Main photo Poules, coproscopies et examens au microscope -2/2

Poules, coproscopies et examens au microscope -2/2

  • Par Admin
  • 2097 vues

(suite de l'article : Poules, coproscopies et examens au microscope - 1/2 : ici )

Image en titre : Fragment végétal d'environ 200µ entouré de bulles d'air observé sur un microscope numérique amateur.  Crédit Photo : JT

___________________________________


3ème partie : Identification et numération.


a/ Cibles et échelles de grandeur :


Une bactérie mesure entre 1 et 10µ. Dans vos meilleurs jours, avec un grossissement maximum et un zoom numérique, vous parviendrez peut-être à en observer certaines, d'autant qu'une bactérie se déplace rarement seule. Vous verrez alors un fourmillement de petits points au milieu d'objets immobiles (zones turbidités claires visibles ci-dessous, crédits : JT).

N'espérez pas les identifier formellement mais vous pourrez très fortement suspecter la présence de bactéries car quasiment tout ce que vous observerez habituellement sera statique. Ce sera, et de loin, ce qui sera le plus difficile à distinguer, mais avec un peu d'habitude, c'est envisageable.


Une coccidie mesure entre 10 et 30µ - soit entre 1mm et 3mm à l'écran. Chez les poules, il en existe au moins 7 familles principales d'aspect très semblables, identifiables par leur forme pseudo circulaire avec une fine membrane contenant 3 ou 4 noyaux au centre.

On peut facilement confondre une coccidie avec une minuscule bulle d'air, à la différence que les bulles sont en général isolées, brillantes et sans noyaux. Les coccidies, tout du moins celles qui nous préoccupent, sont en nombre et ont des noyaux. (photo ci-dessus : crédits : links.springer)


Un œuf de ver mesure entre 40 à 70µ, sur votre écran il aura le même diamètre que le cheveu  : 4 à 7mm. Vous pourrez parfois en voir un isolé, mais si la poule est parasitée, ils devraient être nombreux. Ces œufs sont très facile à déceler, en raison de leur taille importante et de leur forme ovaloïde assez caractéristique (Voir aussi liens en bas de page - source, manuel de pathologies aviaires)

Vous pourrez procéder à des vérifications sur d'autres échantillons si vous avez un doute, un œuf isolé peut très bien avoir été détruit et rejeté par l'organisme de la poule sans pour autant l'avoir parasité


b/La numération :


La numération est le comptage précis des parasites sur un échantillon, qui donne une estimation de l'infestation sur l'animal.

Avec ce matériel rudimentaire, on se contentera modestement de noter : *la présence, *l'absence, *le petit nombre ou *le très grand nombre de parasites, ce sera déjà pas mal, et en fait, largement suffisant.


Les œufs, n'ont pas vraiment besoin de faire l'objet de numération. S'il y a des œufs dans vos prélèvements, il y a en général des vers. Beaucoup d'œufs signifient que la poule est fortement parasitée, à un stade avancé d'une maladie ou a un stade précoce.


Plus il y en a, plus il sera difficile de s'en débarrasser. S'il n'y en a qu'un... c'est suspect, renouvelez vos observations sur cette éprouvette  ou reprenez des échantillons pour confirmer.  


Une faible infestation est possible, elle pourra presque être traitée sans vermifuge avec des traitement naturels. Vous pourrez juger de l'efficacité du traitement en répétant vos coproscopies, et éventuellement changer de produit.


c/L'identification des parasites :


La taille permet de dire très facilement si le bidule que vous avez à l'écran est un amas de bactéries, des coccidies ou des œufs.  L'enjeu sera d'identifier le type d'œuf, pour savoir à quel parasite intestinal il correspond, ce qui permettra d'utiliser le bon vermifuge, en particulier si vous avez affaire à un capillaire.


d/Observation de vers adultes :

La présence de vers adultes sera visible à l'œil nu ou à la loupe. Votre super microscope sera donc tout a fait superflu mais vous pourrez au moins identifier si le vers est plat, ou rond.


En revanche il sera bien plus utile pour confirmer la présence de capillaires (vers très fins) par exemple.


