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Wawa No Cidal

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Titre Original : Taiyang De Haizi
Pays : Taïwan
Date de sortie : 4 juillet 2015
Réalisateur :  Yu-Chieh Cheng, Lekal Sumi  
Acteurs : Ado Kaliting Pacidal, Yi-Fan Hsu, Kaco Lekal |
Genres : Drame
Durée : 99 minutes

Synopsis

Panay, une aborigène de Taïwan, travaille comme journaliste à Taipei. Un jour, elle se rend compte que sa tribu, les Pangcah, voit sa vie modifiée par le tourisme. Les habitants de son village perdent leurs terres et leur culture. Elle décide, alors, de revenir dans son village pour remettre en état les rizières. Mais elle va vite s'apercevoir que ce retour n'est pas pour sa terre mais pour sa réelle identité.

Informations supplémentaires

À Taïwan comme dans d’autres parties du monde, les populations indigènes ont fait face à la venue de populations extérieures, de cultures totalement différentes. Car ce que l’on oublie — ou ignore — souvent, c’est que, au-delà du débat sur l’appartenance de Taïwan à la Chine, l’île fût habitée pendant plusieurs millénaires par des peuples indigènes, bien avant l’arrivée de populations han de culture chinoise.

Ces Aborigènes, aujourd’hui officiellement désignés à Taïwan sous le terme chinois 原住民 (habitants originels), appartiennent au groupe linguistique des Austronésiens, qui représente aujourd’hui plus de 350 millions de personnes à travers le globe, de Taïwan à Madagascar en passant par l’Indonésie, les Philippines, la Polynésie ou encore la Nouvelle-Zélande. L’origine commune de ces peuples serait Taïwan, d’où ils seraient partis il y a 4000 ou 5000 ans. Ces habitants originels de Taïwan seraient venus du Sud de la Chine il y a 6000 ou 7000 ans. Or, si l’on oublie ou ignore ces premiers habitants de Taïwan, c’est que leur présence a été largement supplantée par celle des Chinois, arrivés par vagues successives au fil des siècles. En l’an 1900, les Aborigènes ne représentaient déjà plus que 3,7% de la population totale de Taïwan[3]. Et aujourd’hui, ils ne comptent plus que pour environ 2% de la population totale[4].

À l’heure actuelle, le gouvernement taïwanais reconnaît officiellement quatorze tribus aborigènes : les Amis (Āměi zú 阿美族), les Saisiyat (Sàixià zú 赛夏族), les Tsou (Zōu zú 邹族), les Rukai (Lǔkǎi zú 鲁凯族), les Yami — ou Tao — (Yǎměi zú 雅美族 ou Dáwù zú 达悟族), les Kavalan (Gámǎlán zú 噶玛兰族), les Sakizaya (Sāqíláiyǎ zú 撒奇莱雅族), les Atayal (Tàiyǎ zú 泰雅族), les Bunun (Bùnóng zú 布农族), les Paiwan (Páiwān zú 排湾族), les Puyuma (Bēinán zú 卑南族), les Thao (Shào zú 邵族), les Truku — ou Taroko — (Tàilǔgé zú 太鲁阁族), et, depuis 2008, les Sediq — ou Sedeeq — (Sàidékè zú 赛德克族). La reconnaissance progressive de tribus différentes, en nombre croissant, représente un progrès significatif alors que les Aborigènes ont longtemps été désignés sous un terme générique révélateur du désintérêt général éprouvé vis-à-vis de ces peuples.


