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Orges de printemps : Guide technique pour maximiser rendements et qualité

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Enseignements tirés de la campagne 2019-2020

Les orges de printemps (OP) constituent une culture clé dans de nombreuses rotations, mais leur réussite dépend d’une gestion fine des pratiques culturales, particulièrement dans un contexte climatique aléatoire. La campagne 2019-2020, marquée par des sécheresses printanières, des vents d’est desséchants, et des hétérogénéités marquées, offre un cas d’étude riche pour optimiser la conduite de cette culture. Cet article, basé sur des échanges techniques approfondis entre agriculteurs, propose un guide pratique pour maximiser le potentiel des orges de printemps, en s’appuyant sur les leçons tirées de cette campagne et les stratégies adaptées aux défis actuels.

1. Préparation des sols et choix des parcelles

La préparation du sol est déterminante pour garantir des levées homogènes, surtout dans des conditions sèches comme celles de 2019-2020. Les sols limoneux et crayeux, bien drainés, ont montré une meilleure résilience (levées à 80-95 %) comparée aux argiles et biefs (20-50 %). Les pratiques suivantes sont recommandées :

  • Labours d’été ou couverts végétaux : Les parcelles labourées à l’automne 2018 ou couvertes l’été précédent ont mieux conservé l’humidité, favorisant les levées en mars-avril 2019 et 2020.
  • Éviter le tassement : Les passages en sols humides (automne 2019) ont aggravé les hétérogénéités et les taches physiologiques, notamment dans les argiles du Tardenois. Un travail superficiel ou un semis direct à la rotative est préférable en conditions humides.
  • Précédents culturaux : Les précédents betteraves ou maïs, apportant une structure aérée et des résidus modérés, ont donné les meilleurs résultats (rendements de 70-90 qx/ha en 2019).

2. Semis : Timing, densité et variétés

Le semis est une étape critique, influencée par les conditions climatiques et les caractéristiques variétales.

2.1. Période de semis

  • Fenêtre optimale : Fin mars à début avril, comme en 2019, permet des levées rapides et un tallage correct avant les stress hydriques. En 2020, les semis tardifs (fin avril-début mai) ont souffert d’un cycle raccourci, avec des rendements plafonnant à 30-40 qx/ha.
  • Adaptation au climat : En cas d’hiver doux (2019-2020), anticiper les semis dès mi-mars si les sols sont ressuyés, pour profiter des réserves hydriques.

2.2. Densité de semis

  • Recommandation : 300-400 grains/m², ajustée selon le potentiel du sol et la date de semis. En 2020, des densités élevées (350-400 grains/m²) ont compensé les levées inégales dans les argiles.
  • Précision du semoir : Les semoirs à disques avec roulettes plombeuses (ex. : Pronto) ont optimisé le placement des graines dans le frais, mais aucun équipement ne compense l’absence de pluie.

2.3. Choix des variétés

  • RGT Planet : Dominante en 2019-2020, elle offre un bon potentiel (jusqu’à 90 qx/ha), mais est sensible à la verse, aux taches physiologiques, et à l’ergot du seigle. Sa tenue de tige nécessite un suivi rigoureux.
  • Alternatives : Fantex, KWS Ladum  ou Laureate, testées en 2020 et 2024, sont plus rustiques face aux stress hydriques et aux viroses.
  • Semences : Les semences fermières triées donnent des résultats comparables aux certifiées en faible pression maladie, mais un traitement de semence (ex. : contre charbon nu) est crucial pour éviter des pertes (jusqu’à 25 % sans traitement, selon certains témoignages).

3. Fertilisation : Optimiser l’azote

La gestion de l’azote est essentielle pour équilibrer rendement et qualité (protéines). La campagne 2019-2020 a révélé des défis liés à la sécheresse et au lessivage.

  • Apports : 100-160 U/ha, fractionnés en 2-3 passes (semis, tallage, 1-2 nœuds). En 2020, des apports élevés (140 U/ha) n’ont pas été valorisés en argile (rendements de 35 qx/ha, 13-15 % de protéines), laissant des reliquats pour les colzas suivants.
  • Ajustement : Utiliser des outils de pilotage (ex. : N-Tester) pour adapter les doses au potentiel réel, surtout en cas de stress hydrique. En 2019, des apports excessifs (160 U/ha) ont conduit à des protéines basses (7-9.8 %) en raison du lessivage.
  • Compléments : Des apports d’Epso (sulfate de magnésium) et de fer chélaté au tallage ont réduit les stress physiologiques en 2020, limitant les feuilles jaunes.

4. Protection phytosanitaire : Une approche ciblée

La protection des orges de printemps repose sur une gestion intégrée des adventices, maladies, et ravageurs, adaptée aux stades et aux conditions climatiques.

4.1. Désherbage

  • Stratégies : Les mélanges Axial Pratic (1 L/ha) + Allié (10-30 g/ha) + huile, ou Bofix (1.5-2.5 L/ha), sont efficaces contre les graminées (folle avoine, ray-grass) et dicotylédones (gaillets, renouées, chardons). En 2020, Starane ou Pixxaro (0.2 L/ha) ont rattrapé les échecs sur chénopodes et renouées.
  • Défis : Les désherbages ont souvent échoué en conditions sèches (2019-2020), nécessitant une pluie post-traitement. Le ray-grass, particulièrement résistant en 2020, a conduit à des solutions radicales (glyphosate à 3 L/ha + maïs).
  • Perspectives : En 2024, Fosburi (0.3-0.4 L/ha) après Avadex a montré une efficacité prometteuse contre les adventices récalcitrantes.

