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Élevages antiques et remèdes d'antan

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D’où viennent les poules ? La poule a-t-elle toujours été pondeuse ? Pourquoi y a t-il des poules noires et des poules blanches ? Pourquoi les poules ont des pattes jaunes ou grises ? Comment élevait-on une poule dans l’antiquité et au moyen âge ?


Je vous propose de faire un petit voyage dans le temps pour découvrir l’histoire de la poule domestique.


On découvrira comment on considérait l’élevage dans les temps anciens, et quels étaient vraiment les soins donnés aux poules d’antan.

Nos idées reçues sur les médecines du passé sont-elles fondées ? Les produits qu’on utilisait avant étaient-ils aussi efficaces qu’on le prétend aujourd’hui ? Comment pratiquaient vraiment les éleveurs et les vétérinaires du passé ?


En Bonus, et puisque la Grèce n’aura bientôt plus de secrets pour vous, je vous propose en toute fin une liste de jolis noms originaux (en Grec) qui vous inspireront peut-être si vous êtes à court d’idées pour prénommer vos cocottes.

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PREMIÈRE PARTIE

L’art d’élever les poules dans les temps anciens

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Du T-Rex, aux coqs de combat.

Avant de devenir ce qu’elles sont, nos petites poules ont suivi l’évolution, passant par la branche du T-rex, puis à des espèces dont la taille s’est progressivement réduite pour donner naissance aux oiseaux. En dépit de "ressemblances" avec le célèbre Vélociraptor, la poule n’a aucun lien de parenté. Son ancêtre le plus proche étant le Gallus-Gallus, aussi appelé le coq Bankiva, ou coq de jungle, apparu il y a environ 5 millions d’années en Indonésie et dont le génome n’existe plus qu’à l’état résiduel. Aujourd'hui, l’espèce Gallus-Gallus originelle a disparu depuis déjà très longtemps.
 

Illustration - Gallus-Gallus - National geographic 2025 - © Joel Sartore.


Notre poule actuelle est à la fois un parent proche et une cousine éloignée de cet ancêtre sauvage. Elle lui ressemble, mais elle est classifiée dans une autre espèce : Gallus-Gallus Domesticae, la poule domestique. Par définition, nos poules n’ont donc jamais été sauvages ; elles n’ont jamais vécu par leurs propres moyens dans la nature. Les poules de nos poulaillers ont toujours vécu avec l’Homme.


Cette domestication a été très longue, si longue que nos poules appartiennent presque en réalité à une sorte de "troisième espèce moderne" tant la différence est grande entre ces premiers volatiles d’Asie et ceux que nous connaissons. Si on se fie aux plus anciens ossements de poulets découverts en Chine datant du néolithique, cette origine remonte à une date située entre -6000 et -8000 ans.

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À cette époque, la poule « domestique » n’a pas grand intérêt pour l’homme du néolithique. On élève déjà des chèvres, des moutons ou des bœufs qui produisent bien plus de viande et qui donnent du cuir, de la laine ou du lait. La poule avec seulement 5 à 20 œufs par an est chétive et très peu féconde : le seul attrait qu’on puisse trouver à ce volatile… c’est le coq.



Un phénix descendu au sol ne vaut pas un coq - Proverbe chinois

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Le coq asiatique

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Le coq d’il y a 8 000 ans a un plumage noir et feu et une peau blanchâtre. Il est naturellement vif et extrêmement agressif, ce qui en fait un élément de distraction très apprécié. La poule n’a d’autre vocation que de donner naissance à des coqs de combat, sélectionnés pour leur taille, leur force et la majesté de leur plumage.


Le coq est une représentation miniature du combattant et de la masculinité : il se bat sans hésiter jusqu’à la mort. Dès lors, le coq devient un objet de valeur pour son propriétaire, un symbole de puissance, un reflet de son image. On le sélectionne pour créer des races qui vont se répandre en Asie, en Indonésie, au Vietnam, en Malaisie, en Inde. Il finira par atteindre la méditerranée autour du second millénaire av. JC.


Illustration : nature - 863 genomes reveal the origin and domestication of chicken - 2020.

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Cette image du coq triomphant restera un symbole qui va perdurer 4000 ans, et qui perdure encore : l’emblème de la France, ou du Portugal, le coq sur les maillots de sportifs, poinçonné sur des pièces de 20F en or, le « coq gaulois », le coq sur la pointe des clochers, l’année du coq en Chine sont des vestiges de cette époque.


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Voyage en Grèce antique
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L’Égypte ancienne et les Sumériens consommaient des pigeons, des cailles et toutes sortes de volatiles, mais n'avaient aucun mot pour définir un coq en cunéiforme ou en hiéroglyphes : ils n’ont découvert l’élevage aviaire qu’au début du premier millénaire, vers 50 ap. JC., à l’époque Hellénistique.

Aux dires même des Romains qui en faisaient l’éloge, c’est la Grèce antique qui excellait dans l’art de l’élevage aviaire. Un très ancien recueil de textes explique comment effectuer une sélection pour obtenir des coqs de combat, en se fiant à leur couleur et à leurs plumes. Un bon coq a une robe noire et des plumes dorées. Les autres, aux plumes trop claires, sont des coqs fainéants, impitoyablement éradiqués. (1)

 
Les coqs font une arrivée timide en méditerranée entre -1500 et -1000 ans av. JC. Il s’agit de quelques individus, de simples curiosités exotiques dont personne ne sait véritablement comment faire l’elevage. On procède alors à des croisements qui vont augmenter la productivité pour produire plus de coqs de combat.