Si vous n'avez rien vu a l'œil nu, l'observation d'œufs au microscope vous permettra d'être plus vigilant(e) et d'aller vérifier, au cas ou un détail vous aurait échappé.


Vous aurez compris le principe :

  • si vous voyez un indice au microscope, vous vérifiez et revérifiez. (fientes à l'œil nu et au microscope).
  • Si vous voyez un symptôme sur une poule, vous sortez le microscope, vous verifiez les fientes de cette poule et éventuellement celle les autres.
  • Si vous ne voyez rien du tout et que la poule n'a aucun symptôme : vous avez plutôt de bonnes raisons de penser qu'elle n'a pas de parasite.


4ème partie : prélèvements et observations.

.

a/ Le prélèvement.


Vous êtes déjà fous de joie à cette idée, mais rassurez-vous on s'y fait vite . En pratique, c'est assez simple. La veille, vous nettoyez votre poulailler et vous posez du papier journal sur la litière, sous les perchoirs.

- Le lendemain, il suffit de venir avec, en gros, une éprouvette par poule et de prélever un échantillon sous chaque perchoir. (si vous avez 200 poules... je vous rappelle que le cadre du sujet est plutôt l'élevage familial ;-) essayez de procéder par lots comme indiqué ci-dessous)  Aucune importance de savoir de quelle poule il s'agit .. c'est du préventif. L'idée est simplement de détecter s'il y a un problème.

- S'il n'y a rien de suspect, inutile d'identifier à qui appartient l'échantillon. Si vous constatez la présence de parasites, il vous sera très simple de renouveller votre analyse pour savoir précisément quelle(s) poule(s) traiter.

- Beaucoup de coproscopies en élevage se font même par lots : on mélange tous les prélèvements d'un lot, et s'il n'y a rien, tout le lot est ok, dans le cas contraire on affine, poule par poule, ou on les traite toutes... (c'est discutable mais c'est ainsi).

- Le prélèvement se fait avec votre petit bâtonnet en bois sur un échantillon d'environ 2mm de diamètre, que vous prendrez à l'intérieur de chaque fiente et que vous laisserez dans l'éprouvette.

- On fera l'impasse sur la filtration, techniquement plus ardue. Ce qui permettra accessoirement d'observer ce que mange réellement vos poules et d'avoir une petite possibilité de détecter des vers adultes qui seraient filtrés par ce procédé.

- Si un échantillon semble suspect, si une poule est malade, ou présente de signes alarmants on l'isole... et là, on fait du prélèvement plus précis, voir même 4 ou 5 prélèvement sur les déjections de cette même poule qu'on surveillera de près... autant que vous le jugez nécessaire. 

- Cette observation ne sera pas uniquement coprologique, verifiez à cette occasion tous les signes externes (yeux, gorge, pattes, coussinets, abdomen, cloaque, crête, motricité, parasites dans le plumage, appétit et comportement), ainsi que le poids et accessoirement la température. Cet examen complet prend 5mn et doit de toute façon être effectué aussi régulièrement que possible (1 fois par semaine ou au pire, 2 fois par mois). Voir article sur l'examen de routine (ici)



Il faut être conscient qu'un échantillonnage n'est qu'une vue partielle. Vous ne trouverez peut-être rien sur un échantillon. Si une poule est malade ne vous posez pas de questions, faites 5 échantillons à chaque prélèvement, Vérifiez et recommencez 3 heures plus tard. "Cherchez, et vous trouverez", comme disait Léonard De Vinci.


Ci-dessous : un échantillon dans son éprouvette.


b/ La préparation.  

  • Mettez 5 ou 6 gouttes de sérum physiologique dans la 1ère éprouvette et mélangez avec le bâtonnet pour obtenir un liquide homogène : ni une pâte , ni une soupe, un liquide foncé uniforme avec un maximum de matière à observer dans un bain liquide.
  • Posez une lame concave (dans le bon sens) sur le socle du microscope et faites tomber votre échantillon liquide dans le creux de la lame de verre (une grosse goutte du genre 7mm x 7mm)
  • Posez la minuscule plaque de verre carrée dessus en appuyant légèrement. Ô miracle, rien ne déborde et vous avez une lame de prélèvement bien carrée uniformément répartie... comme un(e) pro. (enfin, normalement). Pour mieux voir, je vous conseille de poser 1/4 de feuille de papier blanc sous la lame, vous déplacerez aussi plus facilement l'échantillon sous l'objectif.


c/ Que voit-on au microscope ?

