JO2024 : Alice Milliat, première sportive à donner son nom à une salle olympique
- Par Lydie
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Alice Milliat est née le 5 mai 1884 à Nantes. Née Million, elle prend le nom de son époux en se mariant, en 1904, et le gardera après son veuvage. Rameuse, nageuse et hockeyeuse de haut niveau, cette femme très engagée est au sport féminin ce que le baron de Coubertin est au mouvement olympique.
En ces premières années du XXe siècle, Alice Milliat est sur tous les fronts pour que le sport féminin soit reconnu au même titre que le sport masculin. Un objectif ambitieux, une tâche énorme...
Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte.
Pierre de Coubertin, Jeux olympiques de 1912, Stockholm.
En 1915, Alice Milliat prend la tête du club "Femina Sport", un club omnisports fondé en 1912 à Paris, qui se dédie notamment à la promotion du football et de l'athlétisme féminin. En 1917, elle cofonde la Fédération des Sociétés Féminines Sportives de France (FSFSF), première fédération à se consacrer aux activités physiques féminines, dont elle assumera par la suite la présidence.
En 1919, Alice Milliat demande au Comité international olympique d'inclure les épreuves féminines d'athlétisme aux prochains Jeux qui doivent se tenir à Anvers, en Belgique, en 1920 - à l'époque, seules les championnes de golf et de tennis sont admises aux JO. Or "l’aviron, l’escrime, l’équitation, le cyclisme, la pelote basque sont des sports que la femme peut pratiquer avec succès", assure-t-elle.
L’aviron, l’escrime, l’équitation, le cyclisme, la pelote basque sont des sports que la femme peut pratiquer avec succès.
Alice Milliat
Mais l'environnement social n'est pas du tout favorable à la féminisation des compétitions et la grande propagandiste du sport féminin se heurte à l'opposition irréductible de plusieurs dirigeants du Comite, à commencer par son directeur. Pierre de Coubertin, créateur des JO en 1894 et directeur du Comité olympique, exprime sans ambages son opposition viscérale au sport féminin : "Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte. Le véritable héros olympique est, à mes yeux, l'adulte mâle individuel. Les JO doivent être réservés aux hommes, le rôle des femmes devrait être avant tout de couronner les vainqueurs."
Puisque le Comité international olympique rejette brutalement sa proposition, Alice Milliat va organiser de son côté les compétitions féminines dont elle rêve. Des compétitions nationales, d’abord, à commencer par le championnat de France de football féminin, puis internationales, comme le meeting d'athlétisme de Monte-Carlo en 1921, chapeauté par la Fédération sportive féminine internationale. Faute de stade et de piste, les épreuves opposeront des représentantes de Grande-Bretagne, Suisse, Italie, Norvège et France sur le terrain du tir au pigeon !
Équipe de France de football féminin en 1920.Wikipedia
Face à un énième refus du Comité olympique pour présenter des compétitions féminines aux prochains JO, Alice Milliat se désolidarise du CIO et remplace "olympiques" par "mondiaux" pour avoir "ses" JO. Ainsi les Jeux mondiaux féminins se tiendront-ils en août 1922 à Paris. Cinq formations y participent, au stade Pershing dans le bois de Vincennes, en présence d'un très nombreux public.
Les femmes entrent aux JO
La seconde édition des Jeux mondiaux féminins, qui a lieu en Suède en 1926, drainera une foule encore plus nombreuse. Quant à la troisième édition, qui se tient en 1930 à Prague, elle réunit 200 femmes de 17 pays différentes devant plus de 15 000 spectateurs. Entre 1922 et 1934, la FSFI organisera quatre Jeux féminins, réunissant des milliers de spectateurs et entérinant la pérennité du sport féminin.
Devant ces succès, le Comité international olympique finit par se rendre à l'évidence et à autoriser, enfin, les femmes à participer à des épreuves officielles, et ce dès les Jeux olympiques de 1928 à Amsterdam. A mesure que les Jeux olympiques s'ouvrent aux femmes, la Fédération sportive féminine internationale est dissoute en 1938.
De l'oubli à la reconnaissance
Décédée en 1957, Alice Milliat, peu à peu, tombe dans l'oubli. Quelques gymnases vont porter son nom, ainsi que le Crous de Nantes, la ville où elle est née et où elle est inhumée. (merci à TV5 Monde)