 
Autour de 760-650 av JC, la Grèce et la Crête vont totalement maîtriser cet élevage qu’ils élèvent au rang d’art et d’industrie. Les coqs sont comme en Asie, d’abord destinés à marquer le prestige et la richesse de leurs possesseurs.


Pour obtenir plus de coqs, on multiplie aussi le nombre de poules, si bien qu’il devient de plus en plus intéressant de s'intéresser à l'élevage alimentaire.




Afin de parvenir à cette évolution économique, la Grèce doit d’abord franchir un pas culturel. La poule reste un animal « étranger à leur culture ». Pour devenir véritablement domestique, acceptée par tous, il faut que la poule s’intègre dans la société humaine.

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Son image commence à être utilisée de plus en plus, elle est symbolisée, représentée aux côtés de divinités sur des objets du quotidien, des vases, des fresques, des mosaïques, des sculptures. Le coq prend peu à peu sa place dans la société grecque aux côtés des humains, comme si elle avait appartenu à leur histoire depuis toujours. (2)




Pour exemple, la Grèce antique adopte l’alectryomancie, cette pratique étrange provient du mot Alektryôn (αλεκτριο), (alekso, signifie défendre, protéger) utilisé par les Grecs pour désigner « le coq de combat». L’alectryomancie consiste à prédire l’avenir en disposant des grains de blé sur un damier, à laisser le coq les manger et à tirer de la combinaison des cases vides des augures plus ou moins favorables. Cet usage divinatoire fut ensuite conservé par les Romains.


Très rare illustration de l'alectryomancie où le mot ΘΕΟΣ (theos, dieu) semble désigné par un coq (avec une faute de typo : Δ au lieu de Σ provenant visiblement du graveur du 18ème siècle qui dût la copier à partir d'un document plus ancien.)

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L'étymologie de la poule

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Si vous cherchez l'origine du mot "poule" vous trouverez en général cette étymologie assez succincte. Je vous en propose une version un peu plus étoffée...

En grec, la poule n'avait jusqu'alors pas de nom. Comme pour d'autres animaux, on mettait simplement le mot "coq" au féminin. Au lieu de dire ho alektryôn (le coq), on disait juste, hê alektryôn (la coq).(2) 


Au fil de l'adoption culturelle de la poule, les Grecs finissent par l'appeler "la coque" (15) hê alektoris (ἀλεκτορις) ou même tout simplement "l'oiseau" : hê ornis (ὄρνις). Elle ne finira par avoir son propre nom que bien plus tard, et encore, pas complètement. En grec moderne la poule (vivante) se dit kota (κότα), du grec ancien kotta qui signifiait..."petit coq". (16)

Notre mot "poule" n'est rien d'autre que la traduction de "petit animal" ou "petit coq", en latin  "pullus" qui deviendra "poule", tandis qu'en grec moderne le mot "oiseau" est devenu... "pouli" (πουλί), et que le mot "poulet" se dit koto-poulo, qu'on peut traduire par "l'oiseau poule". ;-) (16)


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La poule domestique

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C’est à cette époque que les poules, autrefois écartées et insignifiantes deviennent un symbole de féminité : l’exemple ultime de la mère qui protège ses poussins envers et contre tout. Dans une Grèce qui cultive le symbolisme et la dualité, le coq reste donc le symbole masculin du guerrier au combat, et la poule celui de la maternité et de la fécondité. À partir du moment où la société humaine accorde une place symbolique à ce nouvel animal, il devient adopté, intégré au foyer…. domestiqué.

Tandis que le combat de coqs reste l’apanage des hommes, l’élevage des poules et des poussins devient exclusivement un travail de femmes . Ce dualisme parfait qui n’appartient qu’à cette seule espèce consolidera une tradition qui restera figée à travers le temps, tout au long du Moyen Âge et jusqu’à une bonne moitié du 20ème siècle.




La Grèce antique va si fortement impressionner l’élevage aviaire, que même dans le monde Romain on continue d’employer un mot Grec pour définir l’élevage. Dans les plus anciens écrits de la Rome antique on évoque encore l’ορνιθοτροφιαν. (ornitho-trofian) mot datant d’environ 800 ans av. JC, Ornito (oiseau) trofian (nourriture) , signifiant littéralement « nourrir les oiseaux » en grec ancien : l’élevage.

Depuis cette date, la définition de l'élevage, consiste d’abord et avant tout dans  - l'art de nourrir les poules -.

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L'origine des races de poules

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Une étude de 2014 sur l’ADN des poules depuis l’antiquité reflète les croisements et la diversification de cette époque.
 

L’évolution de marqueurs génétiques permet de suivre l’évolution des espèces sur la planète. On ne connaît évidemment pas la date d’apparition de chacune des races et des sous-espèces aviaires depuis l’antiquité, mais cette étude a permis de découvrir deux marqueurs, le TSHR (Gène du coq Bankiva) , et le RCDO2 (Gène de couleur de peau grise ou jaune)



On s’aperçoit que sur les prélèvements effectués en Europe, les traits communs avec le coq Bankiva s’estompent avec le temps. Plus les prélèvements sont récents, plus les races commencent à se diversifier. C’est le moment où les races actuelles vont commencer très lentement à émerger par croisement au cours de la période antique.


