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La puce à l'oreille

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La puce à l'oreille

L'histoire des expressions recèle bien des surprises ! En effet, qui irait soupçonner que mener une vie de bâton de chaise, sous son apparence bon enfant, cache une gauloiserie des plus vertes ? Que casser la graine est parti d'une plaisanterie de vignerons, que le rapprochement  des vessies et des lanternes ( qu'il ne faut pas confondre !) remonte à l'époque romaine ? 

Dans cette toute nouvelle édition entièrement revue et enrichie de plus de 500 expressions imagées, Claude Duneton nous dévoile ici les doubles fonds des images qui parlent. Un dictionnaire pour rire, s'étonner et découvrir que notre langue est plus vivante que jamais !

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Tenir la dragée haute

L'honneur d'être parrain s'accompagne traditionnellement de celui d'offrir des dragées à la ronde à l'issue de la cérémonie du baptême. Au temps où les messes étaient carillonnantes et les friandises rares, dans certains villages les gamins s'attroupaient devant le porche de l'église et guettaient la sortie du nouveau chrétien inconsolable, que l'onction sacrée et l'eau froide venaient brutalement d'arracher au sommeil. L'heureux parrain plongeait alors la main dans un sac et, du haut des marches, lançait à la volée des poignées de dragées, rosés pour les bébés filles, bleues pour les garçons, que les gosses cueillaient sur les pierres, arrachaient à la poussière et aux touffes d'herbe avec une précipitation joyeuse, couvrant momentanément de leurs cris les hurlements sincères de l'enfant oint !...

Ce geste d'aimable prodigalité s'accorde mal avec l'expression autoritaire « tenir la dragée haute » à quelqu'un, qui signifie lui faire attendre longtemps, et ne lui accorder que parcimonieusement ce qu'il désire. C'est qu'en effet il s'agirait selon certains d'une autre sorte de dragée, en l'occurrence une botte de fourrage vert, ou dragée de céréales, anciennement « dragie », « mélange de grains qu'on laisse croître en herbe pour les bestiaux. » La dragée de cheval en particulier est composée de froment et de sarrasin. Il s'agirait donc aussi d'une manière de dessert, une friandise dont la bête est particulièrement gourmande, et qu'il convient de lui prodiguer avec modération en la plaçant à une hauteur convenable dans le râtelier, hors de sa portée, de sorte à l'habituer à maîtriser sa gloutonnerie. Tenir la dragée haute serait donc un exercice de dressage analogue à celui du « susucre » offert à un chien sous certaines conditions d'obéissance ou d'équilibre sur ses pattes de derrière.

Cela dit, la dragée de sucre ou de miel est elle aussi une friandise ancienne, le prototype de tous les bonbons, convoitée par les bambins de toutes époques, les pages, les chambrières, et je pense que la hauteur où elle était tenue à autant de sens pour eux que les quadrupèdes.


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