Au vu de l’histoire de l’île, faite de rencontres entre divers peuples, la question de la nature des relations entre Aborigènes et populations extérieures se pose. Les premières vagues d’immigration chinoise vers Taïwan — des Hakka et des habitants de l’actuelle province du Fujian — remonteraient au moins au XIe siècle. Les Hollandais ont également administré l’île en faisant d’elle un entrepôt et une base pour la Compagnie hollandaise des Indes orientales (la V.O.C.) dans leur réseau commercial entre la Chine, le Japon et la Hollande, entre 1624 et 1661. À la même époque, une première grande vague d’immigration chinoise a lieu, et ce sont d’ailleurs ces Chinois qui chasseront les Hollandais de Formose. Les Japonais occupent à leur tour l’île entre 1895 et 1945. Enfin, une dernière grande vague d’immigration chinoise a lieu après le retrait du pouvoir nationaliste à Taïwan et l’avènement de la République Populaire de Chine en 1949.

Il serait maladroit de schématiser les relations entre les Aborigènes et ces diverses populations. Ces relations n’ont pas été uniformes sur tout le territoire, elles ont varié en fonction des époques, des populations extérieures mais aussi des tribus et villages aborigènes. Il serait donc faux de simplifier le propos en affirmant que les Aborigènes ont entretenu des relations amicales ou belliqueuses avec les étrangers. D’ailleurs, les populations indigènes de Taïwan entretenaient elles-mêmes des relations complexes entre les différentes tribus. Ce qui est sûr, c’est que le mode de vie des Aborigènes a été affecté par l’arrivée massive de Chinois venus de l’autre côté du détroit. En effet, si les contacts entre les Chinois installés à Taïwan et les Aborigènes ont été limités avant le milieu du XVIIe siècle, l’immigration massive de Chinois pendant l’occupation hollandaise a forcé les populations aborigènes à céder leurs territoires dans les plaines et à se réfugier dans les montagnes. Chacun vivait ainsi chez soi, sur des territoires différents. Les relations n’étaient alors pas entièrement conflictuelles, car le troc s’est intensifié : les Chinois échangeaient du tissu, du métal, de la porcelaine, et des pierres précieuses contre des peaux de cerf, de la viande de cerf, du poisson et du bois de santal. Toutefois, les modes de vie ne pouvaient coexister sur un même territoire : les Aborigènes qui sont restés dans les plaines de l’Ouest de l’île — que les Chinois se sont appropriées — ont été acculturés, bien que pas tout à fait assimilés : ceux qu’on appelle les Aborigènes des plaines (Píngpǔ zú 平埔族) ont adopté la langue et le mode de vie des Han, et étaient différenciés des Han uniquement par le fait que leurs femmes n’avaient pas les pieds bandés.

Les Aborigènes réfugiés dans les montagnes et qui ont conservé leurs modes de vie traditionnels ont été désignés sous l’appellation de peuple des montagnes (Gāoshān zú 高山族). Trait révélateur, dès la dynastie Qing 清, les Chinois ont donné à ces deux catégories d’Aborigènes le nom de barbares crus (Shēng fān 生番) et barbares cuits (Shóu fān 熟番). Pour être rangé dans cette dernière catégorie, un Aborigène devait être employé dans un service rattaché au gouvernement chinois, payer des impôts et, s’il s’agissait d’un garçon, être admis dans une école publique. Les barbares crus vivaient reclus dans les montagnes, protégeant jalousement leurs territoires de toute intrusion.

La présence des Hollandais, qui administrèrent Taïwan de 1624 à 1661, n’a pas en elle-même bouleversé la vie des Aborigènes. Elle l’a en revanche fait indirectement car c’est elle qui a favorisé l’immigration massive de Chinois. Les Hollandais n’étaient que quelques centaines, voire quelques milliers, à vivre à Taïwan. Ils ne considéraient pas Taïwan comme un objet d’exploitation mais seulement comme une base pour le commerce avec la Chine — dans laquelle il leur était interdit de pénétrer. Les seules ressources qu’ils tiraient de l’île étaient les peaux de cerf, qu’ils ont acheté aux Aborigènes puis aux Chinois, et qu’ils revendaient au Japon. Ce commerce n’a cependant pas perduré. En 1650, les Hollandais administraient plus de trois-cents villages aborigènes : chaque année, une assemblée des représentants de ces villages se tenait à Fort Zeelandia ou Fort Provintia (Tainan 台南) afin de régler les différends entre ces communautés. Mais les Aborigènes se retournèrent tout de même contre les Hollandais et certains rejoignirent les forces chinoises de Koxinga (Zhèng Chénggōng 郑成功) pour chasser les Hollandais de Taiwan.