Aujourd’hui, des traces du coq Bankiva originel (le Gallus-Gallus), Noir aux plumes dorées subsistent encore sur certaines races. Si vous observez une poule Marrans, faisant partie des plus anciennes races européennes, ou une poule Harco, parmi les plus présentes dans les élevages Grecs actuels, vous retrouverez d’indéniables similitudes physiques.

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Le Moyen Âge :
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À l’époque médiévale, du Ve au XVe siècle, l’élevage des basse-cours dépend essentiellement du milieu social (4). Les élevages aristocratiques ou seigneuriaux répondant à des exigences alimentaires et surtout à la présence d’oiseaux d’agréments, faisans, paons, cygnes, grues et variétés d’ornements qui arpentent les jardins pour satisfaire l’œil et être présentés au menu des banquets. La seconde catégorie plus triviale, est celle du milieu rural. On n’élève pas d’animaux de basse-cour en ville, tout simplement par manque d’espace et de ressources.


À la campagne, poules, coqs et oies constituent l’essentiel des redevances en nature (5). On paie des taxes en œufs, en poules, voire en grains. Ils constituent une part importante du patrimoine des plus modestes et contribuent à satisfaire les besoins alimentaires, principalement en œufs. La consommation de viande est rare et réservée aux plus riches.

Les poules d’apparence « antique » restent majoritaires, « qui veut avoir un bon poulailler doit choisir des poules bonnes pondeuses à plumes rouges et pennes noirs » (8). Ces couleurs vont progressivement se diversifier pendant le Moyen Âge vers des variations de couleurs brunes du Xe siècle (9) au XIVe et XVe s. (10). Ces poules et coqs de l’époque médiévale ont des gabarits modestes ; la taille et le poids des poules a chuté de 6% au haut Moyen-Âge du fait de la perte de certains savoir-faire antiques.(7).


Il existe déjà des poules d’ornements et des poules naines, destinées à la distraction et à l’émerveillement des jardins. (11). Les poules de couleurs blanches sont déconseillées, comme l’étaient les coqs pendant l’empire de Rome comme l’explique Colummelle dans son De de Rustica(12), elles sont « presque toujours sans vigueur, peu vivaces et rarement fécondes. (leur couleur) les expose à être enlevées par les éperviers et les aigles » ou par Brunet Latin (13) «  Pour ce doit li sires de sa maison eslire geline noire ou grises et eschivre les blanches » (Le seigneur des lieux doit choisir des poules noires ou grises et éviter les blanches).



À la fin du Moyen-Âge, le poids des poules va progressivement retrouver celui qu’elles avaient sous l’empire Romain, et au XVIème siècle. Dans "le livre des propriétés des choses" de Barthélémy l’anglais, la basse-cour est composée de poules noires, brunes, grises, et même blanches. (14)

Ce sont les variétés de couleurs qui donneront naissance aux futures races que nous connaissons aujourd'hui.


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Illustration : Basse-cour de maison aristocratique. Barthélemy l’Anglais, Livre des propriétés des choses, enluminé vers 1480 dans le Berry, par Évrard d’Espinques - Noire Géline pond blanc œuf, ou poule et poulaillers médiévaux, Perrine Mane, 2017.

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Quelques petits noms originaux (en Grec) qui vous inspireront peut-être pour baptiser coqs et poulettes...


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Sources et références (antiquité et Moyen-Âge )

(1) Libri de Re Rusticae (Caton l’ancien, Varon, Columelle et Palladius) – 1529
(2) Le coq et la poule en Grèce ancienne – C. Chandezon 2021
(3) Etude : Validity of domestication genes using DNA – 5flint, Allen, Barnett & al. 2013)
(4) La poule, pratique d’élevage culturel, 2017
(5) Leopold Deslile – 1851
(6) M. Petit – 1992
(7) Etude Clavel et al. 1996
(8) Livre des profits champêtres Ruraux – 1470 – Pietro de Crescenzi - BNF
(9) Evangeliaire des Bois – Paris BNF
(10) Livre de la propriété des choses – B. de l’Anglais 1372 - Paris BNF
(11) Pline l’ancien – Naturalis Historia Livre X
(12) Columelle - De Re Rustica - 1529
(13) Brunet Latini Brunetto - Livre du Trésor – XIIIe s.(14) Noire Géline pond blanc œuf, ou poule et poulaillers médievaux, Perrine Mane, 2017

(15) Aristophane 423 av. J.-C. "La femelle, tu l’appelles “coq” tout comme le mâle ? Mais alors, comment me faut-il l’appeler ?  “Coque” et l’autre “coq”. (ἀλεκτρύαιναν, τὸν δ’ ἕτερον ἀλέκτορα)

(16) Le grec moderne utilise 2 mots distincts pour désigner la poule  : κότα (kota : la poule vivante) et κοτόπουλο (kotopoulo : le poulet qu'on mange).


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SECONDE PARTIE

L'ÉLEVAGE DES ANCIENS

Pathologies, soins et remèdes d'antan.

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Une grande partie de nos techniques d’élevages remontent aux temps anciens. 

Le savoir séculaire, la sagesse passée qui a fait ses preuves au fil des siècles et dont les meilleures pratiques, les plus utiles et les plus efficaces ont traversé les âges. Il est impossible de lire un article sur les poules sans trouver une allusion aux produits ou aux solutions que des siècles d’élevage nous ont laissé.


Chaque fois qu’on dit « c’est connu » ou « on a toujours fait ainsi et ça a toujours fonctionné », l’argument fait mouche. Même si la science a démontré le contraire, on gardera toujours un doute, celui que la science n’a pas réussi à percer le secret des anciens mais que pour des raisons qui nous échappent, ça fonctionne quand même.


