
De quoi meurent les poules ?
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Chaque élevage, chaque race, chaque poule peut rencontrer au cours de sa vie des risques différents. Oui, mais du coup... quels sont ces risques ? Une poule peut-elle mourir paisiblement de mort naturelle, en somme...de vieillesse ?
On va essayer de répondre à cette question.
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Mourir... en bonne santé.
Comme vous vous en doutez, mourir en bonne santé est fort rare. Autant pour nous que pour n'importe quelle espèce, il y a toujours une bonne raison et c'est aussi valable pour les poules. Certains diront que le plus souvent c'est à cause des prédateurs, des vers, des coccidies, des serpents à sonnettes ou que la maladie de Marek est assurément LA plus redoutable. En fait, tout le monde a raison, ça dépend où, et pour qui.
Si vous n'élevez que des poussins, vous serez davantage concernés par les maladies touchant les jeunes poules, et si votre poulailler est bien protégé, les prédateurs ne sont pas votre préoccupation principale. Pour l’immense majorité des poules vivant sur la planète, la principale cause de mortalité est tout simplement, l'Homme : la durée de vie moyenne en élevage industriel ne dépasse pas 12 mois, mais qu’en est-il pour nos poulettes vivant dans les petits élevages domestiques ?
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1ère partie :
Les causes de mortalité chez les poules
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Résumé de l'étude (Cadmus & al. 2019) Infographie : JT. (cliquer pour agrandir)
L'espérance de vie.
L'espérance de vie est d'abord une question de génétique. En sélectionnant des races, les gènes de reproduction ont été privilégiés au détriment de ceux de la longévité pour donner plus d’œufs et plus de poules. Au fil du temps, l'écart s'est creusé entre les variétés destinées à la ponte, à l'alimentation ou les races "mixtes" choisies pour faire un peu des deux ou devenir des poules d'ornement. Le critère de la durée de vie n'a donc jamais été une préférence : une poule qui vit trop longtemps n'a aucune utilité : elle ne pond pas, n'est pas consommable et mange à longueur de journée, en somme, elle finit par nous ressembler un peu ;-)
Résumé de l'étude (Cadmus & al. 2019) Infographie : JT.
Les études.
Il existe assez peu de chiffres permettant de quantifier les principales causes de mortalité. La plus importante étude, menée en 2019 porte sur plus de 3000 poules autopsiées aléatoirement dans des petits élevages domestiques.(1)(6)
Voici ce qu’on peut en tirer en se livrant à un petit exercice de déchiffrage :
1- les vaccins.
47% des causes de décès sont vaccinables. Il est donc évident que la principale mesure pour écarter les maladies mortelles est de vous assurer que vos poules sont vaccinées, ce qui est très fréquent si vos poulettes proviennent d'un élevage professionnel mais pas systématique. Ca ne sera quasiment jamais le cas si vous faites vos propres reproductions ou si vous achetez des œufs fécondés. Les vaccins coûtent très peu cher (entre 0.15cts et 3€) mais ils sont conditionnés par 1000 ce qui pénalise largement les petits élevages.
Pourtant... près de la moitié des causes de mortalités pourraient tout simplement disparaître :
- Les maladies virales : maladie de Marek, de Newcastle, de Gumboro, grippe aviaire.
- Les maladies respiratoires : coryza, laryngotrachéite infectieuse, rhinotrachéite infectieuse, bronchite infectieuse.
- Les bactéries : E-coli, Mycoplasma gallisepticum, Mycoplasma synoviae, et Avibacterium paragallinarum, ainsi que certaines souches de coccidies.
Ces causes de mortalité dépendent donc essentiellement de la vaccination ou de la non-vaccination ; vous aurez donc deux lectures complètement différentes de ces tableaux si vous êtes concernés ou non par ces maladies.
2- L'ascite
Le classement de ces résultats ne fait pas apparaître les causes multifactorielles qui sont pourtant les plus fréquentes. Ces chiffres n’indiquent que la cause principale du décès, pas forcément les maladies secondaires, périphériques ou opportunistes qui y ont contribué.
Le syndrome d'ascite est lié à un grand nombre de ces pathologies cardio-vasculaires, à l'hypertension, aux déséquilibres alimentaires, aux hépatites ou aux infections. Pour la plupart des éleveurs, l'origine "visible" est "l'ascite", puisqu’il est quasiment impossible de déterminer la cause exacte : hypertension pulmonaire, déficience des reins, du foie ou du cœur ne sont identifiables qu’avec des compétences médicales, des analyses ou un examen post-mortem. Ces causes multifactorielles qu’on désigne en général sous le terme générique « d'ascite » sont à l’origine de 38% des décès.
