Mouloudji
- Par Fanny
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Mouloudji n'a jamais bénéficié d'une notoriété à la hauteur de son talent, de ses talents.
Cet artiste libre et libertaire a pourtant exploré maintes facettes des Arts, le théâtre, la peinture, l'écriture et bien sûr, la chanson.
Homme de conviction, Mouloudji reste à jamais un homme dont l'œuvre mêle sensibilité et générosité.
Biographie:
Marcel Mouloudji naît à Paris le 16 septembre 1922.
Son père, Kabyle, est originaire de Sidi Aïch en Algérie. Emigré en France, il exerce le métier de maçon et s'inscrit au Parti communiste.
Il épouse une Bretonne catholique très pratiquante, mais qui assez vite sombre dans l'alcoolisme et la folie.
Elle sera internée.
La famille Mouloudji vit dans un modeste logis du XIXème arrondissement de Paris. Marcel suit son père aux meetings communistes, parti dont il se sentira proche une partie de sa vie.
Enfant plutôt mignon, il décroche à 11 ans un rôle dans un film sur Ménilmontant.
En outre, avec son frère André, ils exercent une quantité de petits métiers de rue dont celui de chanteur.
Adolescent, Marcel s'inscrit aux Faucons Rouges, association issue du parti communiste, au sein de laquelle il monte un petit groupe avec son frère.
En 1935, il fait la connaissance de Sylvain Atkine, metteur en scène dans le Groupe Octobre, organisation affiliée à la Fédération des théâtres ouvriers de France. C'est là qu'à 13 ans il rencontre déjà de grands noms de la scène dont Jean-Louis Barrault ou Roger Blin.
Plutôt doué, l'adolescent est adopté par le monde du théâtre.
Il est même parrainé par l'homme de lettres Marcel Duhamel qui l'initie à la littérature et à la poésie.
Celui-ci l'envoie travailler avec Jean-Louis Barrault chez qui Marcel vit quelques temps. Il prend également des cours avec Charles Dullin.
En 1936, il joue dans son premier spectacle, "le Tableau des Merveilles" inspiré de l'Espagnol Cervantès et adapté en français par Jacques Prévert.
A cette époque, il participe également à un immense mouvement artistique solidaire des grandes grèves de 1936.
C'est ainsi qu'avec beaucoup d'artistes, il joue entre autres dans les usines.
Parallèlement au théâtre, Mouloudji démarre au cinéma.
Via Jacques Prévert, il rencontre Marcel Carné qui lui donne un petit rôle chantant dans "Jenny" en 1936.
Il enchaîne alors film sur film. Un des plus célèbres est "les Disparus de Saint-Agil" de Christian-Jaque en 1938.
A 16 ans, Mouloudji est déjà une vedette de l'écran.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, Mouloudji file dans le sud de la France, à Marseille, en zone libre, avec le Groupe Octobre.
Il rencontre à cette occasion le chanteur Francis Lemarque.
En dépit du chaos de cette époque, il continue de travailler. Grâce à son frère André, le jeune homme évite le STO (Service du Travail Obligatoire).
Assez vite, il retourne à Paris où il effectue un tas de petits boulots en semi-clandestinité. Il chante au Bœuf sur le Toit et surtout, découvre le milieu artistique de Saint-Germain-des-Prés.
Cette fréquentation du monde littéraire le pousse à écrire "Enrico", un ouvrage de mémoire (il a 20 ans !) qui reçoit le Prix de la Pléiade à la Libération en 1945.
Pendant la guerre, en 1943, Mouloudi fait la connaissance de Louise Fouquet, dite Lola, qu'il épouse. Elle sera sa femme et son agent artistique jusqu'en 1969.
Artiste polyvalent, il compte déjà maintes cordes à son arc.
Vers 1947, il se met à la peinture.
Mais surtout, il commence à s'intéresser plus sérieusement au chant. Dans les cabarets en vogue, il chante Boris Vian ou Jacques Prévert.
Parallèlement, il continue de travailler pour le cinéma et est très présent sur les écrans.
Certains de ses films sont des classiques dont
"Boule de suif" (Christian-Jaque, 1947) ou
"Nous sommes tous des assassins" (André Cayatte, 1952).
Jeune vedette, chanteur reconnu, on lui demande même parfois d'interpréter son rôle comme dans "Eaux troubles" de Henri Calef en 1949.
En 1951, Mouloudji enregistre un tout premier disque avec quelques titres importants tels "Rue de Lappe", "Si tu 'imagines" et "Barbara".
C'est également à cette époque qu'il monte pour la première fois sur la scène d'un grand music-hall, Bobino.
Comme pour de nombreux débutants de l'époque, c'est Jacques Canetti, fameux agent artistique et patron du cabaret les Trois Baudets qui entraîne Mouloudji vers le succès.
Il lui fait enregistrer "Comme un p'tit coquelicot" qui obtient un énorme succès et qui marque une étape dans son parcours de chanteur.
