étaient prévues pour la mise en route du projet.
Une ère nouvelle, euphorique, de paix et de prospérité allait s’ouvrir brusquement sur la péninsule coréenne, et la mer Jaune allait retrouver pour toujours la tranquillité autour de sa nouvelle frontière consentie, comme dans un rêve. Pourtant les spécialistes dans leur majorité ne croyaient pas que ce rêve se réaliserait, car le mandat du président Roh Moo-hyun s’achevait et les pronostics de l’élection présidentielle étaient largement favorables au candidat conservateur Lee Myung-bak, partisan d’une politique ferme à l’égard de la Corée du Nord. Et d’ailleurs la deuxième rencontre des deux ministres de la Défense qui eut lieu en novembre 2007 à Pyongyang, comme convenu au sommet, pour traiter le dossier de la zone spéciale de paix et de coopération en mer Jaune n’a pu aboutir à rien, lorsque le Nord a demandé une concession sur la NLL comme préalable aux pourparlers.
Tout comme l’ancien président américain George W. Bush qui avait pris pour principe de son gouvernement le fameux « ABC », « Anything but Clinton », Lee Myung-bak, dès son entrée en fonction en février 2008, a dirigé son gouvernement dans une direction tout à fait inverse à celle de son prédécesseur. Et de même que le président Bush s’était entouré de « néoconservateurs » dans sa gestion des affaires mondiales, le président Lee Myung-bak a nommé des « faucons » à des postes responsables de la politique extérieure et notamment de la politique nord-coréenne. La déclaration du 4 octobre n’allait devenir que le document d’une chimère ; et la NLL de la mer Jaune redevenir une ligne de friction entre les deux forces navales coréennes.
La bataille navale de Daecheong
Alertés par la présence d’un patrouilleur nord-coréen au sud de la NLL près de l’île de Daecheong en mer Jaune en novembre 2009, des navires sud-coréens sont intervenus sur place et ils ont lancé des avertissements et des coups de semonce. Au lieu de se retirer au nord, le patrouilleur a tiré une cinquantaine de projectiles d’armes automatiques sur une des vedettes rapides sud-coréennes, entraînant une riposte massive des navires sud-coréens. Ceux-ci ont poursuivi le patrouilleur jusqu’au nord de la NLL, tirant environ 4500 balles et obus sur celui-ci, qui battait en retraite, traînant de grosses fumées noires. Cet incident naval n’a pas fait de victime côté sud-coréen. Mais l’embarcation nord-coréenne étant presque détruite, il y aurait eu des pertes humaines considérables. La bataille navale de Daecheong a été l’occasion pour la marine sud-coréenne de se venger des victimes de la deuxième bataille de Yeonpyeong de 2002. De même, ce fut l’occasion d’essayer, dans une situation réelle de combat, les nouvelles règles d’engagement, simplifiées par le ministère de la Défense nationale afin de mieux protéger les marins. Conformément aux nouvelles règles, la marine sud-coréenne a mené le combat afin de l’emporter sans déclencher une escalade. La victoire, objectif de l’armée de campagne, l’a emporté sur l’empêchement de la guerre, objectif de la politique de rapprochement. Du coup, le principe de proportionnalité n’avait plus cours et la mer Jaune allait cacher le long de la NLL une poudrière.
En août 2009, la présidente du groupe de Hyundai-asan, conglomérat qui exploite les circuits touristiques du Mont Kumgang et de la ville de Kaesong et qui gère le complexe industriel de celle-ci, a rencontré le « Dirigeant » Kim Jong-il à Pyongyang et a obtenu sa promesse de rouvrir les deux circuits respectivement fermés depuis les mois de juillet et de décembre 2008 et d’ouvrir encore un nouveau circuit au Mont Baekdoo sur la frontière sino-nord-coréenne. Quelques jours plus tard, une délégation nord-coréenne venue à Séoul pour rendre hommage à l’ancien président défunt Kim Dae-jung a été reçue au palais présidentiel sud-coréen. Ces rencontres ont fait naître l’espoir d’une détente, après plus d’un an de tension entre les deux Corées. Et, vers la fin de l’année, se sont multipliées dans les journaux des informations portant sur les pourparlers souterrains dans un pays tiers entre les émissaires de Séoul et de Pyongyang en vue du troisième sommet intercoréen, susceptible de retourner la situation de la relation intercoréenne, au bord de la rupture. Si la bataille de Daecheong n’a pas soulevé d’inquiétude particulière dans l’opinion publique sud-coréenne, saisie par ces informations porteuses de meilleurs rapports avec la Corée Du Nord, la marine nord-coréenne, elle, a eu du mal à digérer la défaite écrasante dans cette échauffourée. Le cercle des représailles en mer Jaune n’était pas encore fermé.
