Main photo 你们行放手, "marcher sans gênes et sans contraintes".

你们行放手, "marcher sans gênes et sans contraintes".

  • Par PhiPhilo
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Il me semble qu'il y a contradiction entre la pratique pluri-millénaire de la marche par l'humanité (la marche nordique n'étant qu'une forme particulière de marche) d'une part et, d'autre part, les notions d'effort et de vitesse. Depuis toujours, en effet, on marche soit pour se rendre quelque part (la marche est un moyen), soit pour éprouver un bien-être que l'on n'éprouve que dans et par la marche (la marche est un but en soi). Dans le premier cas, même si on hâte le pas, on renonce au moins à la vitesse, autrement, on emprunterait un traîneau, un cheval, une automobile, un TGV, etc., à tout le moins se mettrait-on à trottiner, voire à courir. Dans le second cas, on expérimente une manière d'exister consistant à se promener, à flâner, à se détendre, à rechercher une harmonie. Si la sagesse chinoise a inventé le 道, le dào, c'est-à-dire "la voie", "le chemin", c'est bien parce que la vie est un passage, la vie humaine un passage conscient et la longue vie humaine, un passage conscient et lent consistant, si possible, comme le dit l'expression chinoise 慢条斯理, màn tiáo sī lǐ, à "tracer un chemin sans nous y brûler". D'ailleurs, le sinogramme 道 (dào) est composé de deux caractères : 辶 qui représente la marche et 頁qui représente la conscience. Et le terme chinois pour "promenade" s'écrit 散步 et s'énonce sàn bù, littéralement "parcourir avec détachement". Ce qui suggérerait que la marche n'est pas essentiellement ce qu'on appellerait une "activité physique" au même titre que le tennis, le cyclisme ou le water-polo, mais plutôt une manière de vivre en harmonie avec le monde. Je dirai donc que marcher n'est pas une activité mais une conception (plutôt orientale, il est vrai) de la vie et que marcher avec des bâtons ("marcher nordique") n'est pas un sport mais une éthique de la souplesse, de la fluidité, de l'abandon du "moi", de la paix, de l'accord avec la nature. Raison pour laquelle, nous dit Lǎo Zǐ, le (la) marcheur(euse) ne laisse pas de traces : il (elle) communie corps et âme avec son milieu, il (elle) ne se fait pas remarquer, il (elle) ne détruit rien, ne bouscule rien (ni personne). Il (elle) est simplement 自由自在 (zì yóu zì zài), facile, insouciant(e), à l'aise, naturel(le), disponible, ouvert(e). Ou encore, 逍遥游 (xiāo yáo yóu), il (elle) musarde calmement et longuement comme s'il (elle) nageait. Nous voici donc revenus à l'origine de la marche et, comme le dit encore Lǎo Zǐ "revenir à l'origine c'est être en repos ; être en repos c'est revenir à la vie ; revenir à la vie c'est être constant ; être constant c'est être éclairé" (Lao Zi, §16) : Depuis la nuit des temps, la marche complétée par l'usage d'un ou deux bâton(s) est une nécessité vitale pour les civilisations nomades. Et pour les sédentaires, elle est restée le symbole du cheminement tortueux et incertain de l'existence : toute la pensée chinoise de la Voie (道, dào) est contenue dans ce symbolisme. Raison pour laquelle la sagesse y est toujours représentée sous les traits d'un vieil homme qui médite en se promenant ou en voyageant appuyé sur son bâton. La marche nordique ne fait que réactiver ce vieil atavisme. C'est ce qui en fait la grandeur.

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