Grâce à ce titre, Mouloudji obtient le Grand Prix du disque 1953 et le Prix Charles-Cros en 52 et 53. Même succès pour "Un jour tu verras" en 1954 extrait du film "Secrets d'alcôve".
Toujours engagé et militant pacifiste, Mouloudji rencontre quelques soucis de censure lors de la Guerre d'Indochine.
L'objet de discussion est la chanson "le Déserteur", manifeste anti-militariste écrit et créé par Boris Vian.
Quand Mouloudji l'interprète au Théâtre de l'Œuvre le jour même de la chute de Diên Biên Phu, cela provoque un scandale et il devient la cible des censeurs et des politiques. La chanson est interdite d'antenne. Seule la station Europe1 la diffuse.
Cette première censure le poursuivra et par la suite, d'autres titres connaîtront le même sort.
En 1955, Mouloudji tient le haut de l'affiche à l'Alhambra.
Plutôt interprète, il commence à écrire de plus en plus ses propres textes à la fin des années 50. Cette fois la chanson prend la première place dans sa vie.
En 1958, il fait sa dernière apparition au cinéma dans "Rafles sur la ville" de Pierre Chenal et dans un film hispano-suédois, "Llegaron dos hombres".
En 1960, naît son fils Gregory.
Après avoir signé chez Vogue en 1961, Mouloudji crée finalement sa propre marque de disques sous forme d'une coopérative.
C'est ainsi qu'il lance en 1965 un jeune Néo-zélandais installé en France, Graeme Allwright.
Peu enclin à se fondre dans l'industrie du disque, Mouloudji n'a pas le succès qu'il a connu dans les années 50 avec le cinéma.
En 1966, il monte même un salon de coiffure.
En 1967, naît sa fille Annabelle
Lorsque surviennent les événements de Mai 68, c'est le militant politique qui chante dans les usines comme en 1936.
Rester intègre et ne pas sacrifier ses convictions à sa carrière est essentiel pour lui. A partir de cette même époque, deux femmes rentrent dans sa vie.
D'abord, Cris Carol, ancienne chanteuse, qui devient sa compositrice privilégiée ces années-là.
Et Lilianne Patrick, comédienne, avec laquelle il partage désormais son existence.
A sa façon, Mouloudji lutte contre l'industrie du disque qui ne lui laisse guère de place.
Après avoir maintes fois été victime de la censure, il écrit sans se soucier de l'effet produit. Il sait que de toutes façons, il sera peu ou pas diffusé en radio.
Dans "Autoportrait" en 70, il évoque son métissage : "Catho par ma mère, musulman par mon père"; avec sa reprise de "Allons z'enfants" de Vian, il repart en guerre contre les militaires.
Toujours présent lors de combats politiques, il participe en 1974 à l'enregistrement d'un album consacré aux chants et poèmes de la Résistance.
On l'entend également sur une compilation de chants ouvriers et une autre sur la Commune, insurrection révolutionnaire et prolétarienne de l'an 1871.
Sa lutte se passe aussi sur scène comme lorsqu'il participe à un gala de soutien à la gauche chilienne en 1974.
Cependant, un public très fidèle est toujours à l'affût de ses prestations scéniques. C'est ainsi qu'en 1974 lorsqu'il monte sur la scène du Théâtre de la Renaissance, c'est avec joie qu'il constate avec quel enthousiasme il est accueilli. Idem en septembre 75 pour son retour à l'Olympia.
Il monte quelques spectacles consacrés aux poètes comme ceux du Vieux Colombier sur Prévert ou Bruant. Parallèlement, il continue d'écrire et d'enregistrer :
"Merci la vie" en 74,
"Madame la Môme" en 75,
"le Bar du temps perdu" en 77 (Grand prix du disque) ou
"Comme une feuille en automne" en 78.
Enfin, en 1976, il enregistre avec l'accordéoniste Marcel Azzola une anthologie du musette, "Et ça tournait" et un disque pour enfants composé exclusivement des textes de Prévert.
L'air de la fin
En 1980, il sort un album "Inconnus Inconnues" et donne d'innombrables concerts à travers le pays mais dont les médias se font rarement l'écho.
Fatigué, il consacre plus de temps à l'écriture et à la peinture, ses anciennes amours. On le retrouve sur scène en 1987 à l'Elysée Montmartre.
A 70 ans, en 92, une pleurésie lui enlève en partie sa voix. Cela ne l'empêche pas de sortir un album. En mars 94, il est invité au festival Chorus des Hauts-de-Seine en région parisienne pour un hommage. Puis il donne un ultime récital près de Nancy en avril.
Il s'éteint le 14 juin 1994 alors qu'il avait de nombreux projets en route : la suite de ses mémoires, 50 ans après le premier volume et un nouvel album.
Cet artiste touchant et talentueux laisse le souvenir d'un homme tendre et fidèle à ses opinions.