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La méthanisation en France

  • Par agri
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Une solution énergétique sous tension

La méthanisation, qui transforme des matières organiques en biogaz, est un pilier de la transition énergétique française. Avec plus de 1 400 unités en 2025, dont environ 47 % dans le secteur agricole, la filière ambitionne de produire 10 % du gaz consommé d’ici 2030, selon GRDF. En valorisant les déchets agricoles, réduisant les émissions de gaz à effet de serre et offrant des revenus complémentaires aux agriculteurs, elle séduit sur le papier. Pourtant, des défis émergent : hausse des coûts pour les éleveurs, impacts sur les sols des céréaliers et fragilités économiques de certaines entreprises révèlent les limites d’un modèle qui divise le monde agricole.

Un modèle prometteur, mais fragile

La méthanisation convertit des effluents d’élevage (fumier, lisier), des résidus de cultures et des déchets alimentaires en biométhane, utilisable dans les réseaux gaziers ou comme carburant. En 2023, la filière employait environ 10 300 personnes, avec un potentiel de 17 000 emplois d’ici 2030, selon l’ADEME. Pour les agriculteurs, elle permet de transformer des déchets en énergie tout en produisant du digestat, un fertilisant riche en nutriments. Cependant, des obstacles freinent son essor.En 2024, seulement 78 nouveaux méthaniseurs ont été mis en service, un rythme en net ralentissement. Des entreprises comme Méthalait (Côte-d’Or) et Methajoule (Cantal) ont fait face à des difficultés financières, tandis que LLDC Algae (Côtes-d’Armor) a été interdit d’exploiter son unité pour non-conformité environnementale, selon Les Échos et Ouest-France. Ces cas illustrent une dépendance aux subventions publiques et des défis opérationnels, qui fragilisent la filière et interrogent sa viabilité à long terme.

Éleveurs : la paille, une ressource sous pression

Les éleveurs subissent de plein fouet la hausse du coût de la paille, indispensable pour la litière des animaux. En l'espace de seulement quelques années, son prix aurait doublé dans certaines régions, une tendance confirmée par des témoignages d’agriculteurs. Selon un rapport de FranceAgriMer (2022), environ 0,8 million de tonnes de paille (sur 22 millions produites annuellement en France) sont utilisées pour la méthanisation, soit une part modeste mais croissante. Cette demande, combinée à des rendements agricoles fluctuants – qualifiés de “catastrophiques” pour 2024 par @lesyaknous sur X –, réduit l’offre disponible et fait grimper les prix.Un article de La France Agricole (2021) dénonçait déjà une “spéculation” sur la paille, où des acheteurs, y compris pour la méthanisation, surenchérissent face aux éleveurs. En 2021, le prix de la paille atteignait 80 à 120 €/tonne dans certaines zones, contre 40 à 60 €/tonne quelques années plus tôt. En 2025, cette tendance s’est aggravée, accentuant la pression sur les éleveurs, dont les marges sont déjà fragiles dans les filières laitière et bovine. Sur X, @harddis61809291 (juin 2025) exprime cette frustration : “On détourne la paille pour les méthaniseurs, et les éleveurs paient le prix fort.”Si la paille reste un intrant secondaire dans les méthaniseurs, sa concurrence avec l’élevage pose question. Les éleveurs qui ne participent pas à la méthanisation – la majorité – subissent ces hausses sans bénéficier des revenus du biogaz. Une meilleure régulation de l’usage de la paille pourrait atténuer ce problème, mais les mesures actuelles restent limitées.

Céréaliers : des sols à préserver

Pour les céréaliers, la méthanisation soulève des inquiétudes quant à la fertilité des sols. Environ 6,7 % de la production agricole est dédiée à la méthanisation, souvent sous forme de cultures intermédiaires ou de résidus, selon des données de 2023. Cependant, des cultures comme le maïs ensilage, très prisées pour leur rendement énergétique, épuisent les sols en nutriments si elles sont cultivées intensivement. La tribune de Web-agri (2024) note que “l’extraction de biomasse peut dépasser les apports, compromettant la fertilité à long terme.”En France, 30 % des sols agricoles montrent des signes de dégradation, selon l’INRAE, un phénomène aggravé par les monocultures et le retrait de résidus comme la paille, exportée vers les méthaniseurs. Le digestat, sous-produit de la méthanisation, peut compenser ces pertes s’il est épandu correctement, mais un usage excessif risque de polluer les sols et les eaux avec du phosphore. @emma_ducros, dans un tweet de septembre 2024, a critiqué cette contradiction : produire du biogaz au détriment des terres agricoles semble difficilement justifiable.Des scientifiques, cités dans Web-agri, soulignent que la méthanisation peut enrichir les sols si elle privilégie les effluents d’élevage et limite les cultures dédiées. Des pratiques comme les rotations longues et les couverts végétaux sont recommandées, mais elles peinent à s’imposer dans les zones céréalières intensives.

Un bilan environnemental contrasté

La méthanisation réduit les émissions de méthane en capturant celui produit par la décomposition des effluents. Cependant, des fuites, estimées à 0,3 % des émissions nationales par ATMO Aura, et des incidents opérationnels, comme celui signalé par @CSNM9 à Chaumont en 2025, nuancent ce bénéfice. Les oppositions locales, comme à Épouville (Seine-Maritime), où un projet a été annulé par le tribunal en février 2025, reflètent une méfiance envers une filière parfois perçue comme trop industrialisée.Sur X, les avis divergent. @lesyaknous défend la méthanisation comme une opportunité pour valoriser les déchets et diversifier les revenus agricoles. À l’inverse, @REALSebReDnecK dénonce un “marché artificiel” soutenu par des subventions, tandis que @AIRE451 parle d’“écocide”. Ces débats traduisent une tension entre les promesses de la filière et ses impacts réels.

Vers un modèle plus équilibré

Pour surmonter ces défis, la méthanisation doit évoluer. Limiter les intrants aux déchets agricoles (fumier, lisier, résidus non valorisables) réduirait la concurrence avec la paille et les cultures alimentaires. Renforcer les contrôles sur l’épandage des digestats et promouvoir des pratiques agricoles régénératives, comme les couverts végétaux, protégeraient les sols. Enfin, diversifier les modèles économiques des méthaniseurs, pour réduire leur dépendance aux subventions, stabiliserait la filière.La méthanisation reste un outil pertinent pour la transition énergétique, mais son développement ne peut se faire au détriment des éleveurs, des céréaliers ou de l’environnement. Un encadrement rigoureux et une approche intégrée sont nécessaires pour aligner ses ambitions avec les réalités du monde agricole.


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