
Extraits Fermentés de Plantes en Grandes Cultures
- Par agri
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Protocoles, outils et perspectives (2015-2025)
Les macérations de plantes, comme le purin d’ortie, suscitent un intérêt croissant en grandes cultures (blé, pomme de terre) pour réduire l’usage des phytosanitaires, améliorer la santé des sols et des plantes, et répondre aux contraintes réglementaires (HVE 2025, restrictions sur les fongicides). Les discussions entre agriculteurs (2015-2025) révèlent des pratiques empiriques prometteuses mais non standardisées, des défis techniques (fabrication, application), et un manque d’expérimentations rigoureuses. Cet article technique synthétise les protocoles de production et d’application des macérations, les outils nécessaires, leurs impacts agronomiques, et les limites dans un contexte de transition agroécologique, en s’appuyant sur les retours d’expérience et les données scientifiques disponibles.
1. Contexte et objectifs des macérations
- Définition : Les macérations (ou extraits fermentés, purins) sont des préparations liquides obtenues par fermentation de plantes (ortie, consoude, prêle) dans l’eau, libérant des composés bioactifs (oligo-éléments, acides organiques, métabolites secondaires).
- Objectifs :
- Stimulation : Renforcer la vigueur des plantes (blé, pomme de terre) via des apports foliaires (azote, potassium, silice).
- Vie du sol : Booster l’activité microbienne (bactéries, mycorhizes) pour améliorer la fertilité.
- Réduction des phytos : Diminuer les fongicides (mildiou, rouille) en conventionnel ou bio, sans les remplacer totalement.
- Indépendance : Réduire la dépendance aux intrants chimiques, surtout en HVE.
- Cultures cibles : Blé (stades tallage à épiaison), pomme de terre (post-levée, pré-mildiou).
- Contexte : Pression sociétale et réglementaire (retrait des fongicides, HVE 2025), coûts élevés des alternatives commerciales (ex. : Heliosoufre, 30-50 €/ha), et scepticisme sur l’efficacité face à des solutions chimiques (10 €/ha pour tébuconazole).
2. Protocoles de production des macérations
2.1. Recette de base (purin d’ortie)
- Ingrédients :
- 10 kg d’ortie fraîche (Urtica dioica, récoltée avant floraison, mai-juin).
- 100 L d’eau propre, non chlorée (eau de pluie ou puits, <15 mg/L chlore).
- Optionnel : 1-2 kg de mélasse ou sucre pour stimuler la fermentation.
- Matériel :
- Cuve plastique ou inox (200-1000 L, éviter métal pour prévenir oxydation).
- Couvercle non hermétique (fermentation anaérobie) ou système d’oxygénation (aérobie, ex. : pompe à aquarium pour thé compost oxygéné).
- Filtre (grillage 1-2 mm, tissu) pour soutirage.
- Mélangeur (perceuse avec agitateur pour <500 L).
- Thermomètre (contrôle 20-25°C), pH-mètre (pH 5-6 optimal).
- Protocole :
- Hacher les orties (cisailles, broyeuse).
- Plonger dans l’eau (1:10 poids/volume) dans la cuve, à l’ombre (20-25°C).
- Remuer 1-2 fois/jour (anaérobie) ou oxygéner en continu (aérobie, 24-48h).
- Fermentation : 7-14 jours (anaérobie, arrêt des bulles, odeur acide) ou 24-48h (aérobie).
- Filtrer (grillage, tissu) et stocker en bidons opaques (4-10°C, 1-2 mois).
- Coût : 10-20 €/100 L (main-d’œuvre, énergie, matériel), hors achat cuve (200-500 €).
2.2. Variantes
- Consoude : 10 kg/100 L, riche en potassium, pour vigueur foliaire (blé, épiaison).
- Prêle : 1-2 kg/100 L, silice pour résistance mildiou (pomme de terre).
- Thé compost oxygéné (TCO) : Compost (10 kg) + mélasse (1 kg) dans 100 L, oxygéné 24h, pour bactéries.
2.3. Défis techniques
- Hygiène : Cuve propre, éviter contaminations (levures sauvages, moisissures).
- Conservation : <10°C, usage sous 2 mois, sinon risque de putréfaction.
- Régularité : Variabilité des composés selon plante, sol, climat.
- Métier à part : Production exige savoir-faire (fermentation, filtration) et temps (10-20 h/100 L).
3. Protocoles d’application en grandes cultures
3.1. Modalités
- Dose : 2 L de purin/20 L de pulvérisation/ha (dilution 1:10) dans 200-300 L eau/ha.
- Eau : Non chlorée, dynamisée (vortex, agitation), température 2°C > plante (ex. : 12°C si plante à 10°C).
- Périodes :
- Blé :
- Automne (post-désherbage, novembre) : Tallage, stimule racines.
- Printemps (février, reprise végétation) : Vigueur foliaire.
- Suivi Brix (indice réfractométrique, >8° = bonne santé) : Repasser si Brix <6° (montée épiaison, avril).
- Pomme de terre :
- Post-levée (mai, 10-20 cm) : Croissance végétative.
- Pré-mildiou (juin, avant symptômes) : Résistance (prêle, consoude).
- Blé :
- Équipement : Pulvérisateur bas volume (100-300 L/ha), buses anti-dérive, nettoyage rigoureux post-chimie.
- Précautions :
- Ne jamais appliquer en cas de maladie (ex. : rouille, mildiou), amplifie les pathogènes.
- Associer bactéries (ex. : Bacillus spp., 1-2 kg/ha) après engrais chimiques pour relancer la vie microbienne.