.
Principalement des fibres ou des fragments de végétaux décomposés, des minéraux, des cristaux de charbon, des bulles d'air... (un vrai scientifique n'aurait pas de bulle d'air, mais vous, si.:-)))



La bulle d'air est généralement ronde, mais pas toujours (de toutes tailles, de très petite, 10µ, à très grande 100µ). Elle se reconnaît car elle va refléter les diodes des lampes du microscope en cercles lumineux. (ci-dessus : une jolie bulle d'air ). Rien d'anormal. 

Vous allez chercher 3 sortes d'objets : les bactéries, les coccidies et les œufs. Tous les trois sont susceptibles d'être présents en nombre ou en colonies d'objets identiques, contrairement à tous les débris immobiles de formes "uniques" que vous pourrez observer. Tous les trois sont d'apparence circulaire, allant de l'amas de points fourmillant dans le liquide à l'œuf très caractéristique.


Si vous voyez de minuscules colonies de ronds avec 4 noyaux, amassés en grappes, qui feront environ 1 à 2mm sur l'écran : ce sont des coccidies.

Si la Poule est parasitée, vous trouverez des œufs, de formes ovales, avec une membrane distinctive : une membrane extérieure et une seconde presque collée, un noyau et parfois au sommet, un opercule. Ces œufs seront assez gros de 5mm à 1cm sur votre écran, soit environ 50 à 100µ. Vous pourrez identifier l'espèce grâce à leur taille, leur forme et leur opercule.

Le plus souvent, vous ne trouverez rien. Rien du tout. Une poule en bonne santé n'a pas spécialement de parasites grouillant dans tous les sens. Rien ne bouge. Vous verrez donc principalement des végétaux très fortement grossis, et des fibres, des cailloux, des cristaux transparents, en espérant ne rien voir d'autre, en fait.

d/ Quadrillage et exemples d'observations

Pour observer votre lame, partez d'un coin et glissez horizontalement ou verticalement jusqu'au bord, et faites l'observation par bandes sur toute la surface. Si vous avez un doute, prenez une photo d'écran. Procédez ainsi sur toutes vos lames. 

 
Sur cette image (ci-dessus) on peut voir le vide intersidéral de cet échantillon. Rien ne bouge, tous les aliments sont entièrement décomposés. Il pourrait s'agir d'un "ver" ou d'un minuscule fragment de vaisseau sanguin d'environ 0.3cm à l'écran, mesurant donc 30µ. La taille semble extrêmement petite pour un ver et l'objet est clairement isolé. Aucun autre objet équivalent sur les autres prélèvements. Aucun danger. 

 
Deux cellules ovaloïdes comportant une membrane interne et un contenu. Environ 0.8 cm à l'écran, on est donc en présence de quelque chose de vivant d'environ 80µ qui ressemble clairement à un œuf.
Aucun autre échantillon n'a montré d'équivalent. Conclusion probable : deux œufs de vers (non identifiables), isolés, probablement neutralisés et rejetés par l'organisme. Aucun danger.


Cet échantillon est très intéressant au niveau nutritionnel. On s'aperçoit que cette poule ingère de grandes quantités de charbon de bois dont on aperçoit les fragments. En rouge, une bulle d'air a été marquée, c'est la plus petite taille possible que pourrait avoir une coccidie en x100. Une taille "normale" serait 1.5 à 3 fois plus grande.


Cette vue permet d'observer la pigmentation de fibres végétales (toute la partie du haut) ainsi que des bulles d'air de de différentes tailles. On peut voir sur chacune d'elles les reflets des éclairages des diodes en cercle du microscope, ce qui permet de les distinguer des parasites.