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Pêle-mêle, si je vous disais que les anciens soignaient leurs animaux avec du miel, des plantes, de l’ail et du vinaigre que vous ne seriez pas étonnés. Je pourrais même vous en vendre la recette.


Je pourrais aussi facilement vous dire, que les poules se nourrissaient de graines, qu’en cas de maladie, on les passait vite-fait à la casserole, ou que les poules d’antan batifolaient dans les champs en picorant comme dans les images d’Épinal.
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On pourrait affirmer tout cela sans que personne ne le conteste, et pourtant c’est une version idéalisée du passé.


L'histoire telle que la relatent les témoins privilégiés du passé -éleveurs, vétérinaires, agriculteurs, érudits- est sensiblement différente, et pour cause, eux, ont vécu à cette époque.


On prête souvent aux anciens des savoirs ou des pratiques, sans trop se souvenir d'où ça vient, ni de quand.

  • Une poule "se nourrit à l’ancienne, avec des épluchures"
  • "On a toujours soigné les vers avec du vinaigre"
  • "La poule qui picote du pain dur..."
  • "La poule ça se nourrit avec n’importe quoi" etc. etc.


Voici donc quelques extraits des livres qui parlent le mieux du quotidien et de l'élevage des anciens : leurs livres.

Il s'agit majoritairement des traités et des manuels d'élevages relatant les pratiques médicales ou alimentaires écrits du 17ème au début du 20ème siècle. Beaucoup de ces ouvrages puisent dans des savoirs encore plus anciens, compilent des écrits précédents ou des pratiques sur des périodes extrêmement longues, datant parfois de l’époque médiévale.

La liste des œuvres utilisées figure dans les sources en fin d'article.


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L’alimentation d’antan

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Les denrées au menu des poulettes décrites du 17ème au 19ème siècle ont relativement peu évolué depuis le Moyen-âge.


Certains produits apparaissent tardivement comme le maïs ou la pomme de terre mais la base alimentaire reste sensiblement la même depuis plus de 1000 ans et demeure encore aujourd’hui assez similaire.


Le menu d'antan se compose d'ingrédients tels que les graines de "blé, avoine, orge, maïs, sarrasin, millet, pois, lentilles, jarosse et graines de tournesol ainsi que des herbes, salades, choux, oseille, épinard, betterave crue, topinambours et rutabagas cuits et écrasés" (3)


Ce régime idéal ne s’adresse en fait qu’à un très petit nombre. La poule rurale doit répondre à des exigences économiques, et si possible, ne rien coûter du tout.



Bien sûr, une meilleure alimentation améliorerait la santé, le nombre et la valeur des poules mais le quotidien de la ferme ne ressemble pas forcément aux prescriptions des manuels d'élevages.

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Tout le monde connaît cette image de la jeune fermière distribuant des graines à la volée dans la basse-cour, et pourtant, ce n’est pas une représentation de l’élevage d’antan, juste une propagande romantique du 19ème siècle.

D'ailleurs le terme "à la volée" ne désigne pas les graines qu'on jette et qui "volent", mais signifie "distribuer aux poules", une volée, c'est "un élevage de plusieurs poules".


Pour bien faire, l'alimentation "de la volée" à la campagne devrait donc être composée de bonnes graines, de salade et de choux, mais c'est essentiellement un vœu pieux.


La réalité, c'est qu'on nourrit les poules avec ce que l'on a, et si on a rien à leur donner, on se débrouille :

  • En récupérant des déchets pour en faire une bouillie avec les restes de grains qu'on appelle l'issue, avec le son composé des enveloppes de grains réduits en farines, et parfois les déchets de légumes non consommables, pendant les périodes de récoltes :

"Pour les nourrir, on ramasse toutes les criblures et les vannures des grains. On leur entremêle quelquefois cette nourriture avec de la laitue que l'on hache, du fruit ou du son trempé dans de l'eau. (10)

  • Sans les nourrir du tout, en les laissant surtout s’alimenter par elles-mêmes :

"Ces oiseaux sont faciles à entretenir, ils mangent de tout, et rien n'est perdu avec eux. Tant que les poules par leurs recherches continuelles peuvent trouver à se nourrir on peut se dispenser de leur donner à manger" (6)

  • En réduisant la basse-cour pour éviter qu'elles n'aient tout simplement plus rien à manger en raison de leur nombre.

"On observera de ne pas garder plus de poules qu'on ne peut en nourrir. Une petite quantité à laquelle on ne laisse point manquer de grain donne plus de profit qu'une grande quantité qu'on laisse jeûner." (9)

  • En aménageant une Verminière, autrement dit un trou dans lequel grouillent les mouches et les asticots pour que les poules s'en nourrissent.

« on place près du poulailler un fumier que l’on arrose de sang de bœuf sur lequel on jette un peu d’avoine ; pour hâter la formation de vers, on mêle avec le terreau des tripailles de brebis etc. bientôt le terreau sera rempli de vers qui ont une vertu particulière pour engraisser une grande quantité de volaille »

La méthode fait néanmoins l'objet de sèvères critiques :« les poulets qui se nourrissent (dans les verminières) ont mauvais goût, leur chair sent toujours les entrailles et les œufs ont un goût désagréable » (7)


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Voilà donc un aperçu des conditions alimentaires d'antan, qu'il faut nécessairement rapprocher à celle des Hommes si on veut les comprendre :

La réalité de la condition paysanne, c'est que les graines servent à faire du pain et les légumes de la soupe, quand on a la chance d'avoir l'un et l'autre.