3.2. Coût d’application
- Purin : 0.2-0.4 €/ha (2 L à 10-20 €/100 L).
- Eau + pulvérisation : 5-10 €/ha.
- Bactéries : 10-20 €/ha (si ajout).
- Total : 15-30 €/ha/passage, 2-3 passages (30-90 €/ha/an).
4. Impacts agronomiques
- Effets revendiqués :
- Vigueur : Apport d’azote (ortie, 2-3 g/L), potassium (consoude), silice (prêle) stimule photosynthèse et résistance (blé : +5-10 % biomasse ; pomme de terre : +10-15 % tubercules sains).
- Sol : Bactéries et mycorhizes favorisées, augmentant la disponibilité des nutriments (ex. : phosphore, +10-20 %).
- Phytos : Réduction fongicides (1 passage sur 2 en blé, 2-4 en pomme de terre) en conditions à faible pression.
- Insectes : Effet répulsif supposé (ortie, huiles essentielles) sur altises, doryphores, mais non prouvé.
- Limites :
- Efficacité variable : Résultats dépendants du sol (sol “vivant” > sol “mort”), climat, et pathogènes. Témoin non traité parfois supérieur en marge.
- Mildiou (pomme de terre) : Inefficace, risque financier élevé (12-20 fongicides/an).
- Désherbage/insectes : Aucun effet sur adventices, altises, taupins.
- Expérimentations : Résultats non concluants (INRA, 5-10 ans sans effets probants). Soufre + phosphite (50 €/ha) équivalent à tébuconazole (10 €/ha), mais coût prohibitif).
5. Contraintes et défis
- Techniques :
- Production : Temps (10-20 h/100 L), savoir-faire (fermentation, hygiène), matériel (cuve, pulvérisateur bas volume).
- Application : Nettoyage pulvérisateur, timing précis (pas en maladie), suivi Brix.
- Réglementaires :
- Macérations non homologuées comme phytos, tolérées comme amendements organiques.
- HVE 2025 favorise alternatives, mais sans normalisation ni OAD pour macérations.
- Cuivre (bouillie bordelaise) limité (risque Alzheimer, toxicité sol).
- Scientifiques :
- Manque d’essais standardisés (répétitions, TNT, programmes chimiques).
- INRA travaille sur le sujet, mais résultats non publics.
- Concepts controversés (mémoire de l’eau, dynamisation) décrédibilisent.
- Économiques :
- Coût macérations (30-90 €/ha/an) vs fongicides (10-20 €/ha/passage).
- Alternatives commerciales (Heliosoufre, phosphites) : 30-50 €/ha, moins efficaces.
- Formations (ex. : Petiot, Goater) : 200-500 €, business parallèle.
6. Recommandations pour 2025-2030
Pour intégrer les macérations en blé et pomme de terre (conventionnel, HVE, bio) :
- 2025 (mise en place) :
- Production :
- Cuve plastique (200-500 L, 200-500 €), eau non chlorée, ortie (10 kg/100 L).
- Fermentation anaérobie (7-14 jours, 20-25°C), filtration rigoureuse.
- Tester TCO (24-48h, oxygénation) pour sols pauvres.
- Application :
- Blé : 2 L/ha (dilution 1:10), novembre (tallage), février (reprise), avril (si Brix <6°).
- Pomme de terre : 2 L/ha, mai (post-levée), juin (pré-mildiou, prêle/consoude).
- Associer bactéries (1-2 kg/ha) après engrais. Pulvérisateur bas volume, buses propres.
- Suivi : Mesurer Brix (réfractomètre, 50-100 €), piégeage pathogènes (mildiou, rouille).
- Production :
- 2026-2027 (optimisation) :
- Sol : Couverts (moutarde, trèfle) pour stimuler mycorhizes.
- Essais : Parcelles tests (macérations vs fongicides vs TNT), noter biomasse, maladies, marge.
- Formations : Privilégier retours pratiques (ex. : Patrick Goater), éviter théories ésotériques (mémoire de l’eau).
- 2028-2030 (intégration) :
- Combiner macérations (30-90 €/ha) avec fongicides réduits (ex. : 0.2 L/ha chlorothalonil, 5 €/ha.
- Tester consoude/prêle pour pomme de terre (silice, potassium).
- Investir dans pulvérisateur dédié (2000-5000 €) pour bio/HVE.
- Bio : Macérations comme complément (sols vivants), mais fongicides indispensables pour mildiou.
7. Références scientifiques
- Arvalis (2023) : Purins pour vigueur, limites mildiou www.arvalis.fr.
- Terres Inovia (2024) : Consoude, prêle, HVE www.terresinovia.fr.
- INRA (2015) : Sols vivants, mycorhizes www.inra.fr.
8. Conclusion
Les macérations de plantes (purin d’ortie, consoude, prêle) offrent une alternative prometteuse pour stimuler la vigueur des blé et pommes de terre, réduire les fongicides (1-2 passages), et améliorer la vie du sol, avec un coût modéré (30-90 €/ha/an). Leur production (10 kg/100 L, 7-14 jours) et application (2 L/ha, bas volume) exigent du savoir-faire et un matériel adapté (cuve, pulvérisateur). Cependant, leur efficacité reste variable, inefficace contre mildiou ou insectes, et non validée par des essais rigoureux. Dans un contexte HVE et de restrictions phytosanitaires (2030), elles s’intègrent dans une approche combinée (macérations + fongicides réduits, couverts, sols vivants), mais ne remplacent pas les solutions chimiques. Des expérimentations standardisées et un accompagnement technique sont cruciaux pour normaliser leur usage et répondre à la demande sociétale.