4.2. Fongicides

  • Période clé : Épiaison (DFE à mi-épiaison) pour protéger la feuille étendard (F1) et maximiser le remplissage. En 2020, Ceriax (0.7-1.2 L/ha), Madison (0.4-0.8 L/ha), ou Aviator + Comet ont été privilégiés.
  • Indications : Les fongicides sont souvent omis en faible potentiel (30 qx/ha) ou en absence de maladies (helminthosporiose rare en 2020). Les mélanges avec Epso renforcent la résilience au stress.
  • Précautions : Éviter les traitements tardifs (post-épiaison), qui retardent la maturité sans bénéfice systémique.

4.3. Insecticides

  • Ravageurs : Pucerons verts et lémas, très présents en 2019-2020, ont transmis des viroses (feuilles jaunes généralisées). Des traitements précoces (stade 2-3 feuilles) avec Karaté K ou Lambdastar (0.05 L/ha) sont nécessaires.
  • Fréquence : 1-2 passages, parfois combinés avec des désherbages ou régulateurs. En 2020, les parcelles traitées s’en sont mieux sorties (rendements +5-10 qx/ha).

4.4. Régulateurs

  • Objectif : Renforcer la tenue de tige, surtout sur Planet, et homogénéiser les parcelles hétérogènes.
  • Produits : Moddus  (0.8 L/ha) au tallage-1 nœud, éthéphon (0.3-0.8 L/ha) à DFE. En 2020, l’éthéphon a été abandonné sur les parcelles trop avancées (barbes sorties).
  • Précautions : Éviter les applications par temps chaud ou venteux pour ne pas freiner la croissance. Un surdosage d’éthéphon a parfois bloqué les épis dans les gaines (Planet, 2020).

5. Gestion des stress et hétérogénéités

La campagne 2019-2020 a mis en lumière des problèmes récurrents : taches physiologiques, viroses, épis coincés, et hétérogénéités.

  • Taches physiologiques : Attribuées au stress hydrique, au tassement, ou à des carences (manganèse, fer), elles sont fréquentes sur Planet. Des apports de chélates et d’Epso au tallage atténuent ces symptômes.
  • Viroses : Transmises par pucerons, elles ont réduit les rendements en 2020 (jusqu’à 20 % de pertes). Une surveillance précoce et des insecticides systématiques sont indispensables.
  • Épis coincés : Observés sur Planet en 2020, ce phénomène est lié au stress hydrique, à la chaleur, ou à un éthéphon mal dosé. Choisir des variétés moins sensibles (ex. : Fantex) réduit ce risque.
  • Hétérogénéités : Les parcelles de grande taille (50-75 ha) et les semis tardifs ont accentué les écarts de stades (germination à 2 nœuds). Fractionner les traitements (ex. : fongicides ciblés sur zones épiées) et ajuster les réglages de moissonneuse limitent les pertes.

6. Moisson : Optimisation et qualité

La moisson 2019-2020 a été marquée par des rendements décevants (35-50 qx/ha en moyenne, 25-73 qx/ha) et des défis logistiques.

  • Réglages : Les orges courtes (25-30 cm) et les verdillons (grains immatures) nécessitent des coupes basses et des vitesses réduites. En 2020, les hétérogénéités ont compliqué la récolte, avec des zones vertes coupées tardivement.
  • Qualité : Les poids spécifiques (64-68.6) sont corrects, mais les protéines varient (7-15 %), entraînant des déclassements en fourragère. En 2019, les protéines basses (7-9.8 %) étaient dues au lessivage, tandis qu’en 2020, les protéines élevées (13-15 %) reflétaient un azote non valorisé.
  • Ergot du seigle : Rare mais signalé en 2020 sur Planet, il est lié à un stress hydrique suivi de repousses tardives. Une surveillance des épis à l’épiaison est recommandée.

7. Stratégies économiques et rotations

Les charges culturales (300-320 €/ha) et les prix bas (saturation du marché en 2019-2020) imposent une gestion rigoureuse.

  • Réduction des intrants : En 2020, certains ont limité les fongicides, régulateurs, et antidicotylédones sur les parcelles à faible potentiel, réduisant les coûts sans pénaliser les rendements.
  • Stockage : Face aux prix bas et aux déclassements, le stockage est privilégié pour attendre une meilleure conjoncture.
  • Rotations : Le colza, bénéficiant des reliquats d’azote (2020), est un bon suivant, suivi par l’escourgeon ou des cultures de printemps (maïs, pois). Les parcelles envahies de ray-grass nécessitent une rupture culturale (glyphosate + maïs ou tournesol).

8. Leçons et perspectives

La campagne 2019-2020, qualifiée de « cauchemardesque » par les agriculteurs, met en lumière la vulnérabilité des orges de printemps aux sécheresses récurrentes (mars-août). Les rendements moyens (35-50 qx/ha) et les déclassements en fourragère soulignent l’importance des adaptations suivantes :

  • Diversification variétale : Privilégier des variétés rustiques (Fantex, KWS Ladum) pour limiter les risques de stress et de maladies.
  • Gestion agile : Fractionner les apports d’azote et les traitements, en ciblant les zones à fort potentiel.
  • Résilience climatique : Anticiper les semis, préserver l’humidité (labours d’été, couverts), et investir dans des outils de pilotage (drones, capteurs).
  • Rotations diversifiées : Réduire la dépendance aux orges de printemps en intégrant des cultures moins sensibles aux aléas (escourgeon, légumineuses).

En conclusion, réussir ses orges de printemps exige une combinaison de rigueur technique, d’adaptabilité aux conditions locales, et de gestion économique prudente. Les enseignements de 2019-2020, marqués par des défis climatiques et phytosanitaires, rappellent que la maîtrise des pratiques culturales reste le levier principal pour optimiser les rendements et la rentabilité, même dans les années les plus difficiles.



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