La vie rurale durant des siècles est une succession d’épidémies, de famines et de guerres. « On souffre de la faim et on meurt d’avoir mangé des repas infects : pain de son, soupe d’ortie, viscères de bestiaux récupérés aux abattoirs. (…) » Jusqu’au 17ème siècle, l’espérance de vie n’excède pas 30 ans, un enfant sur deux n’atteint pas l’age adulte. (4)(5)

Il faudra attendre les années 1950, l’après guerre et les "30 glorieuses" pour que le monde paysan mute profondément dans un pays reconstruit et modernisé.

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Quand vous lisez un article qui explique que « les poules mangent de tout » ou que « les poules mangent n’importe quoi », il omet de préciser que c’est parce que pendant des siècles, on ne pouvait pas faire autrement.

Ce que les pratiques d'antan illustrent le mieux c'est ce qu'il se passe...

  • quand l'hygiène est déplorable,
  • quand la nourriture est inappropriée,
  • quand les poules sont en surnombre
  • et quand les soins sont inexistants.

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" La plupart des maladies qui déciment les volailles sont dues exclusivement au défaut de soin de la part de ceux qui les élèvent"

Traité d’élevage 1858 (2)

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Les maladies

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Les maladies des poules au Moyen-Âge sont considérés comme celles des Hommes. À l'époque on parle d'humeurs : le sang, la lymphe ou la bile réparties dans le corps et qu'il s'agit d'équilibrer.

Les connaissances antiques, perdues, puis remises au goût du jour à la renaissance redéfinissent l'idée de maladie.

Ainsi, la poule souffre à l'époque de maux qu'on appelle le Cours du ventre, le Ciron, la pépie, le mal des yeux et du jabot, le picage, la constipation, les tumeurs intérieures ou la mélancolie.


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Le cours du ventre, ou le flux du ventre, désigne les diarrhées, quelles qu’en soient les causes. Contrairement à la médecine moderne, la pratique vétérinaire jusqu’à la fin du 19ème siècle se base sur la « symptomatologie ». Elle ne consiste pas à diagnostiquer une « maladie», mais à soigner les effets visibles d’un mal. Ces diarrhées sont les signes d’une multitude de maladies très différentes, mais elles se soignent toutes de la même manière : en tentant d’arrêter les diarrhées.

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La Goutte, se manifeste par des "jambes tordues" (ainsi nommées), une incapacité de marcher, ou un fort boitement qui ne sont que les signes très avancés d’inflammations articulaires. Les praticiens ne savent pas la soigner mais la soulagent par l’application d’huiles sur les pattes.

Cette "goutte", aujourd’hui appelée l’insuffisance rénale est causée par un excès alimentaire en protéines que les reins ne parviennent plus à assimiler et qui s’étend aux articulations par la diffusion dans le corps d’acide urique qui va progressivement causer des inflammations.

Elle révèle un manque de végétaux frais résultant d'une alimentation trop riche en vers et en insectes laissés aux poules s’alimentant par elle-mêmes ou dans des Verminières décrites plus haut.


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La Pépie revêt plusieurs formes. À l’origine c’est une prolifération de bactéries qui forme un dépôt filandreux dans le bec, sur la langue ou dans la gorge. Dans les faits, la pépie décrit toute sortes de maux, autant les chancres, la candidose que la déshydratation.

C’est un mal tombé dans l’oubli dont le soin se pratique à l’époque "au couteau" en grattant la langue et les muqueuses de la poule.

Le son de blé, d’orge, d’avoine… donnés aux poulettes nécessitent d’être mélangés pour leur donner une consistance pâteuse, mais même en bouillie, le son déshydrate l'organisme et nécessite beaucoup d'eau pour être digéré.

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Le mal du jabot définit tout ce qui touche le jabot : aussi bien les obstructions (corps étrangers, herbes, pâtée trop sèche...), les infections et les vers. Ces maladies devaient, sans grande surprise, être assez courantes compte tenu de la qualité de l'eau, de la promiscuité entre animaux et de l'hygiène générale.

On versait de l’huile dans le gosier de l’animal pour tenter de le faire régurgiter et si ça ne régurgitait pas, on ouvrait le jabot avec un couteau « très affûté » pour le vider de ce qu’il contenait.

Certains traités de médecine indiquent d’ailleurs qu’on y trouvait tout aussi bien des aliments fermentés que des quantités de vers qu’il s’agissait d’extraire de l’animal avant de recoudre.

« On ouvre le jabot pour en retirer la nourriture puis on recoud l’ouverture, mais cette opération est très délicate et peut avoir des suites funestes »

L’asepsie ayant été inventée en 1862, et l’antisepsie en 1870, on imagine sans peine que toutes les poulettes n’ont pas survécu à l’opération.
 
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La maladie du croupion concernait les infections provoquées par une extrême malpropreté des poulaillers et des pondoirs.

Dans les campagnes, les « lits » ou plus précisément les « couches » dont le commun des mortels dispose, sont des paillasses accueillant jusqu’à 6 à 8 personnes, abritant puces, poux, vermine, acariens et bon nombre de bactéries.

Les poules étant à peu près logées à la même enseigne ne devaient pas être beaucoup mieux loties, ce qui entraînait inévitablement son lot de maladies.