3- Facteurs liés à l'hygiène.
L'hygiène alimentaire, des poules ou du poulailler joue un rôle prépondérant dans l'apparition de nombreux risques : parasites, infections, transmission de virus sont bien plus fréquents dans les poulaillers les moins bien entretenus. Les maladies liées à l'hygiène ne sont pas inévitables, mais elles sont bien plus limitées avec un sol et une litière propre, un poulailler chaulé, des mangeoires et abreuvoirs très régulièrement nettoyés et une inspection préventive de l'état sanitaire des poules.
4- Bactéries, infections et septicémies sont les causes de mortalité les plus fréquentes, et pourtant il est souvent plus facile de soigner ou une infection bactérienne qu'un virus. Une simple analyse vétérinaire permet d'identifier la ou les bactéries en cause et de prescrire l'antibiotique qui en viendra à bout. À défaut de vétérinaire, apprendre à manipuler les huiles essentielles peut s’avérer très utile, leurs effets antibiotiques sont puissants et à très large spectre.
Les effets des HE de Cannelle, de Niaouli, de Tea tree, d'Origan, de Romarin ou d' Eucalyptus radié ont été confirmés par de nombreuses études scientifiques. Chacune d'entre-elle est parfaitement capable déradiquer -entre autres- les bactéries Pseudomonas, Escherichia Coli, et Staphylocoque doré.(5) (voir ici : Tout sur les HE pour les poules). Quelle que soit la bactérie, si l'infection interne ou externe est prise à temps, elle peut être souvent être maîtrisée.
5- les causes évitables
La prédation, la contamination par la présence d'oiseaux sauvages ou de nuisibles sont pour certains des risques insignifiants, et pour d'autres une réalité quotidienne. Le facteur de mortalité dépend alors grandement des moyens mis en œuvre pour les éviter. Une grille soudée, une volière, des installations spécifiques... limitent le risque si elles sont mises en place.
6- Les causes impardonnables
Certains des cas ne devraient même pas figurer dans cette liste : famine, déshydratation, pododermatites ne sont pas sensées être des "maladies mortelles", ce sont juste les conséquences d'un niveau extrême de négligence. La mortalité devrait théoriquement être nulle. Elle l'est, si vous élevez et nourrissez correctement vos poules, mais elle sera bien plus importante chez les éleveurs négligents.
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Tous ces chiffres sont à considérer au regard du contexte dans lequel vous élevez vos poules : vos pratiques alimentaires, vos mesures de prévention, vos installations et votre capacité à soigner d'éventuelles maladies.
Dans un contexte "idéal", vos poulettes protégées par une volière ne seraient jamais exposées aux virus ou aux prédateurs. Des examens préventifs et vos connaissances médicales vous permettraient de diagnostiquer et de soigner la plupart des maladies. Dans ce monde « parfait », les poules vivraient heureuses et le nombre de décès causés par ces pathologies serait quasiment... nul.
Que se passerait-il alors ?
Vous pouvez imaginer que c'est une simple question rhétorique et pourtant, il existe une réponse.
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2ème partie :
L'expérience Fredrickson
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Si certaines poules vivent parfois plus de 10 ans dans certains élevages ce n'est pas un hasard. Il est évident que la qualité des soins et les compétences de l’éleveur n'y sont pas complètement étrangères, mais cette remarquable longévité est surtout due à un critère : il s'agit de races très robustes ou comme le disent certains « de grandes races ».
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Le cas spécifique des poules pondeuses.
En moins de 2000 ans, la poule est passée de 5 œufs par an, à près de 350 pour certaines. (voir ici : poules antiques...) Plus ces croisements se sont affinés, plus leur durée de vie s'est réduite. Les gènes de ponte ou de reproduction étant favorisés et ceux de la longévité étant contrariés, nous avons modelé les races de poules selon "nos besoins".
L'ultime aboutissement de ces sélections étant... les poules hybrides F1, rousses, white leghorns, golden comet, black star, coucou, shaver... bien malgré elles propulsées au sommet de cette industrie. Quand une poule dite "de race" peut espérer vivre 8 à 12 ans, une petite poule rousse vit en moyenne 3, 4, parfois même 5 ans.