À la mi-janvier 2010, la presse sud-coréenne a donné des informations concernant un plan d’administration d’urgence, nom de code « Bouheung », « reconstruction » en coréen, élaboré conjointement par le ministère de l’Unification, le service national d’intelligence et les instituts de recherche du gouvernement sud-coréen. C’est une sorte de manuel destiné à être utilisé dans le cas d’un effondrement du régime nord-coréen. Le plan de « Bouheung » complétait en effet le « plan d’opération 5029 », préparé peu avant par le commandement unifié des forces coréano-américaines, afin de faire face militairement à l’éventualité d’un effondrement du régime de la Corée Du Nord ou d’un exode massif de sa population. Excitée, la Corée Du Nord a déclaré la guerre « sainte » contre les ennemis de la République populaire : les impérialistes américains et leurs fantoches sud-coréens. Et pour exprimer sa colère, elle a procédé pendant trois jours à des tirs d’artillerie côtière, dont les projectiles sont tombés dans les secteurs juste au nord de la NLL en mer Jaune.
Le naufrage du Cheonan et le bombardement de l’île de Yeonpyeong
Après une explosion d’origine indéterminée, une corvette sud-coréenne de 1400 tonnes a coulé en mars près de l’île de Baekryung, située à l’extrême nord-ouest de la NLL. Afin d’identifier l’origine de l’explosion qui a entraîné la mort de quarante-six marins, le gouvernement sud-coréen a organisé une enquête internationale, tout en montrant du doigt la Corée Du Nord sur laquelle pesaient de forts soupçons. Celle-ci a toujours démenti toute implication dans un des pires actes d’agression contre le Sud depuis la mort de 115 personnes en 1987, après un attentat contre un Boeing de la Korean Air Lines, attribué à des agents nord-coréens. Lorsque l’enquête a conclu en mai qu’une torpille tirée par un sous-marin nord-coréen a provoqué le naufrage du Cheonan, le président Lee Myung-bak a annoncé que son pays ne tolérerait plus aucun acte de provocation du Nord et ferait immédiatement l’usage de son droit à l’autodéfense en cas de nouvelle provocation. La Corée Du Nord a aussitôt répliqué en menaçant de déclarer une guerre générale et en qualifiant les résultats de l’enquête d’affabulations, composées de preuves « fabriquées » par le Sud. Séoul a saisi en juin le Conseil de sécurité des Nations unies et s’est mis à déployer tous ses efforts diplomatiques afin d’y obtenir la condamnation du Nord et de nouvelles sanctions contre lui. Les efforts de Séoul n’ont abouti qu’à moitié, car la déclaration du Conseil publiée en juillet ne portait ni condamnation du Nord ni sanctions. En effet, la Chine n’acceptait pas les preuves fournies par Séoul et la Russie n’était pas convaincue par le rapport de l’enquête internationale sur le naufrage. Du coup, l’ancien triangle qu’on avait appelé « septentrional », composé des trois capitales communistes – Pyongyang, Pékin et Moscou – du temps de la guerre froide, a semblé se redessiner brusquement sur la péninsule coréenne. Au sud, les trois pays du triangle « méridional », la Corée du Sud, le Japon et leur allié militaire, les États-Unis, serraient les rangs contre le péril nord-coréen. Les exercices militaires conjoints des États-Unis et de la Corée du Sud après le naufrage du Cheonan ont été reportés parce que la Chine ne voulait pas voir le porte-avions nucléaire USS Washington entrer en mer Jaune, au large de ses concentrations industrielles côtières. Durant les manœuvres navales menées plus tard près de la NLL en mer Jaune, sans le Washington, Pyongyang a crié à la guerre sacrée de représailles et même à une attaque nucléaire.