Les soins du croupion sont aussi effectués au couteau. Le vinaigre est recommandé comme désinfectant. On peut d’ailleurs s’étonner que la cicatrisation ne se fasse pas avec des cataplasmes d’argile, du miel, du thym et la désinfection à l’alcool camphré. Rien ne dit que d’ailleurs ce ne fût jamais le cas, mais la méthode "préconisée" du Moyen-Âge au 19ème siècle telle qu’elle est rapportée dans la plupart des manuels était "le couteau et le vinaigre".

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La mélancolie, est aussi appelée la langueur. Là encore il s’agit de qualifier, avec une certaine poésie, la faiblesse, la lassitude de l’animal. La mélancolie désignant le stade ultime du "mal être" avant de se laisser mourir, il reflète la préoccupation d’une maladie touchant "l’humeur".

Aujourd’hui, on désigne cet état comme l’abattement ou la prostration révélant une maladie incapacitant la poule jusqu’à l’immobiliser et l’empêcher de se nourrir, de s’abreuver ou de se déplacer.

Pour la soigner, on procède à l’époque à un traitement d’ordre "psychologique" en écartant la poule des autres et en lui donnant de l’eau et de "bons aliments" pour qu’elle reprenne goût à la vie.

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Le picage est tout à fait du même ordre. Il fait étonnamment partie de la liste des « maladies » que tout éleveur se doit de soigner.

Ce problème récurant est "la conséquence d’une trop forte concentration de poules dans un lieu trop étroit" comme on peut le lire dans les manuels d'antan.

Les poules vivent, comme on l'a vu, en nombre, dans un espace réduit, avec une offre alimentaire insuffisante. Elles doivent se battre pour survivre.

Il ne s’agit nullement du petit picage auquel on assiste de nos jours. Avec une multitude de détails, on peut lire avec effroi que cette maladie se traduit par un dépeçage en règle des poules les plus faibles, allant jusqu’au cannibalisme.

Les soins s’adressent non pas à la victime, mais à la poule agressive. Il s’agit, pour soigner ce mal, de suspendre un chou dans le poulailler pour l’occuper.

Dans un autre traité une solution alternative conseille une préparation à base de sang, de farines de grains et d’épices bouillies pour former une pâtée qui « satisfera les besoins sanguinaires de la poule  vraisemblablement avide de carnage".

Dans un troisième ouvrage il est précisé qu’au cas où la poule persisterait dans cette frénésie, c’est le couteau dont il faudra user pour faire cesser la désolation dans l’élevage.

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Les parasites internes, plus généralement désignés avec les poux et autres puces comme "la vermine" ne sont pas considérés comme des maladies.

Est-ce parce qu'ils font partie du quotidien ou parce qu'on les considère comme un problème à part ? Difficile à dire.

Ces vers sont bien connus depuis l’antiquité. Leurs descriptions et classifications sont parfaitement détaillées dès le début du 19ème siècle mais les principaux remèdes ne seront inventés que bien plus tard :  Levamisole (1966), Flubendazole (1970) Ivermectine (1974).

Les traitements anthihelminthiques sont extrêmement nombreux, à base de gentiane, de mousse de Corse, de bulbe d’ail, de nicotine, d’huile de fougère, de girofle, de tanaisie, d’écorce de racine de grenadier, du suc de Marrube, de scammonée, de calomel, d'absinthe,  d'oxymel scillitique, d'armoise, de diverses variétés de chicorée, d'essence de thérebenthine... Il ne s'agit là que d'un tout petit échantillon.


Certains traitements sont plus ou moins efficaces, mais d’innombrables autres produits sont également utilisés alors qu’ils sont totalement sans effet sur les vers et même parfois, nocifs pour la poule.

La plupart du temps, le traitement des parasites internes se résume à un soin contre les diarrhées ou la mélancolie.

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Le constat qu'on peut faire est que la médecine des anciens était extrêmement bien fournie en médications : au bas mot, six a huit mille substances, sans compter les associations et dérivés. (1)


En fait, l'immense problème de l'époque est de disposer d'une pharmacopée pléthorique de plantes et de produits utilisés depuis l'antiquité dont la plupart des effets décrits sont imprécis, parfois réels, parfois imaginés, parfois exagérés, parfois même ignorés.


C’est une mine intarissable de connaissance. Mais une mine inexploitable. Comment tirer parti d’un produit sans connaître véritablement le dosage, sans savoir si on utilise la bonne variété de plante ou la méthode précise de préparation, si le nom du produit ne s'est pas lui-même perdu ou s'il n'a pas été recopié un jour par erreur au fil des siècles.


Le savoir des anciens se compose d'une immense variété de médicaments, et pourtant, sur plus d'une vingtaine de traités vétérinaires écrits du 17ème au milieu du 19ème siècle, on ne recence pas plus de 20 "maladies".


L'explication est assez simple, la majorité des avancées médicales " modernes" s'est faite après 1850. Même s'ils ne sont pas encore soignés, la Diphtérie (Variole), le Coryza, le Choléra sont déjà largement détaillés sous leurs différentes formes dans les livres édités après cette date.

On s’achemine vers la découverte de la vaccination en 1885 et des "virus" en 1898. La médecine vétérinaire s’intéresse aux modes de contagions entre les animaux et à la possibilité de transmission de leurs maladies aux humains, mais la problématique principale jusqu'au milieu du 20ème siècle reste de trouver de véritables remèdes.