Il existe bien entendu des études précises sur le rapport entre la ponte et l'espérance de vie. Contrairement à la majorité des espèces sauvages ou domestiques dont le cycle de reproduction est saisonnier, la poule pondeuse a été artificiellement sélectionnée pour produire des ovocytes de manière "persistante". La plupart des poules pondeuses "modernes" ovulent à des intervalles de 24h, ce qui induit une ponte de quasiment un œuf par jour. (4)
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Le cancer des pondeuses
La poule est le seul modèle animal qui "développe spontanément un cancer ovarien à un taux élevé (…) Les données indiquent que l'ovulation, ou les facteurs associés à l'ovulation, contribuent à la prévalence du cancer de l'ovaire" (3). La corrélation entre le taux d'ovulation et le cancer de l'ovaire est apparue dès les années 70, ce qui a conduit à de nombreuses études sur la poule dans le cadre des recherches sur le cancer de la femme.
Ce cancer de la poule se développe sur les organes reproducteurs, se propage sur les autres organes, le foie, les intestins et génére des ascites (*) qui provoquent des dysfonctionnements cardiovasculaires puis un état pathologique généralisé et incurable entraînant inévitablement la mort.
(*) "Les oiseaux présentant un développement tumoral ont été identifiés par la présence d'ascites ou de tumeurs abdominales palpables." (2)
Le risque de tumeur ne dépend aucunement du nombre d’œuf pondus par une poule au cours de sa vie, autrement dit, de sa fertilité. Une poule "pondeuse" qui pond moins qu'une autre aura tout autant de chance de développer une tumeur. C'est l'activité ininterrompue de son organisme reproducteur qui augmente le risque, et non le développement d'œufs jusqu'à la ponte.(3)(4)
De fait, toutes les pondeuses sont génétiquement programmées pour développer spontanément des tumeurs, mais certaines ont des dispositions pour l'être "encore plus" que d'autres.
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L'étude Fredrickson
En 1987, une expérience scientifique a été menée sur 466 pondeuses. L'étude a duré 3 ans ½ sous la surveillance de vétérinaires spécialisés qui se sont efforcés d'éviter les décès de causes virales, bactériennes, parasitaires, fongiques et alimentaires. Une expérience dans un monde « sans maladies ». (2)
Cette étude particulièrement longue a permis d'observer l'espérance de vie liée aux cancers et aux maladies liées au vieillissement sur un grand nombre de poules, en particulier des poules âgées.
Ces recherches montrent que les 2/3 des causes de mortalités sont causées par des tumeurs ou des infections des organes reproducteurs, d'une péritonite ou de la Goutte. Un tiers des décès provient d’autres causes : défaillances cardio-vasculaires, cérébrales ou digestives directement liées à la vieillesse.
Ce qu'on peut lire sur ce "graphique" extrait de l'étude, c'est que les différents groupes d'expérimentation (Flock 29 à 31) ne développent quasiment aucune tumeur pendant leur 3 premières années. À partir de 4 ans le taux de mortalité se situe entre 10 et 30%. À 5 ans il passe de 11 à 45%. À 6 ans, de 30 à 55% et à 7 ans il avoisine les 60%. (retranscit à partir du graphique original -> ci-dessous représenté en bleu)
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Retranscription et extrapolation des résultats (Etude Fredrickson 1987) - JT
On peut extrapoler ces résultats pour obtenir le pourcentage de chance d’une poule d'atteindre un âge défini si elle ne contracte pas d'autres maladies, autrement dit « sa probabilité de mortalité à chaque âge» même s’il ne s’agit pas de l’objectif visé initialement par cette étude (en orange sur le diagramme ci-dessus). Cette probabilité de décès donne par même occasion l'espérance de vie :
- À l’âge de 3 ans seules 4 % des poules ont succombé, 96% d'entre elles ont donc survécu.
- À 4 ans, les chiffres des différents groupes d’étude se situent dans une fourchette située entre 10 et 30% de décès, leur probabilité de vivre 4 ans est de 75%.
- À 5 ans, 32 % des poules survivantes sont décédées, autrement dit, en données cumulées 48% des 466 poules ont vécu 5 ans, leur probabilité de survie était donc de 52%.
- À 6 ans, le taux de cancer augmente considérablement à 45 %. En données cumulées, 71,5 % des 466 poules initiales n’ont pas survécu. Ce qui réduit la probabilité de survie des poules de 6 ans à 28,5%.