L’été de guerre « verbale » finissant, plusieurs signes de détente sont apparus depuis la fin août 2010 : le versement d’une aide de Séoul après les inondations en Corée du Nord, la libération d’un bateau de pêche sud-coréen intercepté par le Nord et l’accord des deux Corées pour relancer le programme de réunion des familles séparées depuis la guerre de 1950-1953. Interrompu une fois encore après le naufrage du Cheonan, le programme a permis la réunion d’une centaine de familles fin octobre 2010 au Mont Kumgang. Cependant cette réunion n’était qu’une accalmie dans la relation intercoréenne, porteuse d’un typhon imminent en mer Jaune.
Le 23 novembre, les batteries d’artillerie mobile stationnées sur l’île de Yeonpyeong ont procédé aux tirs d’entraînement en direction d’un secteur maritime au sud du NLL, dans le cadre de l’exercice habituel, nommé « Hoguk » : la défense de la patrie. L’armée nord-coréenne, indiquant que les obus tombaient dans ses eaux territoriales, au nord de la ligne de démarcation réclamée par le Nord en 1999, a demandé l’arrêt immédiat du tir. Habituées aux mises en garde violentes et aux menaces de riposte du Nord, les batteries ont poursuivi leurs tirs. Soudain, dans l’après-midi, l’artillerie côtière nord-coréenne a tiré sur l’île des salves de 170 obus à deux reprises, y semant le chaos de la guerre. Les batteries sud-coréennes ont riposté, mais trois des six pièces d’artillerie mobile étant tombées en panne, la riposte fut plutôt timorée. Et l’escadrille de F16 sud-coréenne, intervenue aussitôt sur place, n’a pas reçu l’ordre d’attaquer. Le commandement unifié des forces coréano-américaines ne voulait pas l’escalade.
Tandis que les habitants de l’île qui venaient de vivre une « vraie guerre » se précipitaient à Inchon pour y chercher refuge, la population sud-coréenne dans sa majorité est restée sereine après le premier choc provoqué par la nouvelle du bombardement. De même, les investisseurs étrangers sont demeurés tranquilles et l’agence de notation américaine Standard and Poor’s a déclaré qu’elle maintenait sa note à la Corée Du Sud, l’agence ajoutant tout de même qu’elle pourrait l’abaisser si les tensions avec le Nord empiraient. Hormis la Chine qui avait préconisé d’abord le calme et la retenue des deux parties, s’abstenant toujours de condamner son protégé, la communauté internationale, y compris la Russie, a critiqué unanimement le bombardement de l’île de Yeonpyeong perpétré par la Corée Du Nord. Fort du soutien international, notamment de celui très prononcé des États-Unis, le gouvernement sud-coréen a organisé une série de manœuvres militaires afin de montrer sa détermination à punir le Nord pour ses provocations. D’abord, un exercice conjoint de la marine coréenne et de celle des États-Unis cinq jours après le bombardement, là où celui-ci avait eu lieu avec la participation du USS Washington, malgré la protestation chinoise. Cet exercice était suivi un mois après par une manœuvre exécutée avec des munitions réelles au large de l’île de Yeonpyeong. Celle-ci faisait partie de l’exercice aéro-terrestro-naval le plus important de l’année qui se déroulait autour de la ville militaire de Pocheon, entre Séoul et la DMZ (Zone coréenne démilitarisée). En dépit du flot de menaces de riposte impitoyable et de feu nucléaire lancé par l’armée nord-coréenne, celle-ci est restée attentiste durant les exercices militaires sud-coréens, devenus, eux, de plus en plus offensifs. Heureusement sans connaître de troisième typhon, la mer Jaune, près de la NLL, a pu passer la fin de l’année 2010, qui restera une année catastrophique dans l’histoire des relations intercoréennes.