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Les maisons des poules
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À quoi ressemblait le poulailler d'antan? Une étude de Françoise Piponnier relève que sur une liste de 230 inventaires Dijonais relevant les noms des différentes pièces d’habitation du XIVe au XVe siècle, pas une seule ne mentionne "le poulailler".


« Dans nombre de maisons (rurales) il ne devait même pas exister d’espaces dévolus au poulailler, les volailles étant logées à l’étable (…) tandis que dans les maisons mixtes, un même toit abritait hommes, animaux, surtout mammifères et sans nul doute les volailles » (11).


Une évolution notable apparaît à la fin du Moyen-Âge, au 15ème et 16ème siècle, et s’apparente à ce qu’on désigne aujourd’hui sous le nom de "poulailler", à savoir des "Gallinières".


Il s'agit de petites huttes, de cages d’osier ou de tresses de paille de seigle que l’on dispose à l’extérieur ou dans la maison pour éviter qu'elles ne s'échappent ou ne chapardent les aliments destinés à finir dans la soupe.


Ces installations vont sensiblement évoluer du 17ème au 19ème siècle pour devenir des poulaillers dotés de pondoirs, très proches de ceux qui sont utilisés aujourd’hui.


La cour, ou la basse-cour n'est pas forcément un vaste champ où batifolent les poulettes. Quand on possède un lopin de terre, on l'exploite. Le potager était le précieux garde-manger d’une famille, tout autant que le champ où les poules n'avaient pas leur place. Comme on le répète si souvent au fil des siècles, nul ne laisserait ses volailles en liberté à la merci des prédateurs ou du premier venu.


Pour garder ses poules en sécurité, on les garde près de soi dans la cour, entre l’étable et le tas de fumier où elles trouvent à se nourrir des insectes et vers qui s’y nichent.


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L’eau et l’alimentation dans l’ancien temps

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Contrairement aux idées reçues, l'eau aussi bien dans l'antiquité qu'au Moyen-Âge était relativement saine. On utilisait l'eau de pluie, de nombreux puits et l'eau de source. Les ateliers polluants (tanneries, teintures, brasseries...) étaient soigneusement implantés en aval des zones résidentielles.


Bien sûr, des problèmes de salubrité persistent, accentués par une méconnaissance des germes et des maladies. Jusqu’à récemment, "si l’eau était propre et sans odeur, elle était considérée comme bonne à boire".


L'eau "lacée", ou "l'eau vineuse" dans laquelle on ajoute du vin ou de la bière pour la purifier existe, mais elle n'est pas généralisée, pour une raison très simple : le vin coûte cher. Le monde rural constitue entre 80 et 95% de la population, l'essentiel ne consomme que ce qu'il produit, et tous ne sont pas viticulteurs. Il faut donc être fortuné pour ne boire que du vin ou le produire soi-même.


La purification de l'eau avec un peu de vin est bien-sûr évoquée dans les traités d'élevage, sans qu'il ne soit jamais évoqué en quelle proportion. Quand on considère le coût du vin, on imagine mal qu'elle soit fréquente, ni même qu'elle soit utile.

On sait aujourd'hui qu'il faut une grande concentration d'alcool pour éliminer tous les germes contenus dans de l'eau : du vin coupé à moitié n'aurait même pas suffit et le foie des poules n'aurait pas résisté longtemps. 


On savait déjà à l'époque et depuis longtemps que l'alcool était inefficace contre les vers, il n'est d'ailleurs évoqué dans aucun livre d'élevage ou de médecine pour cet usage, ce que la science actuelle confirme. Les traitements ne manquaient pas (cf chapitre des maladies : traitements anthihelminthiques) mais on n'y comptait ni vin, ni vinaigre, en revanche on déconseillait vivement les laitages et ... la laitue :

« les nourrices de campagnes sont sujettes aux vers parce qu’elles mangent beaucoup de laitue».


La confusion faite avec le vinaigre vient très certainement au vin d'antan qu'on buvait "aigre" mélangé à des épices. On boit du vin, du "vin-aigre", on désinfecte avec du vin ou du vinaigre. On accorde aux deux produits les mêmes vertus : ils ont la réputation d'assainir, de désinfecter et de cicatriser.  Certaines propriétés du  vinaigre ont d'ailleurs été demontrées en laboratoire (voir article sur le vinaigre).

L'une d'entre elles a sans doute largement contribué à l'idée d'utiliser le vinaigre dans l'eau de boisson. Il s'agit de  son action probiotique sur le système digestif, en tant que stimulant de l'action immunitaire de la flore intestinale.


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L'eau et les probiotiques

L'utilisation de "...l’eau mélangée au lies de bière, de cidre ou de vin provenant de fonds de tonneaux ..." ne conseille pas comme précédemment d’aviner l’eau avec de l’alcool, mais d’utiliser des résidus de fonds de tonneaux, autrement dit, du moult de cidre, de bière ou de vin, connus pour contenir des souches actives de bactéries notamment de Saccharomyces Cerevisae.

Ce champignon potentiellement présent dans ces résidus l’est aussi dans la levure de bière et va faire office de probiotique, activer ou réactiver la flore intestinale, et renforcer naturellement les défenses immunitaires de l’animal.

La citation pourrait passer inaperçue si elle ne datait pas du 19ème siècle.(8)

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L'eau par nature n'était donc pas si infecte qu'on pourrait le présumer. Il est très vraisemblable que c'est ensuite qu'elle devenait un foyer de germes, de vers ou d'infections. Versée dans une écuelle ou un bac, réceptacle de tout ce qu'on peut imaginer : boues,  fientes, contaminations des maladies portées par tous les animaux allant s'y abreuver, du rat des champs aux oiseaux sauvages.