Ici, l'image laisse apparaître d'innombrables colonies de bactéries : elles ont l'aspect "d'eau givrée" ou de flocons en transparence (tout ce qui est de teinte blanchâtre). Sur une observation directe, toutes ces zones fourmillent de turbulences de petits points. (Le cliché a été pris sur un échantillon de purin de fientes de poule.)
Image prise en laboratoire (University of New Hampshire : https://unh.edu ) Coccidies en colonie à une échelle plus ou moins équivalente au x100, telles qu'on pourrait les observer.



e/ Nettoyage du matériel :
Après chaque observation, déposez la lame, la diapositive, l'éprouvette et le bâtonnet dans votre récipient à vaisselle rempli d'eau avec une pastille de javel. En 30mn tout ce qu'il y a là dedans sera décomposé et désinfecté.

On peut nettoyer les diapositives, ou pas, ça se vend par 100, à vous de voir, idem pour les éprouvettes et les bâtonnets. Jetez ce que vous ne voulez pas garder, passez le reste sous l'eau. Désinfectez votre évier ou lavabo au vinaigre et/ou à la javel après avoir tout nettoyé. Jetez vos gants, et lavez vos les mains au savon puis au gel hydroalcoolique. Et voilà, c'est terminé.

Un échantillon prend environ 2-3 mn pour être examiné. Avec un peu de méthode vous bouclez 5 échantillons en 10mn. Au tarif habituel d'un examen vétérinaire, votre microscope est amorti... dès la première utilisation :-) Par contre vous n'aurez ni le conseil du spécialiste, ni le diagnostique, ni la prescription.

f/ Post-traitement des clichés.
Le transfert des photos se fait "à la chinoise", vu que vous avez évidemment du matériel conçu au plus bas coût possible et donc pas spécialement pratique. Il faudra sortir délicatement la carte sd sans casser le support, puis utiliser un petit adaptateur pour la brancher en usb sur votre smartphone ou votre pc. L'adaptateur coute 2€... mais intérieurement vous fulminerez contre le concepteur du bidule qui n'a pas prévu le moindre dispositif pour vous simplifier la vie. Ce genre matériel n'existait pas il y a même pas 10 ans ou à des prix totalement prohibitifs, on va pas se plaindre non plus, pour ce prix vous pourrez réaliser des centaines d'analyses et éviter bien des soucis à vos poulettes.

.


___________________________________
Conclusion :

.
Peut-on dire qu'un microscope est vraiment indispensable ? Franchement pas, on peut très bien s'en passer. Si on veut bien y mettre un petit billet, je dirais que c'est un accessoire utile et rassurant... si on prend un peu de temps pour l'utiliser.

On pourra lui accorder le mérite d'apporter un vrai plus dans certaines situations :

1- Confirmer ou infirmer la présence de coccidies 


2- Confirmer ou infirmer la présence de vers, notamment les capillaires, et éviter les vermifugeages inutiles


3- Anticiper de manière précoce la présence de parasites, éviter des traitements lourds, limiter les risques de contamination.


4- Confirmer ou infirmer (dans certains) cas une présence bactérienne anormale, et consolider un diagnostique.


5- Valider l'efficacité et la fin d'un traitement par l'absence ou la diminution de parasites.


6- Transmettre à distance des clichés pour un avis externe.


7- Avoir un aperçu du "bol alimentaire" de chaque poule : ce qu'elle mange ou ne mange pas.



Ce genre de petit outil ne résoudra pas tous les problèmes qui pourraient survenir, loin de là, mais il peut occasionnellement s'avérer bien utile dans certaines situations. Je vous laisse donc vous faire votre propre avis.



___________________________________

Crédits, sources et liens utiles :

Crédits photo : JT - plumage (sauf photos prises en laboratoire : coccidies et œufs créditées au fil du texte)

___________________________________


Bon modèle de scope actuellement : https://m.fr.aliexpress.com/item/1005002417071640.html

Reconnaitre les parasites (pdf)- (Document le plus facile d'accès, très simple avec juste des photos) : https://www.medvet.umontreal.ca/servicediagnostic/parasitologie/PDF/Reconna%C3%AEtre%20les%20parasites.pdf

These de coprologie (pdf) - photos d'identifications et approfondissements : https://www.vetosapiens.net/wp-content/uploads/2020/12/These-coprologie.pdf

Manuel des techniques de laboratoire
en parasitologie et bactériologie (pdf) : methodes et photos d'analyses : https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/41899/9242544841_fre.pdf



> retour au menu des articles


Publications recommandées