Si les contacts entre Hollandais et Aborigènes ont été dans l’ensemble assez limités, il est peut-être un fait, non avéré, qui témoignerait de relations plus complexes : selon quelques auteurs taïwanais, les Thao, tribu aborigène vivant dans la région de Riyuetan 日月潭 (Sun Moon Lake) pourraient être les descendants de missionnaires — et leurs domestiques — hollandais ayant fui le Sud de Taïwan à l’arrivée de Koxinga (1661)[14]. Ils se seraient unis avec des Aborigènes du Sud, et auraient fui ensemble jusqu’à Riyuetan, où ils sont établis depuis lors. Quelques missionnaires hollandais étaient en effet présents à Taïwan : des enfants aborigènes ont été convertis dans des écoles où ils suivaient des leçons de catéchisme, mais ces missions n’ont finalement pas connu beaucoup de succès, à cette époque, contrairement à ce qu’il se passa plus tard.

En 1895, suite au traité (inégal) de Shimonoseki, l’île de Taïwan a été cédée à l’empire japonais. Sous l’occupation nippone, les relations entre Aborigènes et Japonais ont été particulièrement hétérogènes : d’une part, il y a à l’évidence eu des relations commerciales pacifiques, et la reconnaissance de la part des autorités nippones de la propriété des terres et de la souveraineté culturelle des Aborigènes. D’autre part, dans certaines parties de l’île, les Japonais, afin d’exploiter les forêts des territoires aborigènes, déplacèrent de force des villages entiers. Cela a eu des conséquences dramatiques, avec notamment les tristement célèbres événements de Wushe 雾社 : le 27 octobre 1930, le chef sedeeq Mona Rudao a organisé une attaque contre des Japonais, attaque qui a été suivie par de sanglantes représailles : les insurgés ont été massacrés, et les survivants, hommes, femmes et enfants qui ne s’étaient pas suicidés ont été envoyés dans des camps d’internement. Ces événements représentent le dernier acte de rébellion à Taïwan face aux Japonais. Suite à ces événements, les Aborigènes ont été systématiquement déportés et relocalisés dans des villages, géographiquement plus accessibles et donc plus contrôlables. Par ailleurs, l’occupation japonaise a été marquée par une japonisation de la société. Tous les Taïwanais devaient parler japonais, recevoir une éducation à la japonaise, et même porter un nom japonais. Au début du XXe siècle, les Japonais ont interdit la pratique des pieds bandés à Taïwan. Dès lors, les Aborigènes des plaines ont été assimilés aux Taïwanais : plus rien ne les différenciaient de ces derniers, et ils recevaient le même traitement, y compris dans leur japonisation.

Le départ des Japonais a été suivi d’une deuxième grande vague d’immigration chinoise après 1949. L’arrivée de ces Chinois a été accueillie comme une nouvelle invasion par les Han habitant Taïwan depuis des générations. Afin de garder le contrôle de l’île, les dirigeants du Guomintang 国民堂 (le parti nationaliste) ont cherché à éliminer les marques d’une identité taïwanaise de souche, de surcroît aborigène. Ces dernières populations ont été obligées de prendre un nom chinois et ont de nouveau connu une assimilation forcée, linguistiquement, culturellement et géographiquement. Aujourd’hui encore, de nombreux Taïwanais en savent très peu sur l’existence de ces peuples aborigènes. Heureusement, la démocratie et l’affirmation d’une identité taïwanaise permet peu à peu aux Aborigènes de faire entendre leur voix et de tenter de retrouver le chemin qui les ramène vers leurs ancêtres.


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