Même si elle arrivait pure, elle ne devait le rester que très peu de temps.


On voit donc arriver au cours du 19ème siècle toute une série d'inventions pour distribuer l'eau aux poules, parmi lesquelles figurent quelques dispositifs très avancés pour l’époque.

 

Le premier est cet abreuvoir de fonte très moderne, dont l’auteur recommande une installation à l’ombre, et qui conserve l’eau fraîche pendant tout l’été. Vous constaterez que les coupelles sont disposées en hauteur, pour éviter toute contamination d’eau par les rongeurs, la boue ou les fientes du sol.

Le second système imaginait déjà des tonneaux percés par où goutterait l’eau auxquels les poules pourraient s’abreuver par le dessous, ce système permettant d’éviter la propagation des maladies. On ne sait pas trop si l'idée a été utilisée ou commercialisée, mais l'invention était bien réelle. (8)

Si vous regardez de plus près les abreuvoirs d’aujourd’hui, vous verrez que la plupart n’ont pas ce degré de sophistication (voir article sur les abreuvoirs).


On trouve également un système de mangeoire à trémie, très proche des meilleures mangeoires actuelles, destiné à éviter l'accès aux rongeurs qui pullulent dans les fermes.

Ce matériel va bien entendu améliorer les conditions sanitaires des poulettes et continuer à se diversifier tout au long du 20ème siècle en facilitant grandement l'élevage rural ou domestique.


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Conclusion
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Le premier enseignement de ces pratiques d’antan est le rapport direct entre le contexte et les maladies rencontrées :

  • une grande promiscuité des poules dans un espace réduit avec peu d'aliments disponibles,
  • une alimentation réduite au strict minimum, pauvre en végétaux frais, et trop riche en vers ou vermine,
  • une hygiène inexistante pour l'Homme, l'habitat et l'espace dédié aux poules,
  • une eau peu salubre, exposée aux germes et à un environnement pathogène.

Quasiment toutes les maladies découlent directement des conditions de vie liées à une extrême pauvreté dans les campagnes.

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Le second enseignement concerne les soins, invitant aujourd'hui encore à une certaine humilité. Reconnaître un symptôme comme le faisaient les anciens, ne signifie pas pour autant reconnaître une pathologie.

A l'évidence, on peut aussi conclure qu'une gigantesque pharmacopée n'est d'aucun secours si on ne sait comment l'utiliser. S'en tenir à quelques produits simples dont on connaît les dosages, les effets et les limites est, à l'évidence, plus profitable.


C'est évidemment plus facile à dire quand on dispose de médecines et connaissances modernes, mais c'est une leçon quand même.

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Le troisième enseignement vient du célèbre naturaliste Daubenton, repris et paraphrasé dans nombre de ces livres  et qu'on devrait afficher sur la porte de nos poulaillers.

 " Il est plus facile et surtout moins dispendieux de prévenir les maladies que de les soigner »

En toute occasion, prévenir la maladie, agir sur l’alimentation et comprendre les notions de nutrition pour garder un animal en bonne santé sera toujours préférable que de devoir soigner un mal qu’on ne comprend pas, avec des moyens qu’on ne maîtrise pas.



Vous trouverez de nombreux articles allant dans ce sens, et je vous invite donc à les lire ou à les relire.


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Auteur : JT


Sources  et références (du Moyen-Âge au 20ème siècle)

(1) Traité de matière  médicale et des indications thérapeutiques des médicaments. C.P. Galtier, 1839.
(2) De la basse cour, Traité d’élevage, Ysabeau 1858 – p34
(3) Les oiseaux de basse-cour - 1894
(4) Ninon du Plessis – La France des lumières – 2022
(5) Archives nationales, vivre à la ferme au 19e s.
(6) Traité des animaux de basse-cour - 1823
(7) M. Dupuy d’Emportes - Le Gentilhomme Cultivateur 18e s.
(8) Elevage moderne des animaux de basse-cour - Brechemin 1895
(9) Traité economique des oiseaux de basse-cour.
(10) Traité économique et physique des oiseaux de basse-cour - Buc'Hoz - 1775
(11) Poule et poulaillers médievaux, Perrine Mane, 2017

... ainsi que les ouvrages suivants (BNF, archives nationales)
- La poule pratique 1885
- Manuel veterinaire des plantes et des médicaments Buc’hoz 1801
- Traité Historique des plantes de Lorraine Buc’hoz – 1770
- Les animaux de basse cour – Larbal 1887
- Le medecin vétérinaire chez soi - Castex 1871
- Histoire naturelle des  helminthes ou vers intestinaux F. Dujardin 1844
- Les Animaux de basse-cour, Larbal 1887
- Oeuvres d'agriculture de M. de Planazu 1786
- Traité des maladies  contagieuses et de la police  sanitaire des animaux  domestiques - V. Galtier, 1880
- Traité des oiseaux de basse-cour, J.L.R. 1823
- Pour se préserver et se  débarrasser des vers,  Dr N. Andry 1909
- Traité des basses-cours et de la petite culture,  A. Espanet. 1856
- De l'hygiène et de  l'inspection de la volaille, - Bourrier, 1883
- Les oiseaux de basse-cour : histoire naturelle, hygiène, maladies / G.Percheron, 1894


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