
Optimiser la préparation des sols et des cultures de printemps
- Par agri
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focus sur le lin
Les échanges entre agriculteurs sur les pratiques agricoles, la gestion des couverts végétaux, l’utilisation des outils de travail du sol et les stratégies culturales offrent une mine de conseils pratiques pour préparer les sols, notamment pour des cultures exigeantes comme le lin et les semis de printemps. Cet article synthétise les astuces techniques issues de ces discussions, en se concentrant sur des méthodes fiables et éprouvées, tout en excluant les affirmations non vérifiées.
1. Gestion des couverts végétaux
La destruction efficace des couverts végétaux est cruciale pour préparer le sol tout en préservant sa structure. Plusieurs techniques se dégagent :
- Glyphosate : Une application de 1,5 à 3 L/ha, un mois avant le semis, est couramment utilisée pour éliminer les couverts denses comme le radis ou la moutarde. Une dose de 3 L/ha cible les vivaces (liseron, chardons) et les vulpins résistants, tandis que 1,5 L/ha peut suffire juste avant ou après le semis pour finaliser le nettoyage. Sans glyphosate, les techniques culturales simplifiées (TCS) ou le semis direct (SD) deviennent complexes, augmentant l’indice de fréquence de traitement (IFT) de 0,5 à 2 en raison de passages mécaniques risqués (re-mouillage après pluie).
- Roulage par gel : Le passage d’un rouleau Cambridge sur des couverts développés (avoine, vesce, phacélie) à des températures de -4 à -8 °C est efficace. Sur des limons sans mottes, cette technique est envisagée jusqu’à -8 °C, mais évitée à -12 °C (sol trop gelé). Elle minimise les résidus épais qui ralentissent le ressuyage du sol.
- Broyage : Le broyage par gel (-8 °C) est une option, mais chronophage sur de grandes surfaces (120 ha). Un tapis de résidus peut se former après 10 mm de pluie, compliquant les travaux ultérieurs. Un mulching léger est préférable si un labour est prévu.
- Labour des couverts : Le labour d’hiver, consommant 15 à 20 L/ha de GNR, reste une méthode fiable pour enfouir les couverts volumineux (moutarde de 1 m, radis de 60 cm) sans compromettre les rendements des betteraves, orges ou lin. Une charrue bien réglée (82 cm sous poutre, rasettes adaptées) permet un enfouissement direct sans broyage préalable. Cette technique est moins adaptée aux limons battants, où elle peut entraîner une perte de matière organique (MO).
2. Préparation des sols en non-labour et TCS
Pour les cultures de printemps, notamment le lin, les techniques de non-labour (NL) et TCS offrent des alternatives au labour, mais nécessitent une adaptation aux conditions pédoclimatiques et météorologiques.
- Non-labour pour le lin et cultures de printemps :
- Cover crop en V : Cet outil est plébiscité pour le NL d’hiver, particulièrement sur sol gelé (-7 °C) dans les argiles. Il produit un travail fin, lisse moins qu’un déchaumeur à dents et favorise le ressuyage sans rouleau. Testé pour la préparation du lin, il est toutefois sensible aux bourrages en conditions humides (janvier) en raison de rasettes mal réglées. Un réglage précis du ressort est nécessaire pour maintenir l’aplomb, et l’attelage sur relevage est déconseillé (risque de travail irrégulier). La terre fine produite peut ralentir le séchage comparé à un déchaumeur à dents.
- Discosem Agrisem : Idéal pour détruire des couverts denses comme l’avoine ou la féverole encore verte, cet outil est performant mais sensible à l’humidité, avec des risques de bourrage à la deuxième rangée de disques. Un rouleau léger (t-ring ou v-ring) maintient l’outil sans rappui excessif, contrairement à un packer.
- Déchaumeur à dents (canadien) : Moins efficace que le cover crop en NL, il est sujet à des casses par fort gel (-12 °C). Des peignes (13 à 16 mm) placés près du rouleau cassent les buttes, mais risquent de bourrer avec la paille. Les peignes de 13 mm conviennent bien aux sols sableux et raisonnablement aux argileux.
- Chisel : Utilisé comme recours peu profond (éviter 15 cm) lorsque le couvert est déjà détruit par glyphosate. Les herses intégrées homogénéisent le travail.
- Timing : Les TCS doivent être réalisés précocement (septembre/octobre pour les argiles, mars/avril pour les limons) pour remplacer le labour. Les passages tardifs, après les labours, sont contre-productifs dans les argiles.
- Semis direct : Plus adapté aux limons légers qu’aux argiles lourdes (30-50 % d’argile), le SD est limité par les limaces, les souris et une faible activité biologique (persistance des pailles). Un bon niveau de calcium, des légumineuses et l’élimination des semelles de labour sont essentiels. Des plantes pérennes peuvent améliorer la structure du sol avant d’adopter le SD.