- À 7 ans, 60% des poules restantes succombent, soit une mortalité de 88,6 % des poules initiales. La probabilité pour les 466 poules d'arriver à cet âge vénérable était de 11.4 %.
Il n'y a pas de données sur les poules de 8 ans et plus. Il est donc impossible de faire une projection fiable. La probabilité d'atteindre cet âge en projection linéaire avoisine 2 à 5% dans un contexte similaire.
Le chiffre peut paraître très faible surtout dans l'hypothèse où aucune maladie ne toucherait ces poules, mais il est bien supérieur à une l’espérance de vie moyen d’une pondeuse.
Certaines de ces poules ont commencé à arrêter de pondre à partir de 3 ans, ce qui est tout à fait habituel, mais 18 de ces braves petites poulettes ont quand même pondu jusqu'à 7 ans. L’une d’entre-elles a pondu jusqu'à 8 ans et une autre jusqu'à 9 ans. Ces observations montrent qu'il n'existe pas de durée de fertilité finie chez la poule .
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Que peut-on conclure de cette étude ?
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1 - Les incidences des cancers sur les poules âgées sont extrêmement importantes. Une poule épargnée des maladies « classiques », finira très probablement par succomber d’une tumeur. Plus l’âge avancera plus les probabilités seront importantes.
2- Ces maladies « classiques » causent d’énormes pertes et réduisent drastiquement l’espérance de vie des poules. Chaque fois que vous sauvez une poule d'une maladie potentiellement mortelle, pour chaque mesure de prévention, ou pour la rigueur de l'alimentation que vous leur donnez, vous accordez des chances supplémentaires aux poulettes de passer un hiver de plus.
3– On peut quand même saluer l’incroyable résilience des 20 dernières poulettes qui ont vécu plus de 8 ou 9 ans en défiant les statistiques avec une probabilité d’à peine 1 ou 2 % de survie, sans doute grâce aux bons soins des vétérinaires et dans un cadre sanitaire strict.
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Épilogue
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On a donc pu voir à travers cette expérience que les poules peuvent physiologiquement dépasser les limites d’âges théoriques. La question est de savoir si c’est vraiment souhaitable ?
Certaines poules âgées pourront aussi souffrir progressivement des simples conséquences de la vieillesse : douleurs articulaires, rhumatismes, perte d’appétit ou obésité, difficultés de déplacement, baisse de la vue ou ascites.
Il ne s'agit pas de prolonger des souffrances inutiles mais juste de considérer qu'une poulette qui vous à donné des oeufs et de l'affection pendant des années mérite tout autant qu'un chat ou un chien de pouvoir vieillir tranquillement et de profiter de la vie.
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Auteur : JT.
Illustrations et infographies : JT
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Sources et références :
(1) (Cadmus, Mete, Harris, Anderson & al. 2019) Source
(2) Fredrickson - Magazine : Environmental Health Perspectives - Vol. 73, pp. 35-51, 1987)
(3) M.F. Fathalla - Incessant ovulation: A factor in ovarian neoplasia? - Lancet, 2 (1971), p. 163
(4) (Johnson - Stephens - Giles , 2015) The domestic chicken: Causes and consequences of an egg a day Poultry Science - Volume 94 - source
(5) Efficacite des HE contre les bactéries : source1, source2.
(6) Rocio Crespo DVM - Postmortem Survey of Disease Conditions in Backyard Poultry 2015 - source
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- Whittemore et al., 1992
- Barua et al., 2009 -Histopathology of ovarian tumors in laying hens: A preclinical model of human ovarian cancer
- Collaborative Group on Epidemiological Studies of Ovarian Cancer, 2008 - Ovarian cancer and oral contraceptives. Lancet, 371 (2008)
- Fraps and Hammond, 1955 Egg production and fertility in poultry Progress in the Physiology of Farm Animals, 2, Butterworths, London (1955), pp. 661-737
- Giles et al., 2010 - The restricted ovulator chicken: A unique model for investigating the etiology of ovarian cancer Int. J. Gynecol. Oncol., 20 (2010), pp. 738-744
- Hakim et al., 2009 - Ovarian adenocarcinomas in the laying hen and women share similar alterations Cancer Prev. Res., 2 (2009)
- Scully, 1977 - Ovarian tumors American J. of Pathology, 87 (1977), pp. 686-720
- Sueblinvong and Carney, 2009 - Current understanding of risk factors for ovarian cancer - Curr. Treat. Opt. Oncol., 10 (2009), pp. 67-81
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