- Limons battants : Ces sols sont fragiles et sensibles au matraquage en conditions humides, comme avec une intégrale à betteraves de 40 T, pouvant dégrader la structure pendant une décennie. Une “dalle de béton” stoppe la minéralisation, malgré une bonne réserve utile (RU). Un entretien calcique régulier et un apport de MO sont indispensables. Un labour ponctuel peut corriger un salissement excessif (ex. ray-grass).
- Labour d’hiver : Cette méthode reste une valeur sûre pour le lin et les orges de printemps, surtout en conditions gélives, où elle optimise la structure du sol. Un cover crop forestier travaillant à 30 cm peut surpasser le labour dans les argiles lourdes.
3. Matériel agricole
Le choix et l’entretien du matériel sont déterminants pour optimiser les travaux de préparation.
- Pulvérisateurs : Les modèles anciens (20-30 ans) restent précis s’ils sont bien entretenus. Une coupure manuelle suffit, la coupure GPS offrant plus de confort que d’économie (5-10 %). Maintenir la rampe à 1 m avec des chaînes réduit la dérive. Renforcer les châssis (ex. berceau à 140 €, soudures MIG) prolonge la durée de vie.
- Cover crop en V : Apprécié pour sa capacité à tourner sans relever en bout de parcelle (tourner à gauche), il nécessite des réparations fréquentes (goupilles, boulons, paliers à graisser). Une roue avant peut contrôler la profondeur. Le déport est normal, mais réglable via le ressort. Les bourrages en conditions humides et la déformation potentielle des champs sont à surveiller.
- Smaragd : Les rouleaux sont souvent retirés pour éviter un rappui excessif. Des rouleaux légers (t-ring, Conoroll) sont préférables au v-ring, qui plombe davantage.
- Herse plate : Proposée comme alternative sans glyphosate pour détruire les faux semis, elle peut entraîner une perte de MO dans les limons.
- Déchaumeur modifié : Des peignes (13-16 mm) près du rouleau améliorent le travail, mais risquent de bourrer avec la paille.
- Semoirs : Les semoirs à dents conviennent au SD, mais sont inadaptés derrière des betteraves ou dans des couverts denses. Les semoirs à betteraves classiques peinent avec les résidus.
4. Stratégies culturales
Les stratégies culturales doivent s’adapter aux contraintes locales et aux objectifs de rendement.
- Lin en non-labour : Testé avec un cover crop pour préparer le sol, le NL reste moins sûr que le labour pour cette culture exigeante. Des microzones claires inexpliquées dans certaines parcelles suggèrent des problèmes de semis ou de sol. Un traitement Avadex + N39 est appliqué au semis, avec un apport précoce d’azote (SA) pour anticiper un printemps sec. Un apport différé (mars ou stade 3 feuilles) est envisageable si le printemps est humide.
- Rotation et désherbage : Une rotation diversifiée (blé, maïs, sorgho, pois, féverole, colza) réduit le salissement, mais les cultures céréalières (blé, orge, colza) restent plus rentables. Le NL peut augmenter le ray-grass, parfois corrigé par un labour ponctuel. Un faux semis suivi de glyphosate est efficace contre les vulpins résistants.
- Cultures de printemps :
- Orge : Le NL est risqué, un semis tardif pouvant entraîner une perte de 15 qx. Un semis direct tardif (décembre) avec faux semis et glyphosate peut réussir (jusqu’à 114 qx).
- Pois : Préparés avec un Discosem sur un couvert avoine/féverole, ils bénéficient d’une destruction soignée.
- Betteraves : Exigeantes, elles sont difficiles à implanter en SD sans un semoir adapté.
- Féverole comme couvert : Plus robuste que la moutarde gélive, elle peut être stockée 2 à 3 ans. Deux fongicides sont recommandés pour sécuriser la culture, qui ne pousse pas bien dans tous les sols.
5. Organisation et contraintes
- Conditions météorologiques : Le NL est risqué sans gel hivernal. Un labour ou un déchaumage précoce (octobre) est plus sûr. Les travaux avec cover crop sont souvent reportés à des conditions sèches (-5 °C) pour éviter les bourrages.
- Gestion des grandes surfaces : La destruction de couverts sur 120 ha avec un broyeur de 3 m est complexe, surtout avec des tracteurs répartis sur plusieurs sites.
- Pédoclimat : Les limons légers favorisent le SD, tandis que les argiles lourdes (30-50 %) demandent des outils adaptés (cover crop forestier). Les limons battants, bien que riches en RU, sont fragiles et sensibles au matraquage. Les argiles et craies offrent plus de stabilité que les limons ou sables.
Conclusion
La préparation des sols pour le lin et les cultures de printemps repose sur un équilibre entre la gestion des couverts, le choix des outils et l’adaptation aux conditions locales. Le glyphosate reste un allié incontournable pour détruire les couverts, tandis que le labour d’hiver garantit la fiabilité pour les cultures exigeantes. Les techniques de non-labour, comme l’utilisation du cover crop en V, gagnent du terrain, mais nécessitent des réglages précis et des conditions optimales. Une rotation diversifiée et un entretien rigoureux du matériel complètent ces pratiques, permettant d’optimiser les rendements tout en préservant la structure des sols.